Chapitre 16 Une nuit d'enfer.
Simon retrouva sa proie dans la salle d'arcade Dave and Buster's. Plus précisément, Raïken était concentré sur le jeu Terminator Salvation, et maniait sa mitraillette plastique avec précision. La joie enfantine sur son visage étonna Simon. Comment pouvait-on apprécier un jeu dans lequel on tuait des gens ? Déjà que le latino ne supportait pas la jouissance dans la torture, alors le plaisir dans la mort le déstabilisait doublement.
Sa cible avait une apparence négligée ; des cheveux blonds ébouriffés, un gilet trop grand pour sa taille, des chaussures trouées. Avec les cernes qu'ils avaient sous les yeux, Simon se demandait s'il n'avait pas passé l'éternité enfermé dans cet endroit.
Le latino rebroussa ses manches et prit son air le plus confiant. Sa mission, aucun échec. Light allait voir de quoi il était capable.
– Tiens, ne serait-ce pas Raïken Villeroche ?
Son sourire était faux même dans son esprit.
Raïken appuya à nouveau sur la gâchette avant de jurer contre la machine qui lui annonçait un game over. Il jeta presque l'arme dans son emplacement avant de se tourner vers Simon.
– T'es qui, toi ?
– Simon Cortez, on s'est déjà rencontrés, chez votre père.
– Oh, j'vois. Me souviens pas. Vous êtes un enquêteur, c'est ça ?
– De l'AMAC, oui.
– Ça en jette, dit-il.
– C'est ce que vous avez dit la première fois.
Raïken haussa les épaules et enfourna une sucette dans sa bouche.
– Faut croire que j'reste moi en toutes circonstances.
Le jeune Villeroche se dirigea vers le comptoir. À cet instant, Simon resta immobile. Il n'était plus sûr de pouvoir réussir cette mission. Après tout, Raïken et lui vivaient dans deux mondes complètement différents. Comment devenir ami avec quelqu'un aux antipodes de sa personne ? Et, surtout, comment lui faire avouer quelque chose qu'il n'a peut-être même pas commis ?
Des preuves, c'était cela qu'il lui fallait.
Un sifflement le ramena à la réalité.
Raïken était à quelques pas de Simon et lui faisait signe.
– Restez pas planté là, le bar va pas v'nir vers vous tout seul.
Immédiatement, le latino sourit. Premier contact réussit.
Au cours de sa soirée, Simon parvînt à attraper le numéro de Raïken en tant qu'ami, et non enquêteur, et à apprendre que Raïken était au chômage parce qu'il n'aimait pas travailler. Puis, après quelques verres, il se mit à déblatérer sur son cousin Theo, ce qui mit Simon mal à l'aise.
Adossés contre le bar, un énième verre à la main, les deux hommes discutaient, les mots ayant parfois du mal à sortir correctement. Surtout pour Raïken, à vrai dire.
– Tu sais, mon cousin, c'était un mec super fort. Même qu'il a défoncé les frères Zane à l'école. Ils m'volaient mon goûter, ces bâtards de fils de chiens ! Theo leur a mis la raclée de leur vie. Y'sont plus jamais v'nus m'voir après ça. Bien fait pour leur gueule.
Raïken but plusieurs gorgées de Whisky, puis rit.
– Ça brûle vachement c'truc. C'est p't'être destiné à m'tuer. Tu sais, mon cousin, il s'rait super fier de moi, parce qu'aujourd'hui, j'compte le venger.
Sur ces mots, Simon faillit s'étouffer avec sa bière.
– Comment ça ?
Raïken s'approcha du latino. Si près qu'il pût sentir l'alcool écraser ses narines.
Puis, le jeune homme se redressa et leva son verre.
– Putain, j'adore c'te musique ! Oh, et c'te fille aussi, tiens.
Simon observa alors un petit blond se dandinant jusqu'aux tables de billards pour draguer – ou plutôt harceler – une jeune femme qui s'occupait des paris sur l'une des tables. Seulement, cette fille avait un petit-ami, visiblement, puisqu'un mec baraqué vînt violemment écarter Raïken. C'est alors que Simon le perdit de vue, dans toute cette foule qui criait au combat.
Plutôt que de la chercher, le latino se dit qu'il avait mérité une pause. Entendre Raïken parler de son cousin ne faisait que raviver ses souvenirs atroces. Tant qu'il ne se souviendrait pas des véritables circonstances de cet accident, Simon ne pouvait pas ne pas s'en vouloir. Néanmoins, il ne pouvait pas non plus se déclarer coupable trop tôt.
Julie lui avait toujours dit que l'esprit était une chose fascinante. Il pouvait créer des images, des événements, que tu n'avais jamais vécus. Tes rêves, tes souvenirs, tes visions, tout appartenait à un seul être, parfois incontrôlable : l'âme. Julie croyait réellement que cette entité pouvait inventer une toute autre vie à une personne si les troubles mentaux étaient puissants.
Peut-être que Simon s'était créé cette vision ? S'il était témoin de la scène, son esprit avait sans doute voulu le protéger en effaçant ses souvenirs, mais maintenant qu'ils revenaient aussi rapides que les éclairs, il n'arrivait plus à tout assembler et à lui montrer la vérité.
– C'est triste de boire seul.
À ses côtés venait d'apparaître une jeune femme brune, enveloppée dans une robe en cuir rouge. Un tatouage remontait le long de son cou jusqu'à son lobe d'oreille. Une couche brillante était posée sur sa bouche, tandis que du phare à paupières noir encadrait ses yeux comme un croissant de lune.
Elle commanda une Vodka avant de sourire à Simon. Des dents blanches étincelantes, sans imperfection.
– C'est dingue ! s'exclama Simon. Vous seriez parfaite pour une pub de dentifrice.
Elle rit.
– Je suppose que c'est un compliment.
– Juste une remarque, mais prenez-le comme vous voulez, sourit le latino.
La jeune femme s'assit à côté de lui, à la place initiale de Raïken, toujours pris dans les combats, dans lesquels s'étaient impliqués certains vigiles.
– Alors, vous créez une atmosphère mystérieuse pour que l'on vous approche ? demanda sa nouvelle compagne de beuverie.
– Ça a l'air de marcher, puisque vous êtes venue.
– C'est vrai. Mais seulement parce que vous êtes charmant.
– C'est l'un des atouts d'un gay, répondit une autre voix à la droite de Simon.
Ce dernier sursauta avant de secouer la tête. Il avait reconnu la voix.
Avec un air blasé, il fit pivoter sa chaise et se retrouva nez à nez avec Light, qui souriait fièrement.
– Oh ! Je ne savais pas, s'excusa la jeune femme en prenant congé.
Simon soupira. Il vérifia que Raïken était toujours occupé. Il crut apercevoir quelque part, parmi les personnes jetées dehors, une tête blonde. Mission terminée.
Light prit la place de l'adorable jeune femme qui avait elle-même prit la place de Raïken. Une place hantée, songea Simon en sirotant sa bière inutilement.
– Tu es venu voir si tout se passait bien ? demanda le latino, une boule en travers de la gorge.
La réponse l'effrayait un peu. Light allait-il lui avouer qu'il n'avait pas confiance en ses capacités ? Qu'il n'était pas digne d'être un agent ? Simon ne pouvait s'empêcher d'imaginer le pire.
– Nope, objecta Light. Je surveille ton derrière, littéralement.
Simon leva les yeux au ciel.
– J'aurais beaucoup aimé que tu me répondes que tes fesses étaient à moi, continua Light.
Cette fois-ci, Simon rougit et lui pria de baisser le ton. En guise de réponse, Light l'embrassa passionnément, sans retenue, dans cet endroit public bondé.
Le latino se dégagea rapidement avant de jeter un regard circulaire. Le monde semblait suivre sa cadence, comme s'ils n'existaient pas. Certaines personnes les regardaient étrangement, par curiosité ou par haine, mais la plupart les avaient ignoré, ou ne les avaient tout simplement pas vu.
– T'es taré, Light.
– Un point pour toi.
Avant que Simon n'ait pu finir son verre, Light l'entraîna vers un espace plus large appelé une piste de danse, soit l'un des endroits les plus angoissants que le latino n'ait jamais connu.
Il voulut arrêter Light, mais il était trop tard. En moins d'une minute, les deux hommes étaient au centre de la piste, au milieu d'une multitude de personnes qui se déhanchaient en rythme – ou non –, qui chantaient ou hurlaient les paroles des musiques.
Light l'attrapa par la taille et lui prit la main droite.
– C'est la position d'un slow, ça ! hurla Simon.
Light hocha machiavéliquement la tête et débuta sa course. Le jeune latino fut embarqué dans cette périlleuse danse et, peu à peu, dut avouer qu'il y prenait un certain plaisir. Au fur et à mesure, les gens s'écartaient, dérangés par les mouvements des deux hommes, ou fascinés par leur capacité à ne pas savoir danser – même si Light était particulièrement bon danseur.
Ce dernier se rapprocha suffisamment de Simon pour lui souffler dans l'oreille.
– Je suis désolé, Simon, si tu t'es senti vexé par mes paroles.
Il fit tournoyer son partenaire avec élégance, puis se colla à nouveau à lui.
– C'était effrayant, comme situation. Je n'ai pas envie que ça recommence sans que je ne sois là.
L'atmosphère se fit plus lourde, comme si l'inquiétude qu'il ressentait faisait vibrer la piste et empoisonnait l'air.
Simon comprit alors que Light ne le sous-estimait pas, mais qu'il était un sociopathe possessif et facilement inquiet. Tout s'expliquait ! Alors, il voulu détendre l'ambiance. Après tout, c'était enfin le temps de leur rencard. Pourquoi le gâcher avec des pensées futiles et toxiques ?
– Pourquoi c'est moi qui fait la femme ?
Light écarquilla les yeux avant d'exploser de rire.
– Tu es bien plus léger que moi.
– N'importe quoi. Je peux te lever, crois-moi.
Son petit-ami s'écarta de lui et ouvrit les bras en signe de défi. Simon le prit par la taille et poussa sur ses jambes. Light ne décolla pas d'un seul centimètre. Le latino souffla et prit une pause de garçon suspicieux.
– Avoue, t'as mis du fer dans tes godasses.
Ils continuèrent à danser jusqu'à en avoir assez, puis rentrèrent chez Light, où l'absence de Catherine laissa place à un désordre sans nom. Leurs vêtements furent jetés au hasard dans les pièces. Ils renversèrent un vase, qui explosa par terre, ce sur quoi ils rirent pendant une bonne minute avant d'entrer dans la chambre.
Le lit grinça sous les coups de va-et-vient. La température de la pièce augmenta rapidement jusqu'à devenir une fournaise. Des cris de plaisir et de douleur s'échappèrent de la chambre une grande partie de la nuit.
Simon sentit que tout son corps le torturerait dès le matin, mais il s'en fichait. Il en demanda, encore et encore, jusqu'à ce qu'ils se perdent dans la jouissance absolue.
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