7 - À la vie à la mort 🌓
Nous avons, en tout et pour tout, passé une semaine et demie à Hellbound. Les premiers jours furent pénibles pour moi. En premier lieu parce que je n'arrivais plus à trouver le sommeil, et également parce que je devais supporter Rebecca, Darius... Jess et Max n'étant pas épargnés.
Malgré tout, j'avoue avoir passé de bons moments. Surtout quand Lizzie est dans les parages. Je l'ai aidée à faire ses devoirs chaque soir et j'ai même commencé à lui apprendre le solfège. En espérant qu'un jour, Max accepte d'acheter des instruments. Elle semble en bonne voie pour être une musicienne d'exception.
Sam a appelé son travail pour les prévenir de son absence en expliquant qu'il avait quelques petits problèmes personnels à régler. Ils ont été clément et n'ont pas cherché plus loin. Sam est quelqu'un d'utile à l'entreprise et d'apprécié par ses collègues.
On ne peut pas dire que notre couple soit au meilleur. Je pense qu'on traverse une rude période. Sam n'est pas insistant et c'est quelqu'un de compréhensif. Nous ne couchons plus ensemble, nous ne nous embrassons presque plus et on ne discute pas non plus de cette situation.
Je me sens triste à cause de tout ça mais en même temps, je tente de comprendre ce qui me pousse à rester attachée à lui comme une sangsue. J'ai besoin d'y voir clair dans ce que je ressens.
Il est tôt ce matin, je bois un grand verre d'eau tout en jetant un coup d'œil à l'extérieur. Max me rejoint dans la cuisine et s'en sert un à son tour.
— Tu vas où habillée comme ça ? Demande-t-il.
On s'est que très peu approché depuis ces dix jours ensemble et c'est mieux ainsi.
— Je vais courir.
— Tu fais du sport maintenant ?
— J'en faisais avant et là, je prends mes marques alors ouais, je fais du sport. Je me suis toujours dit après ce qu'il s'était passé au bord du précipice qu'il fallait que je devienne plus robuste, plus agile, plus rapide... en fait, je devais améliorer ma condition pour le jour où j'en aurais eu besoin.
Il pose son verre et hoche la tête en signe de compréhension. Je lui adresse un bref sourire avant de quitter la maison. C'est vrai que Marius ne nous autorisait pas à sortir, qu'importe si les Chasseurs étaient proches et Max lui, il l'autorise, il nous laisse tout de même presque complètement libres.
Le soleil n'est pas au rendez-vous aujourd'hui, les nuages sont alourdis par la pluie qui nous menace depuis le levé du jour, le vent est frais, les feuilles mortes grattent le sol sous les souffles du vent. Dans ce silence automnale, je n'entends que les feuilles et mes semelles claquer le béton. Mon souffle que je tente de contrôler, mon cœur qui s'accélère à mesure que je cours.
La forêt est à moins d'un kilomètre et je m'y aventure, pour la première fois depuis dix jours. Je cours sur un sentier, j'écoute mon environnement, j'apprécie la fraîcheur qui rosie mes joues. C'est vraiment plaisant. Hellbound m'avait manqué dans un sens mais je préfère me savoir loin de cette ville malgré tout.
Je m'arrête sur un petit pont qui passe au dessus d'une rivière au courant vivace et appuie mes mains sur la rambarde en bois humide. Je m'étire légèrement puis je fixe l'eau un instant, songeant à ma vie, à tout ce qu'il se passe, à Marius, Max, Sam... Se retrouver seule, ça peut permettre de faire le trie dans ses pensées, dans ce que l'on ressent.
Je ne pense pas être amoureuse de Sam, au fond je l'ai toujours su et ce même avant que Max n'entre dans ma vie. Sam a toujours été pour moi un réconfort, ma sécurité, mon meilleur ami. Je m'entête à vouloir rester avec lui, parce que je sais au moins, que je ne risque pas de souffrir. Mais lui... lui il souffre. J'aimerais me dire que je vois mon avenir avec lui, d'ailleurs, oui, mon avenir pourrait être tout tracé avec lui, si je me mariais, je sais que j'aurais tout ce dont je rêve et que même sans cet amour dont tout le monde rêve, nous serions heureux, du moins, moi je le serai. D'un autre côté, je ne peux pas être égoïste à ce point et ne pas penser à son bonheur.
Max, lui, c'est beaucoup trop spécial. Je le déteste et je l'aime. Mais comment savoir ce que l'on ressent réellement avec ce lien ? Je n'ai jamais réellement été heureuse avec lui, parce que j'étais prisonnière, il est sombre, comme son petit frère, il est mystérieux, trop mystérieux. Je ressens quelque chose d'indescriptible en sa présence, quelque chose qui me fait me sentir incroyablement vivante, quelque chose qui fait battre mon cœur. Je pense que oui, je suis amoureuse de lui, et ce depuis le premier jour mais il m'a toujours rebutée aussi, nous ne entendons pas, nos caractères sont trop différents, nos idées également.
Puis il y a Marius...
Quelque chose, dans mon dos m'extirpe de mes pensées, et me fait comprendre que je suis en danger. Je ne sais comment, mais mon instinct se réveille aussitôt. Je me retourne d'un coup et saisis le cou de la personne qui tentait de s'approcher de moi discrètement. C'est une jeune femme, peut-être a-t-elle mon âge et dans sa main droite, elle tient une dague en argent. Elle est habillée de noir, couverte d'un manteau, de gants...
Elle entrouvre la bouche quand je serre sa gorge et que je la fixe. Je ne la vois pas comme un être humain devrait voir, mon loup s'est aussitôt réveillé. J'entends son pouls, je vois chaque goutte de sueur qui caresse son front, je la vois en rouge, parce que c'est mon ennemie. Je me retourne et la cogne contre la rambarde alors elle pousse un grognement. De mon autre main, j'attrape son bras que j'appuie sur le bois pour qu'elle lâche son arme. Visiblement, elle ne souhaite pas coopérer et moi non plus, alors je frappe à deux reprises son bras. J'entends son os craquer, la dague tombe à l'eau et elle, elle pousse un hurlement de douleur mais je plaque aussitôt ma main sur sa bouche. Son bras droit est cassé, elle ne peut plus le bouger.
— Qui t'envoie ? Comment m'as-tu trouvé ?! grogné-je.
Je déteste avoir le loup en moi quand je suis dans cet état second, j'ai l'impression que je pourrais vriller à tout moment tant il est dur de se contrôler.
— À mort... souffle-t-elle souffrante.
Je plisse les paupières, elle déglutit difficilement.
— À mort les loups garous...
Je serre alors de mes deux mains sa gorge, la tordant littéralement tant j'appuie mon poids sur elle pour l'étouffer. J'enfonce mes ongles dans sa chair puis je ne contrôle plus ma force, à force d'appuyer sur sa trachée... je lui brise la nuque. Son corps se ramolli d'un seul coup alors je la fais passer par dessus le pont, elle tombe dans l'eau mais ne se relève pas. Je m'appuie sur la rambarde, rétracte mes doigts dessus et je tente de retrouver mon calme.
Quelqu'un me saisit par les cheveux et tire ma tête en arrière. Je pousse un cri de surprise et je sens alors quelque chose entrer en contact avec mon dos, traverser mes vêtements puis ma chair. Une dague. Une autre. J'ouvre la bouche mais tout mon corps se contracte à cause de l'argent, je pousse un râle de douleur et je sens quelqu'un approcher sa bouche de mon oreille.
— Emmène-nous jusqu'à eux, souffle cette personne.
Ce ne sont pas des loups, ce sont des Chasseurs. Alors l'homme qui a murmuré cela me force à avancer, je boîte, je souffre et je gémis chaque fois que je fais un pas devant l'autre. Je ne crois pas qu'il ait touché mes organes mais la douleur est intenable, j'ai l'impression que la lame qu'il garde enfoncée dans mon dos est en train de ronger mes chairs.
Nous avançons dans la rue, je songe à la maison, à Lizzie... Je ne peux pas l'y conduire, je ne peux pas risquer de la faire tuer, elle qui est si jeune. Il n'est pas seul, mais ses camarades sont discrets, ils se cachent, ils savent très bien comment se comportent les loups.
Je tourne sur la gauche et le fait entrer dans une maison vide, en pleine construction, la même où j'avais vu Marius dix jours plus tôt. Il retire la lame de mon dos et me lâche alors je tombe aussitôt sur mes genoux, je me retiens avec mes mains dans la poussière et tente de respirer convenablement. Il attrape de nouveau mes cheveux pour me redresser, je grogne et croise alors son regard brun.
— Où sont-ils ?! demande-t-il.
— Qui êtes-vous... ?
— Réponds-moi !
Il colle sa dague tâchée de mon sang contre ma gorge. Ma peau me brûle aussitôt, je grimace et le regarde droit dans les yeux.
— À mort les Chasseurs, grommelé-je avec sarcasme.
Il s'apprête à me trancher la gorge mais son camarade l'arrête.
— Louis ! Je l'ai vu regarder la maison au bout de la rue, je vois de la lumière.
Pourvu que Max ait ressenti ma détresse, pourvu qu'il regardé à travers mes yeux pour savoir ce qu'il se passe... J'ai tenté de gagner du temps mais je vais échouer et ils seront attaqués. Je savais qu'une trêve était impossible, pas avec des Chasseurs.
Le dénommé Louis me lâche enfin les cheveux, mais son pied vient heurter mon visage avec violence. Je me retrouve étalée sur le sol, je sens mon nez qui se met à saigner instantanément, il me retourne sur le dos et sans aucune hésitation, il plante la dague là où est censé se trouver mon estomac, j'ouvre la bouche mais aucun son n'en sort. Il la retire d'un coup sec, me regarde un instant avant de quitter la maison pour se diriger vers Max.
Je me retourne sur le ventre, je n'arrive plus à respirer par le nez mais je m'appuie sur mes mains, je serre les dents et je me redresse sur mes genoux en poussant un cri. Mon dos... cette douleur. Je ressens ce que Marius a ressenti par le biais des balles et cette dague que Jess lui a enfoncé entre les omoplates. Je n'ose imaginer à quel point il a souffert. La douleur que je ressens est moindre comparée à la sienne mais je sais aujourd'hui, ce qu'il a pu ressentir.
Je laisse une trace de sang sur le mur sur lequel je m'appuie pour me relever. Alors, la main sur ma plaie qui ne cesse de saigner, je titube pour sortir de la maison. Je me cogne contre les murs, mon cœur frappe ma poitrine pour tenter de me garder en vie et mes jambes me font souffrir.
Bats-toi Monroe.
— Je... suis...
Je tombe à genoux et ferme les yeux un instant. J'ai mal, mais je n'abandonnerai pas. Je dois les aider. Je dois les sauver.
— ... une prédatrice...
Je rouvre les yeux et je laisse de la place à mon loup. Je me relève, je vois rouge, j'entends tout. Il se battent, ils sont dans la maison. Je tente d'avancer plus vite, malheureusement pour moi, mon corps peine à suivre mais j'y arriverai, je le ferai.
Je pousse la porte et évite de justesse Darius qui se jette sur un chasseur, à califourchon sur ce dernier, il le mord au niveau du cou et lui arrache un bout de peau. Le cri de sa victime résonne dans toute la maison. Moi, je m'accroche à la rambarde de l'escalier et je monte à l'étage, il faut que je trouve Lizzie, aujourd'hui, nous sommes samedi et elle n'avait pas école.
— Lizzie ? appelé-je.
Je m'appuie contre le mur un instant pour reprendre mon souffle. J'entends un coup de feu alors je relève la tête aussitôt, il est si proche.
— Lizzie !
Cette fois, j'oublie ma douleur et je cours. La porte de sa chambre est ouverte, quand j'entre à l'intérieur, le dénommé Louis s'y trouve, son pistolet à la main et Lizzie, allongée sur le sol. Il se tourne vers moi, il tire mais me rate, la balle se loge dans la porte. Alors sans hésiter, il se jette sur la fenêtre et saute. Je ne cherche pas à le rattraper, je me laisse tomber à genoux à côté de Lizzie. Elle me regarde, sa poitrine se soulève rapidement, ses larmes coulent toute seule, elle halète et souffre. Je soulève légèrement sa tête pour la garder contre moi.
— Ça va aller, d'accord ? lui soufflé-je.
Elle hoche difficilement la tête alors que son teint vire au blanc.
— Je suis là, Lizzie, accroche-toi.
— Tu... tu vas rester Monroe... hein... ?
Je sens déjà mes larmes inonder mes yeux, je lui souris, la gorge nouée.
— Bien-sûr...
Si seulement je survis à mes blessures. C'est comme si ma douleur physique disparaissait mais quand je vois les yeux de Lizzie se figer, dans ma tête, tout se brise et mon cœur avec. Je la serre contre moi et je sanglote, tremblante. Je relève la tête vers le plafond et reprend ma respiration difficilement.
— MARIUS ! hurlé-je.
Je serre le petit corps froid de Lizzie contre moi. J'entends un nouveau coup de feu, je ne sais pas d'où il provient mais je sens l'odeur du sang, celui d'humains, j'entends des cris puis des exclamations, ils partent, je le sais, ils fuient. Ils fuient mais ils ont gagné. Ils ont gagné car ils ont tué une enfant de dix ans. Ils ont gagné car aujourd'hui, je sais qui sont mes réels ennemis.
Ils ont gagné car aujourd'hui, je sais quel camp choisir.
Je repose doucement le petit corps de Lizzie et je lui ferme ses beaux yeux bleus tout en posant mes lèvres sur son front, mes larmes ne cessant de couler.
— Fais bon voyage petit ange...
Je m'allonge sur le sol, juste à côté d'elle, la main sous la tête, la vue trouble. Je regarde son visage endormi, serein, ses lèvres violettes, sont teint gris... je n'entends plus son cœur, son âme a quitté son corps. Son corps d'enfant.
Je ferme les yeux, fatiguée de sentir toute cette souffrance si subite. Mais je sens des mains sur moi et on me retourne sur le dos. J'ouvre mes paupières lourdes et je vois le visage flou de Sam, ses yeux sont grands ouverts, il est terrifié et une vilaine marque violette imprègne sa joue.
— Monroe ! Accroche-toi ! Pitié...
Je vois une silhouette derrière Sam, mais je cligne des yeux tellement lentement que je peine à distinguer ce qu'il se passe. Sam se relève et s'oppose à cette silhouette. Je peux entendre, même si ça me semble lointain.
— Je te conseille de me laisser m'en occuper si tu veux qu'elle vive et si tu ne veux pas mourir sur le champ.
Cette voix...
Marius ?
Il passe son bras sous mes jambes et l'autre dans mon dos. Il descend alors les escaliers, je suis dans ses bras, ma tête calée contre son épaule, mes paupières lourdes, ma vue qui se brouille de plus en plus, je commence à voir noir, tout noir. Il y a du sang sur les murs on dirait, il y a des morts sur le sol, il y a Lizzie...
— Marius ! crie Max.
Marius ne semble pas se retourner.
— Marius, ne l'emmène pas ! hurle son frère.
Marius se retourne vers lui un instant, juste avant que mes paupières ne se ferment pour de bon, juste avant que je ne plonge dans les ténèbres. Je vois Max, je vois son regard apeuré, son regard peiné puis j'entends...
— Elle a fait son choix.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top