PARTIE 4

Keola

- Aujourd'hui, on sort.

Mon ton est sans appel. Ce n'est pas une proposition, c'est un ordre. J'en ai assez de te voir pourrir ici, je veux que tu puisses sentir le soleil sur ta peau.

Tu me regardes d'un air perplexe.

- Je veux bien mais... je suis légèrement atteinte d'un cancer du sang qui va me tuer dans quelque mois et actuellement branchée à une tonne de machines qui me transpercent les bras...

Tu lâches un rire jaune. Je sais que tu n'en peux plus non plus. D'être enfermée ici.

- J'ai tout prévu.

D'un air vantard, je fais rentrer dans la chambre le fauteuil roulant que j'ai dérobé à l'accueil, sous le nez de l'interne qui était occupé par la petite vieille qui lui réclamait des fleurs de lotus d'Arabie Saoudite fraichement cueillies.

Je ne remercierai jamais assez cette grand-mère.

- T'es vraiment sérieuse ?!

Tu es à la fois incrédule, inquiète et heureuse.

- Allez, c'est parti !

Je tape des mains et m'approche de toi.

- Bon, alors ça ça sert à rien, on va dire que ça aussi... Bon, ça c'est une perfusion, on le laisse, et euh...

Je débranche un peu au hasard certains fils qui te relient à ces horribles appareils et tu finis uniquement liée à la poche de ta perfusion.

Les machines émettent une longue plainte désagréable et aiguë.

Je prends en main la perche qui maintient la poche et qui est fixée sur des roulettes et la place à côté du fauteuil.

- Bon... l'étape la plus délicate...

Je te prends doucement dans mes bras. Je te portes sans trop de peine et ça me déchire le cœur. D'ordinaire, je ne peux pas te soulever ; tu es plus grande et plus lourde. Ta longue chevelure qui est à présent clairsemée effleure mes bras nus et mon palpitant se lamente davantage. Le tissu bleu de ta blouse s'accroche à une poignée du fauteuil, et je le libère avant de te poser sur la chaise roulante.

Je te passe sur les épaules ma veste rose... Tu ne l'as jamais aimée. Je devine d'avance que tu vas dire...

- T'étais obligée de prendre ce truc couleur vomi de licorne ?

Tu sursautes et souris. J'ai prononcé ces mots en même temps que toi. Je te connais par coeur.

- Allez ! On y va ! J'aurais juste besoin que tu tiennes ça...

Ton bras, si pâle, si maigre, s'accroche faiblement à la barre de métal qui tient la poche de plastique et, de l'autre main, tu lèves le pouce.

En poussant le fauteuil, je sors discrètement et rapidement de l'hôpital. Nous savons toutes les deux que tes voisins de chambre, tes voisins invisibles, tout aussi enfermés que toi, ne vont pas tarder à se plaindre du bruit, ce qui va faire débarquer les infirmières.

Alors, une fois dans le hall, je cours. Ta poigne s'est resserrée sur la barre de métal donc je n'ai pas de crainte à avoir. Sous le « Hé ! » de protestation de la secrétaire, nous passons la porte de cette prison de propreté en riant.

Et même si ce n'est que pour quelques petites heures, pour la première fois depuis très longtemps, tu es enfin libre.

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525 mots

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