Chapitre 15 Confiance.

Un fleuve ensanglanté, luisant à la lueur de la lune. Des rails souillées par le péché. Des chênes sombres semblant l'épier, le juger telle une instance centenaire, absolue, terrifiante. 

Un enfant, démantelé. Le crâne ouvert, les yeux écarquillés. Un cauchemar ambulant. 

Une main tremblante, petite et fine, était tendue en direction du macchabée qui gisait entre les barres métalliques. Des sanglots brisaient le silence de la nuit. 

Puis, un hurlement déchirant, de culpabilité, qui semblait résonner dans les entrailles des enfers.

Brusquement, Simon ouvrit les yeux. La première chose qu'il chercha fût de l'oxygène. La respiration haletante, les poumons contractés, la panique. Il avait l'impression que ses côtes se plantaient dans ses organes, l'impression d'être soumis à la pression de son propre corps. 

Alors, Simon agita les mains dans l'espoir de trouver une prise à laquelle s'agripper. Une bouée de sauvetage, ou un pistolet avec une unique balle. 

Une main lui serra la sienne avec une tendre passion. 

Peu à peu, Simon se calma. Souffle régulier. Vue rétablie. Sens retrouvés. Le latino ne savait pas combien de temps cela avait pris, mais c'était fait. Il était apaisé, à nouveau. 

Light était penché au-dessus de lui. D'une main, il tenait fermement celle de Simon, de la droite, il épongeait son front dégoulinant de sueur froide. 

Pendant un instant, leurs regards se croisèrent, et ce fut tout ce qui comptait. Simon voulut lui transmettre toute sa reconnaissance, et cet amour croissant qu'il avait envers lui. Le latino posa sa paume sur la main droite de Light. Puis, il soupira et ferma les yeux en souriant. 

À moitié fiévreux, Simon se sentit à nouveau partir dans l'univers irrégulier des rêves. Un fort sentiment de peur et d'angoisse fut atténué lorsque le jeune homme sentit la chaleur corporelle de son petit-ami. 

  – Je t'aime, chuchota-t-il avant de sombrer dans le sommeil. 

Ce fût le vacarme d'un tsunami de casseroles tombant sur le carrelage qui réveilla Simon la seconde fois, une nouvelle fois brutalement. Le latino faillit s'écraser par terre, mais réussit à se retenir avec la main. 

Il se redressa, lentement, et se frotta la tête. Que s'était-il passé ? À froid, il n'arrivait pas à se souvenir exactement. Il était dans la salle de bain, et une vision lui était apparue. 

Simon écarquilla les yeux et stoppa tout mouvement. 

  – Je ... je l'ai tué ? murmura-t-il, la voix tremblante. 

Dans la pièce d'à côté, il entendit Light dire des mots doux aux ustensiles de cuisine. 

Simon voulait garder bonne mine face à celui qu'il pouvait considérer comme son petit-ami, alors il se tapota les joues pour reprendre contenance. 

Un couple des plus romantiques et magnifiques. 

Étrangement, c'était la phrase dont il se souvenait le plus. 

Simon trouva Light en train de cuisiner des pancakes en caleçon bleu marine. Ses cheveux corbeaux étaient ébouriffés, mais cet air négligé le rendait attirant. Il était concentré sur ses mouvements, précis et délicats. Simon ne put que s'arrêter sur sa musculature divine. Ses formes étaient parfaitement dessinées. Light n'était ni trop musclé – ce qui lui aurait donné un air de Popeye raté –, ni pas assez – ce qui aurait donné l'impression d'une asperge. 

Le latino se stoppa sur ses fesses, moulées dans son caleçon. Il se souvenait avoir eu la chance de les goûter lors de leurs échanges bestiaux, après son agression. 

  – Les pancakes n'ont aucune chance contre moi, dit Light. 

  – Pardon ? 

  – Tu préfères me manger. 

À ces mots, Light se tourna vers Simon avec un large sourire qui traduisait tout sauf l'innocence. Le latino rougit et bafouilla une réponse que lui-même ne comprit pas. 

Simon prit l'un des pancakes et l'enfourna dans sa bouche. 

  – Ça, au moins, c'est vital, lança-t-il. 

  – Et moi, non ? 

Light attrapa Simon et le plaqua contre l'îlot de la cuisine. Leur souffle se mélangeait, comme deux tornades se faisant face. 

Simon sentait que leurs deux corps bouillonnaient d'envie. 

  – Sincèrement navrée de gâcher ce moment pornographique, mais la femme qui bosse est de retour au bercail. 

Les deux hommes se figèrent. Catherine entra dans la cuisine et se prit un verre de jus d'orange avant d'aller s'asseoir dans le salon. Simon entendit Light soupirer. Puis, il se décolla de lui et éteignit la plaque. Il prit l'assiette de pancakes et se dirigea vers le salon en faisant signe à Simon de venir. 

Déception. Simon était déçu. Pourquoi avait-il fallu que Catherine entre à ce moment-là ? Son désir grimpait sans jamais voir le sommet. Subissait-il la punition de Sisyphe ? 

C'est alors que l'image de Theo lui revient en pleine tête. Il n'avait pas le droit d'être heureux, pas après ce qu'il avait fait. Ce bonheur d'être avec Light, ce ne devait pas être réel. Il n'en avait pas le droit. Cependant, il ne pouvait s'empêcher de se demander pourquoi. Pourquoi l'avait-il poussé ? Était-il un meurtrier, ou se défendait-il contre un agresseur ? Dans sa vision, ils avaient l'air de se disputer. 

Mais, dans les deux cas, Simon avait privé des parents de leur enfant. 

  – Bon, cette Chlara Edogawa m'a affirmé que Raïken l'avait contacté peu après la mort de Sylvie pour annuler la vente, expliqua Catherine. Cependant, toujours selon ses propos, il n'y a jamais séjourné et ne l'a jamais loué. D'ailleurs, j'ai appris autre chose en travaillant – chose qui n'a aucun écho pour vous visiblement –, à l'origine, cette villa était destinée à Pénélope Villeroche. 

  – La fille décédée ? demanda Light. 

  – Le respect, tu l'as vendu ? ironisa Simon. 

Light haussa les épaules. 

  – Oui, cette grande femme là, répondit Catherine. Sylvie lui avait donné cette maison. Mais Pénélope n'en voulait pas, alors elle a fait en sorte que ce soit Raïken qui l'obtienne. 

  – Si je comprends bien, Raïken n'était pas censé avoir quoi que ce soit dans ce testament, conclut Light. 

  – Exactement. C'est le seul qui n'avait rien. Et, pour une fois, même si c'est un homme, je trouve ça injuste. 

Simon écarquilla les yeux. 

  – Mais, va-t-on vers une révolte égalitaire ? 

  – Ta gueule, moucheron, ou je t'éventre. 

  – Tant de poésies, j'en ai les larmes aux yeux. 

Le latino se leva et s'ébouriffa les cheveux. 

  – Bon, c'est donc un sujet à subtilement évoquer avec lui. 

Sur ces mots, il se dirigea vers la salle de bain lorsqu'il fut arrêté par Light. 

  – Où comptes-tu aller ? 

Étrangement, l'enquêteur avait instauré une atmosphère pesante d'angoisse. 

  – Rencontrer Raïken. Ne pensez pas que je ne fais rien, je sais où il va à chaque minute de sa vie. Enfin, ne me prenez pas pour un stalker, c'est pour l'enquête hein ! 

  – Tu ne vas nulle part, ordonna Light. 

  – Pardon ? dirent en chœur Simon et Catherine. 

  – Tu dois te reposer. 

  – Je ne suis pas un objet fragile ! 

  – Tu as prouvé le contraire ce matin. 

Une flèche dans la poitrine. Cette remarque venait de blesser Simon au plus profond de lui. Le calme agaçant de Light le frustrait d'autant plus. Il n'était pas faible ! Il avait juste eu un moment d'extinction qui n'avait en rien affecté son travail. Pas de quoi en faire un plat ! 

Subitement, Simon bouillonna de colère. Pourtant, une telle remarque venant de Light ne devrait pas l'étonner. Alors, sans réellement le comprendre, le latino se libéra violemment de l'emprise de son collègue. 

Sans un mot, Simon s'enferma dans la salle de bain et s'habilla. Puis, il prit ses affaires et sortit de l'appartement, sans oublier de montrer son courroux en claquant la porte. 

  – Non mais il se prend pour qui ? rouspéta-t-il. 

Seul dans la nuit naissante, vagabondant dans les rues à la recherche d'un taxi, ou plutôt de la force de lever la main pour en appeler un, Simon grognait dans son écharpe. 

Pourquoi le fait que Light le sous-estime le mettait-il à ce point en colère ? Était-ce un complément de l'amour ? Cette histoire de haine et de passion dont parlait Julie ? 

Simon s'arrêta sur le trottoir et leva la tête vers le ciel. 

Les nuages empêchaient de voir une quelconque étoile, alors il se contenta de les imaginer. Il lui suffit de visualiser des points brillants, des lueurs envoûtantes qui l'appellent. Et, parmi elles, Simon vit une étoile plus lumineuse que les autres, plus imposante. Il imagina qu'il s'agissait de Julie et de son sourire. Elle lui manquait. Avec elle, tout paraissait plus simple. En fait, tout était plus simple, et cela pour une seule raison : elle réfléchissait à sa place. 

Simon se tapota les joues. Dorénavant, il serait le seul et l'unique capitaine à son navire. Ses décisions, ses choix, ses pensées. 

Il aimait Light, il en était persuadé. Mais il n'accepterait pas de jouer à la princesse. 

Il n'accepterait pas de se dire qu'il n'avait pas le droit au bonheur. 

Dans le ciel, le latino eut l'impression que les nuages s'écartaient pour laisser la nuit être illuminée par son étoile. Simon sourit. 

  – Merci pour tout, chuchota-t-il.

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