Chapitre 14 Victime ou coupable ?
Pour la première fois depuis ces quelques semaines infernales, Simon se réveilla en paix. Un sentiment d'apaisement, de plénitude. À ses côtés, Light dormait encore. Le latino, non sans hésitation, s'allongea contre lui afin de sentir la chaleur de son corps, et pouvoir apprécier le son de sa respiration.
À ce moment-là, Simon se dit que le bonheur ne rimait pas à grand chose.
Certes, il n'avait plus de travail, plus d'appartement – du moins, pas en bon état –, il apprenait au fur et à mesure qu'il avait subi un traumatisme dans son enfance qui avait encore des conséquences aujourd'hui, dont la mort de sa psychologue et amie Julie O'Malley, mais il s'en sortait bien.
Même si Julie lui manquait, même s'il avait envie de la serrer dans ses bras juste une dernière fois, Simon arrivait à faire son deuil étape par étape. La première, celle qui paraissait la plus insurmontable, était de continuer à vivre.
Simon avait l'impression qu'il pouvait y arriver aux côtés de Light, de cette lumière qui éclairait ce sombre espace qu'était son esprit.
Soudain, la porte s'ouvrit en grand et claqua violemment contre le mur.
Simon se redressa si rapidement qu'il en eût mal au crâne.
– T'ai-je réveillé ? demanda Catherine, sérieuse.
Simon soupira.
– J'aurai plus de chances une prochaine fois.
– Tu vas mettre des somnifères dans mon verre ?
– Je peux en mettre ailleurs, sourit-elle largement.
– Note à moi-même : prévoir une chirurgie pour implanter une caméra dans le front de Catherine.
Catherine lui tira la langue. Puis, avec toute la grâce qu'elle possédait, elle se jeta sur le lit, plus précisément sur Light. Ce dernier grogna.
– Voilà pourquoi je voulais pas de chats, souffla-t-il en poussant Catherine au milieu du lit.
Light se redressa, se frotta les yeux et tourna enfin la tête vers ses deux collègues, qui le fixaient.
– Je voulais pas de blaireaux non plus.
Simon et Catherine se regardèrent, outrés. Alors, la jeune femme prit l'un des oreillers et le lança vers sa figure. Light couvrit son visage avec son bras, un sourire aux lèvres.
– C'est plutôt Godzilla que tu as dans ton lit ! s'écria Simon en se propulsant contre lui.
Quelques minutes plus tard, lorsque cette bataille fut finie, le groupe se retrouva dans la cuisine, à table, sérieux et déterminé.
Catherine avait ouvert son ordinateur portable et fouillait dans ses dossiers. La détective avait tout récupéré sur l'enquête en cours. Certes, elle n'aurait pas les nouveaux éléments, mais ils étaient assez intelligents pour soit se les procurer, soit les trouver eux-mêmes.
Face à elle, Light et Simon attendaient, encore torse-nu, en caleçon. Catherine ne leur avait pas laissé le temps de s'habiller.
– Bon, parce que y en a quand même qui bosse un minimum, et bien sûr ce n'est pas un homme, j'ai trouvé une correspondance avec le numéro que Simon a su habilement trouvé – puisqu'on ne précisera pas que la scientifique l'avait déjà ramassé et mis dans les pièces à conviction.
– C'était habile ! Il était écrit en tout petit ce numéro ! En plus, j'avais lancé une recherche, j'ai juste pas pu la récupérer ! se révolta Simon.
– Si tu veux, moucheron. Bref, la correspondance bien mignonne est celle-ci.
Catherine tourna son écran pour que ses collègues puissent voir. Il s'agissait de plusieurs photos et de la fiche de renseignement d'une jeune new-yorkaise. Les photographies montraient la façade d'Urban Platinum, une célèbre agence immobilière, mais aussi des clichés de Chlara Edogawa, la PDG de l'entreprise, une japonaise millionnaire. La fiche de renseignement lui était destinée. Pointée comme étant la démone de l'immobilier, elle arrachait tous les clients qu'elle pouvait, en préférence ceux qui possédaient de grands patrimoines et une bonne fortune.
Une autre photographie montrait Chlara et Sylvie ensemble, souriantes, se serrant la main.
– Sylvie avait convenu de vendre une de ses maisons familiales située à New-York. Son agente était Chlara. La vente ne put avoir lieu, puisque la propriétaire est morte. La maison va donc légalement à celui qui est noté sur son testament.
– À savoir ? demanda Light, presque excitée par l'avancée que prenait l'enquête, peut-être même par le fait qu'il n'était plus censé être dessus.
– À savoir Raïken Villeroche, le fils d'Aimé.
– Qui irait tuer sa grand-mère pour une maison, sérieux ? C'est pas son précieux, non plus, râla Simon.
– Son précieux ? dit Light en haussant un sourcil.
– Encore une référence incomprise, renchérit Catherine.
Devant la mine sérieuse de ses collègues, Simon soupira.
– Vous me désespérez. Bon, on fait quoi ? On n'a pas le droit de l'interroger, et Gunter va pas se gêner pour le faire remarquer si son frère lui dit qu'on s'est pointé chez lui.
Light et Catherine se regardèrent puis, d'un accord commun, hochèrent la tête. Alors ils se tournèrent vers Simon avec une expression qui signifiait tout et son contraire. Ils essayaient de faire en sorte que le cercle soit totalement connecté, mais Simon ne comprit rien et haussa un sourcil.
– Les mots, ça existent. En plus, on peut parler avec, dit-il.
– Tu lui as déjà parlé, affirma Catherine.
– Donc, tu as eu une approche avec lui. Devenir son ami ne devrait pas être compliqué. Lui faire avouer peut-être un peu plus, réfléchit Light.
– Espera ... On n'est même pas sûr que ce soit lui. Et ce plan est complètement merdique !
Après quelques minutes à insister, Simon succomba face aux yeux implorants de Light. Il alla donc préparer sa mission. Tout d'abord en changeant sa tenue vestimentaire. Le caleçon risquait de le faire passer pour un sociopathe ou un nudiste qui ne s'assume pas totalement.
Ensuite, en sachant tout ce qu'il y avait à savoir sur Raïken. Simon savait qu'il était jeune, qu'il parlait comme un jeune, agissait comme un jeune, bref il était dingue. Simon connaissait également le culte que Raïken portait à son cousin décédé, Theo. Un sujet à éviter, ou à approfondir avec la plus grande délicatesse.
Simon se dirigea alors vers la salle de bain. Lorsqu'il fut entièrement nu, il se rendit compte qu'il avait oublié quelque chose d'important : des vêtements. Le latino sortit donc, une serviette autour de la taille. Mais, à mi-chemin entre la salle de bain et la chambre, il s'arrêta net en entendant Light et Catherine parler dans le hall d'entrée, derrière son dos.
Figé, dissimulé contre le mur horizontal à la porte principale, Simon avait l'impression d'être un voleur, voire un voyeur.
– Enquête sur la mort de ce Theo, et sur l'agression de Simon, il doit y avoir un lien quelque part qu'on ne peut pas voir, déclara Light.
– En secret, je suppose, dit Catherine.
– Tu supposes bien.
Catherine allait s'en aller faire ses devoirs quand Light la retînt.
– Dernière chose : dès que tu as l'identité de ces criminels, tu me les donnes. À l'instant T, compris ?
– Vengeance ?
– Revanche.
La jeune femme soupira avant de hocher la tête. Simon entendit la porte claquer. Rapidement, il se faufila dans la salle de bain et ferma la porte à clé.
Le seul mérite qu'il avait eu à les écouter, c'était qu'il savait un secret avant que ça n'en devienne réellement un. Quelle habilité d'enquêteur hors pair !
Son passé lui revenait constamment dans la figure. Simon ne savait juste pas si on lui lançait des tomates ou des fleurs. Il était le bouffon d'une pièce qui se jouait sans lui. Et il détestait cette sensation d'être mis à l'écart. Cependant, il ne put que rougir lorsqu'il repensa à la "revanche" de Light. Ce dernier voulait rendre la pareille à ceux qui lui avaient fait du mal, et rien que de penser à cela, Simon ne put que tomber amoureux un peu plus.
Simon fixa son reflet dans le miroir quelques instants. Alors, il se demanda ce qu'il avait fait pour être à ce point haït par certaines personnes, et incroyablement aimé par d'autres.
Soudain, une horrible migraine l'accabla. Un marteau-piqueur commandé par Hulk semblait broyer ses tempes.
– Simon ? appela Light à travers la porte.
Le latino essaya de reprendre contenance.
– Oui ?
– Maintenant qu'on peut dire qu'on est un couple des plus romantiques et magnifiques, il faudrait peut-être qu'on s'organise ce rencard, qui s'avérera exceptionnel étant donné que je serais là. D'ailleurs, si tu comptes en faire un sans moi, l'autre gars sera sans doute retrouvé avec un carreau en plein milieu du front.
Simon émit un faible rire avant de se recroqueviller contre la porte, son mal de crâne empirant à chaque seconde. Les battements de son cœur résonnaient comme des tambours dans son cerveau. Un rythme accéléré, destructeur.
– Simon ? T'ai-je perturbé ?
– Non, non, je ...
Un poignard semblait s'être enfoncé dans son crâne, ce qui provoqua une vive douleur impossible à chasser. Simon hurla puis se cogna la tête avec ses mains, priant pour que cette foutue migraine s'en aille. Mais, au lieu de s'atténuer et de le laisser vivre, elle s'accentua et lui fit avoir des hallucinations.
– Simon, ouvre ! ordonna Light, mais sa voix n'était plus qu'un souffle indistinct.
Brusquement, le jeune homme se retrouvait dans la nuit, au milieu de nulle part. Il avait à nouveau dix ans. Il était à nouveau sans défenses.
Des échos de cris et de pleurs l'assaillirent. Deux enfants semblaient se battre. Simon se rendit compte que l'un d'eux était lui-même.
Les cris se faisaient plus puissants. La haine et la rage emplissaient ce lieu, mais pas seulement. La crainte était massive. Une atmosphère lourde de peur. Simon était terrifié. Cependant, il n'arrivait pas à se souvenir pourquoi.
Face à lui, un enfant lui criait dessus. Sa bouche formait un trou noir d'injures. Simon reconnut Theo Villeroche, l'enfant présent sur la photographie qu'il avait trouvé. Pourquoi se disputait-il avec lui ?
Au loin, le bruit d'un train se fit entendre. Les rails derrière Theo vibrèrent. Le vent semblait claquer sur le métal. La lumière commençait à éclairer ce vaste espace sombre. Alors, Simon se rendit compte qu'il était sur un pont.
Tous les sons s'intensifièrent. Simon était inondé de paroles absconses et de claquements provenant du train.
Alors, sans rien contrôler, sentant la peur faire battre son cœur et couler dans ses veines, Simon poussa Theo sur les rails. Un geste rapide, impulsif. Un geste qui avait coûté la vie à un garçon qui n'avait même pas eu le temps de songer à son avenir.
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