Chapitre 11 Une bataille interne.

Simon ne pouvait plus supporter les sons. Les gyrophares, les cliquetis des appareils photos, la résonance des pas sur le carrelage, le craquement du plastique qui recouvrait le corps de Julie. Il ne pouvait plus rien supporter. Tout semblait l'attaquer directement, bousillant toutes les cellules de son cerveau, toutes les connexions neuronales. 

Assis sur un rebord en pierres, à l'entrée du bureau de sa psychologue, Simon avait le regard vide, chassant tous ces bruits qui l'ennuyaient autant qu'une mouche volant à quelques millimètres de ses tympans. Il fixait le goudron, sans vie. 

Des policiers venaient lui poser des questions, mais tout ce qu'il entendait était un brouhaha horrible. Une façon de lui faire comprendre que tout basculait. 

Julie était morte. 

Simon avait beau se le répéter, il avait du mal à l'encaisser. 

Julie ne lui parlerait plus jamais. Elle ne lui sourirait plus jamais. Elle ne se tiendrait plus jamais devant lui. Elle n'aurait plus toutes ces paroles rassurantes. Julie n'existait plus. 

Simon était tellement perdu qu'il ne se rendit pas compte de l'arrivée de Light et de Catherine. Ce fut seulement lorsque Light s'accroupit devant lui qu'il le remarqua. Ils se regardèrent longtemps, dans le silence. Light lui caressa les cheveux, doucement. Catherine, quant à elle, lui embrassa le front et s'éloigna. 

Dans cette rue, au milieu de cette ambiance insoutenable, Simon craqua. Il explosa en pleurs. Il se réfugia dans les bras de Light, qui l'étreignit de toutes ses forces. Simon percevait sa voix calme, délicate, qui lui chuchotait dans l'oreille qu'il était là. 

Avant même que Simon s'en aperçoive, Light l'avait ramené chez lui. 

Prenant place dans le lit de Light, Simon observa la blancheur du plafond. Il trouvait cela injuste, une telle blancheur, juste après ce qu'il avait vu. Il trouvait le monde injuste. Plus rien ne semblait avoir de sens. La justice, la foi, l'espoir. Pourquoi essayer de classifier ces domaines, alors qu'ils étaient aléatoires ? 

  – Tu devrais dormir un peu, lui dit Light en s'asseyant à ses côtés. 

  – Je n'ai pas envie de dormir. 

  – Simon, sois raisonnable. 

  – Si je dors, j'ai peur de penser que tout n'était qu'un rêve. 

Light lui caressa le crâne. Simon discernait tout l'amour et la délicatesse que son collègue mettait dans ce geste, mais rien ne semblait capable de lui faire voir la vie autrement que sombre et morte. 

  – Je serais là à ton réveil, si ça peut te rassurer, murmura Light. 

  – Peut-être qu'un jour, on te tuera toi aussi, sanglota Simon. 

  – Je suis trop fort pour que ça arrive. 

  – Tu ne peux pas savoir ! Maintenant, j'ai peur pour tous ceux à qui je tiens ... Tout ça, c'est ma faute ... J'aurai dû arrêter ... J'aurai dû arrêter ... 

  – De quoi tu parles ? Comment ça pourrait être ta faute ? 

Simon l'ignora. 

  – Je suis désolé ... Je suis désolé ! pleura-t-il. 

Ses pleurs continuèrent jusqu'à ce que le sommeil le prenne de court. Ses rêves furent parsemés de souvenirs. Tous les visages portaient les sourires de Julie. Les pas avaient la résonance de ses talons. Le sol était imprégné de son sang. Le son des gouttes tombant dans la flaque à ses pieds partait en écho dans son inconscient. 

Son réveil fut brutal. 

Simon se releva, en pleine crise de panique. Il voyait flou, il n'entendait plus rien à part les battements de son cœur, anormalement rapides. Ses vêtements collaient à sa peau à cause de la transpiration. Son souffle était saccadé. Avec ses mains, il chercha ses repères, avant de se calmer et de se souvenir qu'il n'était pas chez lui. 

À ses côtés, comme promis, Light était assoupi. Le bras qui entourait Simon avait glissé jusqu'au bas de son ventre. 

Par réflexe, Simon s'empressa de l'enlever et s'assit sur le rebord du lit. 

Le latino resta quelques minutes dans le silence, à regarder les rayons du soleil qui traversaient les persiennes et la poussière voletant dans la lumière. 

  – Comment te sens-tu ? 

Simon se tourna vers Light, qui était en train de se redresser. 

  – Je ... Ça va, ça va aller. 

  – Ne me mens plus, dit Light, crispé. 

  – Je ne te mens pas ! s'énerva Simon. Si je te dis que ça va, c'est que ça va. 

  – C'est ce que tu m'avais dit pour ton agression, avant que j'apprenne de la bouche de Catherine qu'il y a bien plus qu'une banale effraction. 

Le ton de Light était sévère. Face à lui, Simon savait qu'il ne pouvait pas mentir plus longtemps. Enfin, pour lui, il n'avait jamais menti, il n'avait fait que cacher la vérité. La différence était bien présente. 

Simon voulut commencer à parler, mais il fut immédiatement coupé par son collègue. 

  – Aucune excuse n'est valable. Les menaces contre un enquêteur ne doivent jamais être prises à la légère et, surtout, doivent être reportées aux supérieurs. Tu n'as rien dit, rien fait. Tu n'as aucune excuse valable. 

  – Light ... 

  – Catherine m'a aussi rapporté que tu avais entendu la conversation que j'ai eu avec Monsieur Damiens. 

Sous la pression exercée par la présence de Light, Simon hocha timidement la tête. 

  – Tu sais donc que j'ai émis l'idée de te suspendre. 

Simon appréhendait la suite. Malgré lui, il retient sa respiration. 

  – Hederald a enfin pris en compte cette idée. À partir d'aujourd'hui, tu n'es plus sur cette affaire. 

Simon aurait aimé protester, mais aucune volonté ne le forçait à élever la voix. Il resta stoïque. Même lorsque Light s'approcha et le prit dans ses bras. La chaleur de son corps le rassura instantanément. Le latino commença à trembler de rage. 

  – Je suis désolé, murmura Light avant de prendre congé. 

En ouvrant les persiennes, la lumière pénétra entièrement dans la pièce. Simon profita de ces quelques douceurs en serrant les poings. Il avait perdu son enquête. Il avait perdu Julie. Et c'était sa faute. 

Libérant sa haine, il hurla en balançant son poing contre la vitre, qui explosa sous l'impact. 

  – Tu pourrais t'énerver sur autre chose que des fenêtres hors de prix, petit homme, dit abruptement Catherine. 

Simon se retourna vers sa collègue, qui entra dans la chambre sans demander son avis. Elle lui tendit des pansements pour sa main en sang. 

  – Ils sont trop petits, remarqua Simon. 

  – Je suis pas ta pharmacie. 

Simon se débrouilla avec ce qu'il avait. Il avouait que sa réaction avait été stupide, et qu'il ne servait à rien de s'énerver contre un objet inanimé. Ça n'allait ramener personne à la vie, et ça n'allait pas faire changer quelqu'un d'avis. 

  – Julie était vraiment sympa, lança Catherine. 

  – Je ne veux pas en parler. 

  – Comme tu voudras. Tiens, si tu veux un nouveau psy, j'ai quelques contacts en ville. 

  – Catherine, je te suis reconnaissant pour les pansements, aussi reconnaissant qu'un hobbit, mais là, je vais pas te supporter. 

La jeune femme haussa les épaules. 

  – Je veux juste que tu arrêtes de faire ton homme viril et que tu te libères de tes pensées meurtrières. 

  – Merci, mais non merci. 

  – Très bien, monsieur j'ai la réaction masculine de base. Écoute, moucheron, t'es peut-être hors d'enquête, mais t'as pas perdu tes neurones, alors je te conseille de pas traîner pour les faire marcher, finit Catherine en quittant la chambre. 

Simon voulait des réponses, et Catherine avait raison. Il était toujours enquêteur. Il quitta l'appartement précipitamment. Se dirigeant vers le bureau de Julie, il imagina quel bobard il pourrait sortir pour avoir la permission d'entrer. Puis, il convient qu'il n'allait rien inventer. Il allait s'inviter. 

Contournant les voitures de police restantes, Simon entra par la fenêtre, restée ouverte. 

Une odeur pestilentielle le prit à la gorge, remuant sa vision de la veille. Passant outre, il inspecta la scène de crime. Après avoir fait plusieurs tours complets, rien ne capta son attention. Ou alors, la scientifique avait déjà tout amassé. 

Simon vérifia ensuite l'état des dossiers de Julie, classés dans son bureau. Lorsqu'il tomba sur le sien, écrasé entre deux patients, il fut surpris de voir des traces de sang dessus. Qui que soit le tueur, il avait dû fouiller dans son dossier. Ou bien, Julie avait été blessée et avait tenté de le dissimuler. 

Que pouvait contenir ce dossier si spécial ? Qu'y avait-il sur lui ? La curiosité l'emporta et il commença à lire les notes que sa psychologue avait prises sur lui. 

Julie avait fait des recherches sur les pertes de mémoire, ainsi que sur des crises qu'elle qualifiait de réveil de l'inconscient. Sur la dernière feuille, les notes avaient été prises si rapidement que son écriture était presque illisible. 

Cependant, Simon reconnut le nom de Theo Villeroche. Une flèche reliait directement cet enfant à lui. Au dessus était marqué "témoin", et en dessous "victime ?". Puis, une suite de nombres était encadrée en rouge. Simon reconnut tout de suite de quoi il s'agissait. C'était le numéro de téléphone personnel de sa mère. 

Des bruits de pas et des murmures le firent fermer le dossier. Activement, le latino replaça les fichiers et sortit par la fenêtre. Ensuite, il courut jusqu'à en perdre haleine. 

Simon n'arrivait pas à réfléchir. Une victime de quoi, au juste ? Sa mère avait-elle les réponses qu'il attendait ? Pourquoi tant de mystères autour d'un accident ? 

Une personne pourrait répondre à ses interrogations pour le moment. Gunter Villeroche. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top