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Elle avait entre-ouvert la porte de la chambre vers 2h30. Épuisée, elle se faufila silencieusement à l'extérieur, ne prenant pas soin de refermer la porte derrière elle.
Elle aurait pu courir jusqu'à la chambre des adultes, leur expliquer ce qu'il s'était passé. Elle aurait pu appeler à l'aide, mais il était derrière elle, suivant ses moindres gestes.
Le plancher craquait légèrement sous le poids de leurs deux corps, leurs ombres sombres couraient sur les murs tapissés. Elle tremblait de tout son être.
Il la raccompagna jusqu'à la chambre de sa petite sœur. Ils n'échangèrent pas un mot, pas même un regard.

Son corps brun retomba mollement sur le matelas. Elle sortit lentement son téléphone, de sa poche de pyjama. L'objet était le seul témoin de son aggression.
Elle aurait pu appeler à l'aide, enregistrer les gestes de ce garçon, mais elle ne l'avait pas fait, trop occupée à se débattre.
Elle ne comprenait toujours pas ce qu'il lui était arrivé.
Instinctivement, elle envoya un message à l'une de ses amies, restée en France pour les vacances. Peut-être qu'elle l'aiderait à comprendre ce qui lui était arrivé.
Elle lui parla de ses vacances aux Etats-Unis chez des amis de ses parents; elle lui parla de la petite, avec qui elle passait une grande partie de son temps; elle lui parla de lui. Ce garçon pas plus âgé qu'elle. Et puis, elle lui parla de ce qui s'était passé cette nuit-là.

Ses traits fatigués se dessinaient sous la faible clarté du petit écran. Ses yeux ovales paraissaient injectés de sang, de lourdes cernes noircissaient son visage fin. Ses boucles brunes étaient emmêlées, et sa peau mate palissait. La jeune fille autrefois forte, qui n'avait peur de rien, s'étaient transformée en un animal chétif, se recroquevillant sur elle-même.
Elle éteignit finalement son écran et s'endormit presque aussitôt.

Elle dû se lever à contre-coeur, réveillée par l'alarme stridente du réveil. Il était 5h30.
Elle enfila rapidement un jean et un t-shirt blanc. Elle débarbouilla son visage bouffis à l'aide d'une lingette, et enfila ses tennis.
Si elle avait pu, elle se serait douchée une seconde fois, pour retirer toute trace de sa nuit précédente.
Elle réveilla ensuite la petite. Elles devaient partir.

- Je prendrais bien une douche froide. dit-elle
- Mais tu t'es douchée hier soir! lui répondit la gamine

Elle lui sourit tristement et la pressa d'enfiler ses baskets.
Elles dévalèrent ensuite les escaliers et sortirent par la porte du garage. La mère de la plus jeune était déjà installée au volant.
Comme tous les matins, elle se rendaient au travail de cette dernière , dans une garderie, pour lui venir en aide.

Bercée par le mouvement de l'auto, la jeune métisse ne tarda pas à s'endormir sur le siège passager.
Le soleil de Washington DC caressait doucement son visage fatigué.
Après une heure de trajet, elle s'extirpa difficilement du véhicule, boitant jusqu'à la porte de la petite crèche de secteur.
Retrouvant un peu de réseau, elle alluma son téléphone.
"MAIS C'EST DU VIOL!!" lui avait répondu son amie.
Un viol? Non, ce n'était pas un viol. Ce ne pouvait pas être un viol. Son amie devait se tromper. Elle envoya alors un message à une autre de ses amies, qui partagea l'avis de la première.
Non. Ce n'était pas un viol.
Sa deuxième amie l'appela un peu plus tard, paniquée.

- T'as prévenu tes parents au moins? lui demanda son amie
- ...
- Mais tu ne peux pas ne pas prévenir tes parents! s'écria-t-elle
- ...
- Pourquoi tu ne me réponds pas?

Elle raccrocha. À ses côtés se trouvait la mère de ce garçon. Elle aurait pu parler devant elle, mais cette dernière comprendrait, et elle ne voulait pas qu'elle le sache.
Elle prétexta une envie soudaine d'aller prendre l'air pour s'échapper dans la petite court.
Une fois dehors, elle composa le numéro de son amie, lui expliquant les derniers événements.

- Bon écoute, la rassura son amie, on va appeler des gens qui vont contacter tes parents, d'accord?
- Non.
- Mais enfin, tu ne peux pas rester comme ça! C'est du viol!
- C'est qui "on"? demanda-t-elle d'une voix rauque
- Mes parents et moi.
- Tu en as parlé à tes parents?
- Je suis désolée, mais ils ont vu le message que tu m'avais envoyé. admit-elle
- ...
- Alors on va prévenir tes parents. continua-t-elle
- C'est qui des "gens"?
- La police. répondît-elle gravement
- ....
- Je t'appelle quand on les a eu au téléphone. Sois courageuse.

Elle essuya la sueur qui perlait à son front et raccrocha. En quelques instants, sa peau métissée avait pris des teintes plus foncées.
Elle retourna lentement dans l'établissement. La petite de dix ans l'attendait pour jouer avec elle.

Un peu plus tard dans l'après-midi, un cri rauque éclata dans la garderie. L'amie de sa mère se dirigea vers elle, lui criant des mots qu'elle ne compris pas tout de suite.

- Qu'est-ce qui c'est passé avec mon fils? criait-elle

Instinctivement, la jeune fille se mit à pleurer. Ses parents avaient été prévenu, et avait trouvé bon de prévenir la mère de ce garçon.
L'autre reposa sa question plus doucement. Elle s'installa en face de l'adolescente, attendant sa réponse.
Tu sais très bien ce qui c'est passé, alors pourquoi tu me le demande? pensa la jeune fille.
Elle baissa honteusement la tête. Elle tremblait de tout son corps.
La mère se releva, faisant les cents pas dans la pièce. Elle secouait de temps en temps la tête, incrédule.

- Si mon mari apprend ça... soupirait-elle

La femme quitta ensuite la pièce, retournant travailler auprès des enfants. L'adolescente se faufila elle aussi à l'extérieur de la pièce, revenant avec des paquets de gâteaux, des sodas et du chocolat. Peut-être que ça l'aiderait à se détendre, à noyer sa peine. Elle ne savait pas que cette habitude lui resterait. Qu'elle se transformerait peu à peu en mangeuse émotive, prenant une dizaine de kilos en l'espace de quelques mois.
En attendant, elle s'empiffrait de sucreries.

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