Chapitre 4 Secrets d'enfance.

À travers la vitre teintée, Simon observait l'interrogatoire. Les séries policières représentaient très bien ce genre d'endroit, des lieux froids où la pression règne. Surtout lorsque Light était aux commandes. 

Pour tout interrogatoire, l'équipe 13 n'envoyait qu'un seul homme dans la salle, c'était Light. Simon et Catherine restait en retrait dans l'autre pièce, témoin de toute la scène. Simon prenait quelques notes sur le comportement du suspect, tandis que Catherine semblait s'ennuyer profondément à chaque fois. 

Killian Villeroche tripotait les manches de son sweat-shirt depuis plusieurs minutes. Face à lui, appuyé contre la vitre, Light l'examinait en silence. Light était doué pour les interrogatoires, parce qu'il avait cette sorte de don qui consistait à mettre les autres mal à l'aise. Ce qui marchait sur Simon également. 

D'ailleurs, ce dernier était toujours impressionné par les talents de son collègue. Parfois il se surprenait à le fixer trop intensément et se frappait intérieurement d'être si attiré par cet être. 

Tu m'appartiens, Simon. 

Lorsque ces mots lui revinrent en mémoire, Simon rougit. 

  - Moucheron, Light va passer à l'action, dit Catherine. 

Simon porta toute son attention sur Killian, qui paraissait de plus en plus nerveux. 

  - Donc, tu prétends avoir tué ta mémé ? 

Killian hocha la tête sans regarder Light dans les yeux. 

  - Comment as-tu fait ? 

  - Je ... Je veux un avocat. 

  - Ce n'est pas une question piège. Du moins, pas pour quelqu'un qui vient d'avouer avoir commis un crime. 

  - Je ne dirai rien sans un avocat. 

  - Tu ne l'as pas tué. 

L'espace d'un instant, Killian fut déstabilisé. 

  - Si ! Si, je l'ai fait ! Envoyez moi en prison, je suis le coupable ! 

  - Pourquoi avoir prétendu ne pas savoir que ta grand-mère était morte quand nous t'avons trouvé, si tu comptais te livrer sur un plateau d'argent juste après ? demanda Light. 

  - J'étais ... j'étais sous pression, d'accord ? 

  - La culpabilité, c'est ça ? 

  - Exactement ! La culpabilité, oui la culpabilité ...

  - Tu veux savoir ce que j'en pense ? 

Light se positionna derrière Killian, et mit ses mains sur les épaules du jeune homme, qui frissonna. Puis, délicatement, il s'approcha de son oreille. 

  - Je pense que tu mens, déclara-t-il. 

Light se releva et commença à masser les cervicales de Killian, dérouté. Le jeune Villeroche se mit à transpirer, et ses pouces n'arrêtaient pas de jouer entre eux, comme si ses nerfs ne contrôlaient plus leurs mouvements. 

Simon avait déjà observé Light diriger un interrogatoire. À chaque fois, il avait l'impression que les suspects coulaient peu à peu dans un océan de mensonges étouffant, et que la pression était telle qu'il n'avait qu'une envie : remonter. 

  - Je pense que tu couvres quelqu'un, ajouta Light. 

Sur ces mots, Killian eut le regard vide. Tremblant, il répéta qu'il voulait un avocat, et ce, jusqu'à ce qu'il en est obtenu un. Light décida alors de lâcher l'interrogatoire. Simon aurait pu pensé qu'il en avait assez de la voir s'obstiner dans son mensonge mais, en réalité, il vit que Light portait un sourire éclatant. 

L'équipe 13 se rejoignit dans le couloir, en dehors de la salle d'interrogatoire. 

  - J'ai eu ce que je voulais, sourit Light. Et toi, Catherine, tu as pu établir une liste de suspects ? 

Catherine releva les yeux de ses chaussures et eut un sourire en coin méprisant. 

  - Tu me prends pour qui ? J'veux bien être talentueuse, mais j'suis pas un éclair, va falloir attendre. 

  - Je la veux demain matin, dit Light. 

Avec un regard entendu, Catherine laissa les deux hommes seuls. 

Simon eut alors l'impression que l'univers tout entier lui en voulait. Le laisser seul à seul avec Light n'était pas une bonne idée, surtout lorsque son cerveau était bloqué en mode "replay" et que la chose qui se répétait était trois mots de Light. 

Mal à l'aise, Simon se mit à examiner chaque recoin du couloir, allant même jusqu'à repérer la petite mouche coincée dans une toile d'araignée, ainsi que la tâche de café sur le mur d'en face. 

  - Quelque chose te tracasse, Simon ? 

Le jeune latino sursauta. 

  - Rien. Rien du tout. 

Light sourit. Contre toute attente, il plaqua Simon au mur. 

Leur visage à quelques centimètres seulement, Simon pouvait voir de tout près les détails qui formaient cette figure de séducteur. Notamment ses yeux. Des yeux verts émeraudes, aux éclats de marron et peut-être même de jaune. Ses iris formaient une partie délicieuse, encore plus désireuse que l'expression de la jeune fille à la perle. Un mélange de robustesse et de fragilité. 

Pendant un instant, Simon ne pense plus qu'à ces yeux, plongés dans les siens. 

  - Est-il possible que j'occupe tes pensées ? 

La voix de Light le ramena à la réalité et, d'un mouvement brusque, il l'écarta de son chemin. 

  - Ne m'ajoute pas si facilement à ta liste de conquêtes, rouspéta Simon. 

Il entendit Light rire. 

  - Je ne m'attends pas à ce que ce soit facile, mais tu seras sur ma liste, affirma Light. 

  - Pardon ? grinça Simon en se retournait vers Light. 

Simon s'apprêtait à répliquer avec toute l'imagination qu'il possédait, mais son téléphone le coupa. Il répondit sans même regarder le numéro, trop impatient d'en finir avec ce coup de file, et de poursuivre cette entrevue avec Light. 

Son visage se décomposa néanmoins lorsqu'il entendit Hederald Damiens se présenter. 

  - B-bonjour, Monsieur Damiens, bafouilla-t-il. 

  - Je ne vais pas tourner autour du pot, je n'aime pas ça. Un incident m'a été rapporté. Avez-vous compromis une scène de crime ? 

Simon se mordit les lèvres. Le vase qu'il avait fait tomber par terre avait traversé le sol pour lui tomber sur la tête. 

  - O-oui, il se pourrait que ce soit vrai, mais ... 

  - Pas de mais qui tienne. Si vous comptez m'impressionner et monter en grade, je vous recommande fortement de commencer par être un bon enquêteur. Cet incident sera noté sur votre dossier. Apprenez de vos erreurs, monsieur Cortez. 

Le PDG raccrocha, et lui donna une autre raison de détester son collègue. Lorsqu'il se tourna vers Light, sa colère ne fit que grimper, puisque le jeune homme riait aux éclats, les mains tenant son estomac. 

Simon serra les poings. À cause de Light, plusieurs incidents de ce genre avait été imprimés sur son dossier. L'espoir de voir sa vie changer lui échappait une nouvelle fois. 

La colère l'emportant, Simon vint écraser son poing contre la mâchoire de Light qui, surpris par le geste, tomba à la renverse. Light porta la main à sa joue, et tapota sa lèvre, en sang. La confusion se lisait clairement sur son visage. 

  - Tu n'as aucun droit sur ma vie ! hurla Simon. À cause de toi et de ton putain d'orgueil, je ne serais jamais capable d'être celui que je veux être ! Si seulement je pouvais ne pas t'avoir connu ! 

Surpris par ses propres paroles, et réalisant son geste, Simon s'enfuit au moment même où quelques policiers du commissariat venaient afin de mettre de l'ordre. 

Simon se réfugia dans les toilettes, désertes. Il se rafraîchit la figure et souffla un grand coup, cherchant à retrouver son calme. Une partie de sa personnalité le félicitait d'avoir frapper Light, une autre s'en voulait terriblement. 

Simon regarda les dégâts sur sa main. Rien de bien méchant, mais la douleur ne voulait pas passer. 

  - Je savais que tu serais ici. 

Simon ne se retourna même pas. Il vit seulement l'ombre de Light, appuyé contre une des portes des toilettes. 

  - Qu'est-ce que tu veux ? Des excuses ? 

  - Non, je me suis juste dit que tu avais dû avoir mal, ai-je tort ? 

Simon secoua sa main. Effectivement, la douleur le piqua. Mais pour l'instant, il ne s'en préoccupait pas. 

Light se mit face au deuxième lavabo et se rinça la bouche. 

Pendant quelques secondes, un silence pesant s'installa. 

  - Simon, je suis navré. Je n'aurais pas dû te pousser à bout. Et, tu as raison, je n'ai aucun droit sur ta vie ! 

Un rire sinistre résonna dans la gorge de Light. Ce dernier attrapa la main blessée de Simon et déposa un baiser dessus. 

  - Crois-moi, je ne voulais pas te blesser ... ou que tu te blesses. Seul, sourit-il. 

Light sortit des toilettes comme il était venu, pareil à une ombre. Simon resta quelques minutes interdit, les pensées vides. Lorsqu'il se rendit compte qu'il était resté planté dans des toilettes complètement immobile, encore plus effrayant que pourrait l'être le fantôme de sa grand-mère, il prit son téléphone si rapidement qu'il faillit l'échapper dans le lavabo. 

Les quelques sonneries lui donnèrent l'impression  d'une attente éternelle. Un véritable enfer. 

  - Ici Julie O'Malley, que puis-je faire pour toi, Simon ?

Sa voix douce et apaisante lui permit de se calmer entièrement. Simon soupira.

  - Je suis perdu. J'ai besoin de te voir, tout de suite. 

  - À cinq heures, chez Louis, d'accord ? proposa Julie. 

  - Merci, souffla Simon avant de raccrocher. 

Louis était le propriétaire d'un petit bar, sur la cinquième avenue de Manhattan, à quelques mètres du Madison Square Parc. C'était un lieu de rendez-vous courant. Simon se sentait à l'aise, et parler lui devenait plus facile. 

Simon jeta un œil à l'heure. Dans quatre heures, il pourrait se libérer de toutes ses pensées qui lui embrumaient l'esprit. 

Pour l'instant, son travail l'attendait. 

Dans le bureau provisoire que la police lui avait prêté, Simon étala les affaires dont il avait besoin et commença à enquêter sur les relations qu'entretenaient Sylvie Villeroche avec le reste de sa famille. Étant une comtesse reconnue à New York, Simon put aisément trouver des articles de presse et des photos familiales sur internet. 

Catherine débarqua à son tour, café à la main. Elle s'installa en face de Simon et sortit son ordinateur. Une tête de taureau mort avait été collé sur la surface de l'appareil, ainsi que des croix inversées. 

  - Qu'est-il arrivé à ta main, moucheron ? Elle me paraît bien rouge, demande-t-elle sans même regarder. 

  - Rien de grave, merci de t'en inquiéter, marmonna Simon. 

Catherine ne posa pas plus de questions, indifférente. 

Simon passa l'après-midi à éplucher les articles de presse et les documents relatifs aux Villeroche, en essayant d'oublier Light quelques heures. La famille Villeroche était puissante à New York, possédant de grandes parts dans la plupart des entreprises américaines. Leur richesse dépassait toute espérance. 

Simon éplucha leur arbre généalogique. Une grande famille, riche et puissante. Il soupira. Le nombre de suspects s'agrandissaient à vue d'œil. N'importe qui pouvait leur en vouloir. 

Un article de presse datant qu'il y a 15 ans relatait la mort du frère de Killian Villeroche, Theo, tombé sur des rails au moment où un train passait. Il n'avait eu aucune chance. Selon l'article, un autre jeune garçon était présent ce jour là, mais aucun nom ni aucune autre information n'étaient divulgués. 

Simon ne savait pas pourquoi, mais cet incident attirait son attention. Il prit le papier déjà abîmé et examina l'ancienne photo en noir et blanc de Theo Villeroche. Il ne ressemblait pas tellement à son frère. Il avait les cheveux foncés, bouclés, et un regard innocent. Son grand sourire émouvrait n'importe qui lisant cet article. 

Pourtant, Simon ressentait autre chose. Le visage de cet enfant semblait être ancré dans sa mémoire, mais impossible d'ouvrir le tiroir à souvenirs. À la place, un mal de tête horrible vint lui fracasser les tempes. Il se massa le crâne et, à ce moment là, des images lui vinrent en mémoire. Comme un mauvais téléfilm, elles se coupaient et se floutaient. Une ombre passaient devant lui, seules ses dents étincelantes brillaient dans l'obscurité. 

Simon crut que sa tête allait exploser. Lorsqu'il reprit le contrôle sur son esprit, il était genoux à terre, en pleine crise d'angoisse. Sa respiration saccadée lui brûlait les poumons, et l'impression de se noyer dans un océan tourmenté lui fit perdre toute notion spatio-temporelle. Ses mains cherchaient désespérément de l'air. Ses larmes se déversèrent en torrent. 

Plus aucune pensée ou raison logique ne le traversaient. L'idée de mourir tournait en boucle dans son esprit. 

Simon sursauta machinalement lorsque des mains se posèrent sur ses épaules. Devant lui, des ombres se mouvaient, des voix étouffées hurlaient, mais ses sens ne fonctionnaient plus. 

Avant de sombrer dans l'inconscience totale, un visage apparut. Celui de Theo Villeroche, le même sourire que sur la photo, mais sa face était ensanglantée et une partie de son cerveau tombait sur son épaule. 

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