Chapitre 5 Attirance.
Simon se réveilla en sursaut. Le corps transpirant, les sens encore troublés, il avait l'impression d'émerger d'un long cauchemar. Après s'être totalement réveillé, il comprit qu'il était allongé sur le canapé de la salle de repos du commissariat. Une couverture avait été posé sur lui. Tant de gentillesse troublait son quotidien.
Il faut dire que sa crise avait aussi troublé son quotidien. Il n'avait pas refait une crise d'une telle intensité depuis la primaire, ce qui remontait à très loin. C'était une des raisons pour lesquelles il allait voir un psychologue à l'époque, et encore aujourd'hui. Ce visage couvert de sang, écrasé et vidé.
Simon frissonna avant de se frotter les yeux.
- Ce n'est rien, ce n'est rien. Ce n'est qu'un cauchemar ... qu'un cauchemar ...
La mains sur son épaule le fit sursauter. Il crut que son cœur allait se stopper.
Il s'apprêtait à donner un coup de poing à celui qui avait perturbé sa fausse tranquillité, mais le visage apaisant de Julie calma instantanément sa colère.
- On avait rendez-vous, expliqua Julie. Comme tu ne venais pas, je suis venue à toi. Il serait intéressant d'étudier cette crise de panique, Simon.
- Et aussi de m'apporter un verre d'eau, marmonna Simon, qui voyait déjà cette séance durer une éternité.
Julie O'Malley était sa psychologue depuis environ six mois. Elle l'aidait à gérer ces quelques crises qui troublaient son affairement, et essayait de le faire entrer dans sa mémoire pour qu'ils comprennent ensemble les raisons de ces visions peu charmantes.
Simon consulta l'heure sur son téléphone. Il était près de dix-neuf heures. Julie avait-elle vraiment patienté deux heures, pendant que lui dormait paisiblement -ou pas- dans cette salle ?
Elle a peut-être fait du shopping entre temps, songea bêtement Simon.
Quelques minutes plus tard, après avoir bu deux verres entiers d'eau fraîche, Simon se mit confortablement sur le canapé, troué par endroit, et dont la vieillesse se faisait ressentir dans le dos. Julie prit une chaise en bois et s'assit en face de lui. Elle disait qu'elle aimait avoir un contact visuel avec ses patients.
Cela gênait Simon, qui regardait rarement Julie dans les yeux.
- On ne va pas tourner autour du pot, commença Julie. Qu'as-tu vu, lors de ta crise de panique ?
- C'est assez flou, genre comme si les images étaient derrière un rideau transparent et qu'il y avait de la buée, tu vois ? Mais la dernière image est plutôt nette et ... terrifiante.
- Quelle est-elle ?
Simon soupira. Raviver cette image ne l'enchantait guère. Il tenta de décrire un maximum ce qu'il avait vu à Julie, qui fit un dessin approximatif sur son carnet. Lorsqu'il eut fini de raconter sa vision, Julie posa son carnet et croisa les jambes.
Les yeux dans les yeux, elle semblait inspecter tous les gestes que faisaient Simon.
- Nous avons plusieurs hypothèses concernant ce que tu as vu. Je te les soumettrai après. Pour l'instant, peux-tu me dire ce que tu faisais avant d'avoir cette image ?
- Je ... J'enquêtais sur la famille Villeroche. J'en étais aux vieux journaux, et un article a capté mon attention. J'étais attiré par cette affaire de train, ce jeune garçon tué sur les rails. Je ne sais plus son nom ...
- Une photo t'aurait mis dans cet état ?
- Peut-être. J'en sais rien, moi ! Putain, j'ai l'impression de revivre mon inscription à l'AMAC, j'y comprends rien.
Julie sourit.
- Une image, un mot, une situation, a ravivé des souvenirs en toi, continua Julie. L'image que tu as vu ensuite peut être signe que ton inconscient cherche à te faire prendre conscience de quelque chose. Là, un travail d'interprétation, et ensuite de recherches, doivent s'opérer. Ou bien c'est un souvenir réel que tu as refoulé, et qui te revient en pleine poire. Ça peut aussi être dû à des hallucinations. Je ne sais pas encore quelle hypothèse est bonne ou fondée, on travaillera dessus.
- Quel programme, you-hou !
Simon laissa son regard gambader entre les étagères pleines de gâteaux et de caféine, et les quelques photos de chats mignons qui avaient dues être mises par un policier passant beaucoup de temps en salle de repos.
Julie mit une mèche de cheveux derrière son oreille, l'air contrariée.
- Tu as eu de la chance, ta crise aurait pu être pire.
- On n'a pas la même mesure de la chance, Julie, rouspéta Simon.
- Je suis sérieuse. Si Light n'avait pas été là, tu serais dans un hôpital, et pas sur un canapé moisi.
L'évocation de Light lui fit lever complètement la tête. Julie venait de dire que Light avait été là pour lui, ou il avait rêvé ?
- Tu ne t'en rappelles pas ? demanda Julie. Tu étais à moitié conscient. Selon les policiers, tu déblatérais pleins d'absurdités. Ils disent que Light t'a tenu dans ses bras et t'a murmuré des paroles rassurantes, puisque après tu as commencé à te calmer.
Simon rougit en imaginant cette scène. D'abord, c'était une honte pour lui, le jeune nouveau dans l'équipe qui montrait déjà ses faiblesses. En plus, c'était Light qui avait assisté à ça et qui avait dû jouer aux mamans poules. Enfin, il avait été dans les bras de Light.
Pourquoi lui semblait-il que Julie avait insisté sur ce mot ?
Sa psychologue lui sourit tendrement et lui caressa la joue.
- Vendredi soir, lors de ta vraie séance, nous parlerons de Light, d'accord ?
Devant le ton doux, mais presque autoritaire, de Julie, Simon ne put que hocher la tête. Juste avant que la porte de la salle de repos ne claque.
- Qu'y aurait-il d'intéressant à dire sur ma personne ?
Le visage lumineux de Light mit Simon mal à l'aise immédiatement.
Julie se leva et fit un clin d'œil discret à Light, que Simon vit néanmoins. Il trouva que c'était mauvais signe. Il prit la couverture et enroula son corps dedans, comme pour réchauffer ses angoisses.
- Je te dis à vendredi, Simon. Appelle moi si besoin est, dit Julie en l'embrassant sur la joue.
La jeune femme serra la main de Light avec un salut poli de la tête et sortit de la pièce en fermant la porte.
Encore un mauvais signe pour Simon.
- J-je suis désolé, bafouilla Simon.
Simon espérait que Light resterait à bonne distance mais, comme le monde lui en voulait, il dut influencer son collègue qui s'assit juste à côté de lui sur la canapé. Le genou de Simon, assis en tailleur, frottait la cuisse de Light.
Le contact n'était pas déplaisant, ce qui énervait justement Simon. Pourquoi fallait-il que Light ne lui évoque pas un tas de limaces repoussant, ou une purée d'escargots mélangés à des entrailles de zombis ?
- Tu n'as pas à t'excuser, chacun à ses moments, sourit Light.
Une nouvelle fois, Simon fut attiré par cette magnifique dentition qu'avait Light.
Le latino reprit ses esprits et détacha son regard de la blancheur de ces dents.
- Tu as déjà eu les tiens ? demanda Simon, curieux d'apprendre les faiblesses de Light.
- Chacun, sauf moi, rectifia Light.
- La modestie t'étouffe.
- Voilà donc la cause de mon mal de gorge. Tu penses que je devrais consulter ?
- Le médecin de l'ego, pourquoi pas.
- Non, sans façon.
- Ouais, le traitement serait trop long, s'amusa Simon.
- C'est surtout parce que je sais que tu m'aimes comme je suis.
Cette réplique coupa toute parole à Simon.
Il l'aimait ? Comme il était ? Son cerveau tournait trop vite pour lui. Il venait tout juste de se réveiller d'une douloureuse épreuve, et là Light lui retournait les méninges. Aimait-il Light ? Il l'appréciait en tant que collègue. Bon, il arrivait qu'il soit attiré par son regard ténébreux, par ce corps parfaitement taillé pour son veston bleu marine, son sourire charmeur ...
Simon se mit une petite claque, avant de rougir comme Roméo devant la beauté de Juliette.
- Tu devrais consulter aussi, rit Light.
- C'est ce que je fais, figure toi ! s'énerva Simon.
Le visage de Light se fit plus sombre, plus sérieux. Il posa sa main sur le genou de Simon, le regard dans le vide.
- Tu m'as fait peur, avoua-t-il.
- Je me suis fait peur aussi, si ça te rassure.
Light fronça les sourcils. Il retrouva son teint habituel, à savoir celui de la joie malsaine et du mystère parfait.
Le jeune homme se mit à fixer Simon, intensément. Il avait l'air d'un enfant découvrant un caillou pour la première fois. Fasciné par ce qu'il voyait.
- Bon ! On a une enquête à poursuivre ! s'exclama Simon sans enthousiasme.
La porte claqua à nouveau.
Cette fois-ci, Simon eut la (fausse) joie de voir Catherine, un verre de thé à la main. Dans son autre main, elle tapait un message sur son vieux téléphone. Elle resta quelques instants à taper, puis rangea son appareil et fit face aux deux garçons.
- Le père de Killian Villeroche est dans le hall. Il veut des explications, et je sens que je vais lui les donner à coup de pelle. Vous vous en chargez, exigea Catherine.
Light soupira et se leva péniblement. Il fit craquer sa colonne vertébrale avant d'affirmer qu'il irait le voir. Catherine, rassurée parce qu'elle n'aurait pas à le faire, quitta la pièce en buvant son thé.
- Tu as travaillé sur l'arbre généalogique des Villeroche, c'est bien ça ?
Simon hocha la tête. Light étirait maintenant son dos en étendant ses bras jusqu'au plafond.
- Qu'est-ce que tu peux me dire sur le fameux père ?
- Il s'agit de Gunter Villeroche, divorcé de sa femme Cassandre Gordon. Il dirige une entreprise immobilière en plein New York, qui fonctionne bien. Bref, il a pas de soucis d'argent. Il a perdu sa sœur il y a cinq ans, sujet sensible selon les médias que j'ai lu. Gunter n'en a pas parlé une seule fois, ça a été motus et bouche cousue !
Simon vit dans les yeux de Light une étincelle. Il se délectait de sa future victoire contre un puissant de New York. Une victoire d'orgueil, évidemment.
Light allait sortir de la pièce mais, juste avant de passer le seuil, il se tourna vers Simon et lui prit délicatement la main.
- Content que tu ailles bien, souffla-t-il.
Puis, il défit ses doigts entremêlés à ceux de Simon, qui avait involontairement refermé sa main sur celle de Light.
- Tout va bien, se répéta Simon après que Light est parti et est achevé de bouleverser toute sa vie mentale.
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