Chapitre 10 L'appétit meurtrier.

Après avoir discuté avec Aimé plus d'une heure, où celui-ci affirmait que sa mère n'était l'ennemie de personne et que Theo n'était pas le petit ange que tout le monde croyait, Simon demanda à voir Raïken, le fils. Apparemment, il avait eu une relation privilégiée avec Theo. 

Tandis que Catherine l'attendait dans la voiture, lassée de ces interrogatoires à rallonge, Simon monta à l'étage et se rendit dans la chambre de Raïken, que lui avait indiqué Aimé. 

Bien qu'il soit âgé de vingt-six ans, Raïken vivait encore chez son père. Sa mère, Andréa, s'était suicidé après avoir fait une fausse couche il y a 13 ans. Autrement dit, après avoir perdu son cousin, il avait perdu sa mère. Simon supposait qu'il devait prendre des pincettes pour ne pas le blesser. 

Raïken était assis sur sa chaise de bureau et regardait étrangement l'individu qui pénétrait dans son refuge. Simon essaya de se montrer amical et confiant, mais il ne savait pas l'effet que ça donnait. 

  - Vous êtes qui, vous ? 

  - Simon Cortez, agent spécial de l'AMAC. 

Raïken eut un rictus mauvais. 

  - Ça en jette, dit-il. Et vous venez me voir pourquoi, au juste ? J'vous préviens, j'ai pas de drogues. 

  - L'AMAC ne gère pas les affaires de drogues, sauf si elles sont étendues à une échelle planétaire. On est plutôt dans les meurtres touchant les célébrités. Comme Sylvie Villeroche, par exemple. 

  - Oh, je vois. Vous enquêtez sur la mort de ma grand-mère. Des pistes ? 

  - On peut dire ça. 

Discrètement, Simon examinait la chambre de Raïken pour voir si rien n'était suspect. À part un désordre très présent, rien n'attirait son instinct d'agent. 

  - Vous pensez que votre grand-mère avait des ennemis ? 

  - Bof, j'sais pas trop. Vous savez, à part Killian qui allait la voir toutes les semaines, la famille a pratiquement coupé les ponts avec elle, alors ... 

Le jeune homme haussa les épaules. 

Simon pensait de plus en plus aux paroles d'Aimé concernant Theo. Si Raïken était proche de son cousin à l'époque, peut-être connaissait-il les secrets que portait l'enfant à problèmes. 

Arborant son sourire le plus aimable, Simon se lança. 

  - Nous regardons d'ailleurs toutes les affaires de famille, histoire de trouver des pistes. Étiez-vous proche de votre cousin, Theo ? 

Le regard de Raïken lui fit comprendre que c'était un sujet sensible. Cependant, le jeune Villeroche se frotta les mains et baissa les yeux en soupirant. 

  - Vous voulez savoir quoi ? 

  - Votre père dit que c'était un enfant à problèmes, et il pense que ce n'était peut-être pas un accident. Qu'en pensez-vous ? 

Raïken rit nerveusement. 

  - J'en pense qu'il délire. Theo était un mec bien. Il était voué à de grandes choses mais, parfois, la mort survient, et on ne peut rien faire. Theo n'a pas eu une seule chance de s'en sortir. Pas une seule ! 

Sa voix s'était élevée naturellement. Il souffla pour reprendre son calme. 

Jugeant qu'il était sur la bonne voie, Simon continua à le questionner sur Theo pendant plusieurs minutes, oubliant totalement Sylvie Villeroche. 

Raïken lui apprit alors que Theo était l'ami de tous, apprécié dans son école et destiné à être bien placé dans la société. Ses notes étaient bonnes. Il aidait autant qu'il le pouvait. Selon son cousin, Theo était parfait. Simon comprit alors que Raïken voyait en Theo un héros, et que rien ne pourrait démordre cette opinion. 

Les propos d'Aimé et ceux de Raïken n'étaient pas du tout en accord. Simon ne savait pas qui croire. 

  - Si seulement je me souvenais, soupira-t-il en descendant les escaliers. 

Ce trou de mémoire commençait à l'énerver. Si son cerveau avait évincé ce souvenir pour le protéger, il pouvait arrêter maintenant ! Simon avait besoin que cet événement revienne entièrement dans son cerveau, pas en miettes terrifiantes. 

Simon remercia Aimé et rejoignit Catherine dans la voiture. 

  - Light vient de m'appeler, Killian a été relâché, annonça-t-elle en se limant les ongles. 

  - Son père a payé ? 

  - Pas du tout, ce bâtard. Il préférerait voir son fils en taule plutôt que son argent au placard. 

Simon attendit qu'elle lui dise pourquoi il avait été relâché, mais il dut demandé de lui-même. 

  - Light a trouvé un téléphone dans la rue, figure toi que c'était celui d'une touriste allemande qui a prit des photos du tueur. Bon, elle a pas été douée, parce que niveau qualité c'est pas ça. Mais le type de la photo est plus grand que Killian, donc ça peut pas être lui. 

  - Un téléphone, tu dis ? 

  - Ouais, je sais, c'était toi qui l'avais trouvé mais, pas de bol, c'est lui qui a les honneurs, sourit Catherine. 

Simon grogna. Cette trouvaille aurait pu effacer l'erreur du vase noté dans son dossier. Mais Monsieur Light était tellement arrogant qu'il avait oublié de préciser qu'il n'était pas le super enquêteur qu'il pensait être. 

En se pressant, Simon et Catherine arrivèrent au commissariat, où la jeune femme se mit de suite au travail en épluchant les différentes lettres reçues par la comtesse. Quant à Simon, il déambula dans les couloirs à la recherche de son voleur. 

Lorsqu'il le trouva, Light était en pleine discussion avec Hederald Damiens, le PDG de l'AMAC. Simon ne voulait pas écouter aux portes, cependant leur conversation avait l'air si passionnante et tumultueuse qu'il s'approcha d'un pas silencieux. 

  - J'en ai parlé avec sa psy, elle est d'accord avec moi. Cette affaire le rend fou, il faut le suspendre ! s'énervait Light. 

Simon l'avait rarement vu dans un état pareil. 

  - Je n'ai aucune raison de le faire pour le moment, Leo. Rend-moi un service, plutôt que crier à ma fenêtre que ma façon de faire te déplaît, change ton attitude. Tu es la honte de notre police. 

  - C'est ce que tu dis, mais tu es bien content de m'avoir quand il faut enquêter sur le meurtre de ta maîtresse. 

Simon s'éloigna à pas rapides. Ce n'était définitivement pas le genre de discussion à laquelle il aurait dû assister. Comment oublier tout ce qu'il venait d'entendre ? C'était impossible !

Premièrement, Simon était sûr qu'il parlait de lui. Une psychologue mêlée à une affaire dangereuse ? C'était forcément son cas. D'un côté, il trouvait ça mignon que Light essaie de l'aider de la manière qui lui semblait juste. De l'autre, il avait envie de l'étriper pour ne pas lui en avoir parlé et pour l'avoir sous-estimé. 

Deuxièmement, "Leo" ? Simon était au courant que Light n'était qu'un pseudonyme, mais il ne pensait sûrement pas que c'était pour dissimuler le prénom Leo. Light refusait toujours de dévoiler son véritable nom. C'était étrange. 

Enfin, la maîtresse d'Hederald ? Si Simon voyait juste et que c'était à propos de lui, alors c'était à propos de Sylvie Villeroche. Voilà pourquoi Hederald les envoyait si tôt sur cette affaire, ça expliquait la précipitation. Généralement, l'AMAC s'occupait des dossiers que la police envoyait désespérément en espérant avoir de l'aide. 

Oubliant totalement la raison pour laquelle il était venu, il s'empressa d'aller dans le bureau pour rejoindre Catherine. Après tout, elle devait savoir plus de choses que lui sur Light. Était-il jaloux parce qu'il voulait être à sa place ? Parce qu'il avait envie de savoir ? Ce geste pouvait-il être considéré comme de l'amour ? Simon ressentait des palpitations dans son corps qu'il n'avait pas connu depuis des siècles. 

Catherine était en train de mastiquer un bâton de sucette en épluchant divers dossiers. Selon les inscriptions, Simon jugea qu'elle regardait de plus près ce que chacun obtenait via le testament de Sylvie Villeroche. 

Sans mouvement brusque, avec une attitude amicale et bienveillante, Simon s'assit presque à côté d'elle et sortit son ordinateur. À l'intérieur, il avait répertorié des algorithmes afin de retrouver la signification du nombre "025", inscrit sur un papier trouvé sur la scène du crime. 

Même si les recherches ne donnaient rien, il continuait d'espérer un miracle. 

  - T'as parlé à Light ? demanda Catherine en tendant une feuille à Simon. 

Il s'agissait des résultats de la scientifique par rapport au papier utilisé et à l'encre. Simon eut un cri de joie et commença de suite à éplucher les fournisseurs et les acheteurs. 

  - J'ai pas pu, il parlait avec Damiens. 

Sur ces mots, Catherine cessa de mastiquer et fixa Simon. 

  - Tu as écouté ? 

  - Non ... Enfin, un peu ... Mais pas trop non plus ... Arrête de faire ça avec tes yeux ! 

 - De faire quoi ? 

  - Ce truc là, où on dirait que tes iris sont des rayons lasers dans du magma, râla Simon. 

  - C'est un don naturel, a affirmé la jeune femme. Donc, petit fouineur qui écoute ce qu'il ne devrait pas, que disaient-ils ? 

  - Tiens, ça t'intéresse ? Ça ne fait pas un peu fouineuse qui veut savoir ce que le fouineur ne devrait pas savoir ? 

  - Et après on dit que c'est les femmes les commères, n'importe quoi. 

Simon ne put plus tenir sa langue. 

  - Le vrai nom de Light, c'est Leo ? 

Il devait apparaître comme un enfant surexcité apprenant un secret. C'était ce qu'il était. Catherine soupira longuement et se remit à mastiquer. 

  - Si y a que ça, pas la peine de te supprimer. 

  - Me supprimer ? Genre, petite farceuse. 

  - Te tuer, te déchiqueter, te faire voir l'enfer, ça peut être des synonymes de "supprimer". 

  - Tu déconnes ? Sympa l'ambiance, marmonna Simon. 

Ce dernier lança les recherches sur son ordinateur. L'attente serait sûrement longue pour que l'ordinateur finisse de tout analyser, mais le latino ne perdait pas espoir, il aurait la réponse en tant qu'enquêteur à l'AMAC et pourrait montrer qu'il est le meilleur. 

Une petite sonnerie lui indiqua un message. Cependant, au moment de déverrouiller l'écran, il hésita. Et si ce message était de nouveau une menace ? Un avertissement ? La tête de mort sur la figure de Catherine et le fait d'avoir été suivi ne le rassurait pas. À présent, il appréhendait chaque message, chaque tournant de rue, chaque inconnu. 

Il avait convenu avec Catherine de ne pas dire un seul mot de cette histoire à Light. La jeune femme avait compris que Simon ne voulait pas être suspendu et souhaitait avoir accès à tous les dossiers de l'enquête, alors elle gardait le secret. De toute manière, elle semblait s'en ficher royalement. 

  - Dis-moi, Catherine, commença Simon. Est-ce que, parfois, tu as peur de ce qui peut se trouver derrière toi ? 

  - Je suis celle qui fait peur, pas l'inverse, répondit-elle, indifférente. 

  - Je veux dire ... Tu as quand même reçu une menace de mort ! Tu ne peux pas être à ce point en mode baba cool, même Gandalf chercherait à se protéger. 

Catherine soupira une énième fois et posa ses documents. Elle se leva et se posta face à Simon, à deux centimètres de son visage. Son souffle chaud caressait sa peau et donnait l'impression d'un danger à venir. 

  - Écoute, moucheron, toi et moi, on n'est pas pareils. Tu es peut-être une flippette qui a peur pour ses couilles, mais je ne suis pas comme ça. Si quelqu'un veut ma mort, il n'a qu'à venir, je l'attends. Et puis, ne pense pas que je ne me protège pas. 

Sur ce, elle cligna un œil et retourna à ses dossiers. Elle prit une nouvelle sucette qu'elle enfourna dans sa bouche. 

  - Une dernière chose, dit-elle, arrête tes références de geek, personne n'y comprend rien. 

  - Au nom d'Odin, je te bannis du Valhalla ! s'écria Simon, outré. 

Finalement, le latino ouvrit le message. Il fut soulagé en voyant que c'était Julie. 

Laissant son ordinateur tourner, il se rendit sur le lieu de travail de Julie. D'habitude, elle prenait le taxi pour rentrer chez elle, mais comme elle vivait chez Light et qu'elle avait encore du mal avec le quartier, elle avait demandé à Simon de la ramener. 

Simon était ravi de pouvoir l'aider un peu. Malgré le fait qu'il y avait un but particulier à son invitation chez Light, Julie pouvait réellement devenir une cible, et ce n'était pas concevable. 

Par habitude, Simon traversa directement le hall pour se rendre dans le bureau de Julie. La porte était déjà ouverte, et un courant d'air frais le fit frissonner. 

  - Julie O'Malley ? appela-t-il. 

Brusquement, une étrange odeur lui monta aux narines. Il grimaça tant l'odeur était forte. Une odeur âcre, désagréable, celle qui vous prend aux tripes et ne vous lâche plus. 

Simon tenta d'allumer la lumière, mais l'interrupteur ne fonctionnait plus. La lumière de la lune naissante entrait par la fenêtre et portait ses rayons sur le bureau saccagé de la psychologue. 

  - C'est quoi ce bordel ? 

Simon avança un peu plus dans la pièce. Soudain, son pied toucha une flaque et un bruit de fond résonna. L'agent chercha une prise pour se situer. Quelque chose semblait pendre du plafond. En s'y accrochant, il trouva la prise molle et ferme à la fois. Un bâton étrange. 

Paniqué, Simon s'empressa d'allumer la lumière de son portable. 

Au milieu de la pièce, pendue à une poutre avec des couteaux plantés le long de son ventre, le corps de Julie O'Malley résidait. Son sang coulait contre sa peau et formait à présent une flaque fraîche à ses pieds. Ses cheveux habituellement impeccables étaient ébouriffés, emmêlés et descendant en une cascade saccadée sur ses épaules. Ses yeux étaient écarquillés, rouges comme s'ils s'apprêtaient à exploser. 

Une véritable poupée de chiffon. 

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