39 - Âmes torturées 🌖

Quand j'ouvre les yeux, j'ai mal à la tête, je suis aveuglée par la lumière du jour qui perce la nuit. Mes paupières sont lourdes, mon corps endolori, courbaturé. Les oiseaux piaillent, ce qui me rappelle que je suis en vie. Je fixe le ciel rosé de cette matinée qui commence, je me redresse difficilement, de la terre et des feuilles emmêlés dans mes cheveux. Je ramène mes jambes contre ma poitrine nue et je pose mon menton sur mes genoux. Je me mets alors à sangloter, sans même le contrôler. Mes larmes coulent d'elles-mêmes, un flot qui inonde mes joues et noie mon cœur. Je me sens vidée, je me sens triste, seule.

J'ai déjà ressenti ça.
Quand Max m'avait abandonné. J'avais ressenti ce vide, ce sentiment d'être arrachée, abandonnée. Ce sentiment de solitude qui torturait mon âme.

Je le ressens à nouveau depuis la perte de Marius.
Je me demande d'ailleurs si un jour, ce creux quittera mon cœur.

C'est quand on perd quelqu'un qu'on se rend compte qu'il comptait pour nous.

J'aurais dû faire quelque chose. J'aurais dû affronter mon père. J'ai été lâche et faible.

— Monroe !

Je relève la tête tout en reniflant. Je vois Sam qui me rejoint et Max non loin de lui. Sam s'approche de moi avec une couverture. Je me lève et me jette à son cou pour me blottir contre lui. Il se charge de me couvrir et de me serrer dans ses bras. Je ne cesse de pleurer mais le voir, le sentir, ça me fait un bien fou. Je ferme les yeux et je le serre si fort que je pourrais l'étouffer.

Quand je me détache de Sam, je tiens la couverture pour couvrir mon corps tandis que Max nous rejoint. Il boite, son mollet ne s'est toujours pas remis de sa morsure visiblement. Je le regarde alors qu'il s'arrête face à Sam et moi. La seule chose que je parviens à faire, c'est le gifler, lui et son visage abîmé par les coups de son frère. Il se pince les lèvres sans me lâcher des yeux.

— Étant donné que maintenant je suis...

— Non, l'interromps-je, ne le dis pas.

Il relève le menton et croise les bras tout en me jaugeant.

— Je n'ai jamais été sous les ordres de ton frère et ce sera la même chose pour toi, reprends-je. Qu'il y ait un lien entre nous ou non, c'est fini, Max.

Je le vois qui serre les mâchoires. Je ne peux pas continuer. Je dois partir, je dois retrouver ma liberté comme il me l'a promis et l'oublier lui et son frère mort. Je ne veux plus penser à lui, je ne veux plus le désirer, je ne veux plus l'aimer, je veux simplement m'éloigner de lui, de sa famille. Je veux refaire ma vie, je veux faire mes propres choix.

— J'arrête... poursuis-je. Tu m'as promis la liberté alors laisse-moi partir.

Il hoche la tête et fait claquer sa langue contre son palais. Il ne cache pas que cela semble le blesser mais je ne me laisserai pas attendrir. Pas cette fois.

— Je tenais simplement à te dire que je comprends ta peine.

Il marque une pause, attendant une réaction de ma part mais je reste immobile.

— J'ai pas l'impression que c'est réel, reprend-il, j'ai tué mon frère... mais c'était pas équitable, j'ai aucun mérite à tout ça mais...

J'entends un klaxonne non loin de là. La route est à moins d'un kilomètre. Puis j'entends des pas, Max aurait souhaité terminer sa phrase mais je vois tout un groupe nous rejoindre. Évidemment, Délia ou plutôt Jess, se poste à côté de Max mais le plus troublant, c'est que ce petit groupe, je le connais.

Je m'accroche au bras de Sam quand je reconnais Rebecca, puis Darius, Lola... et Lizzie qui m'enlace la taille, un nounours dans la main droite.

— Sam, retiens moi... soufflé-je tout en posant ma main dans les cheveux de Lizzie.

J'ai l'impression que je vais tomber dans les pommes, alors Sam reste près de moi, il me tient la main.

— Je suis là, me murmure-t-il.

— Elle est encore en vie ? Peste Darius.

— Malheureusement... souffle Rebecca.

— Le... la maison... elle avait brûlé et il y avait une odeur... de chair... c'était horrible !

— Je vais t'expliquer Monroe, reprend Max.

— C'était toi ?

Je sens mes jambes flageolantes, mon corps lourd, mon cœur tambourine contre ma poitrine.

— Je me devais de le faire, Marius devait tout perdre.

— Pourquoi ?

— Il n'y a que comme ça qu'il disjoncte, et en général, ses émotions prennent le dessus, il n'arrive plus à se contrôler et... un Alpha loin de sa meute devient un simple loup solitaire et égaré. Ça nous laissait l'avantage. Je sais déjà ce que tu penses, mais on n'avait pas le choix, l'Alpha a plus de pouvoir, et toute la rage qui vivait en lui... ça lui donnait trop de force. Il fallait le désarmer, et pour ça le blesser : psychologiquement et physiquement.

— Tu lui as volé sa meute...

— Dickon et Marie sont partis, ils n'ont pas accepté ce qu'on a fait alors, pas totalement.

— Tu as triché pour gagner...

Il baisse les yeux un instant.

— Ma jolie, comprends bien que pour parvenir à ses fins dans un monde aussi cruel que le nôtre, il faut savoir manipuler. Max n'a pas triché, il a juste joué les bonnes cartes, intervient Darius.

Je lui jette un regard noir avant de m'attarder sur Délia. Je m'approche d'un pas, le menton levé, et je la jauge de haut en bas.

— Vous revenez tous d'entre les morts à ce que je vois... pesté-je.

— Il y a beaucoup de choses que tu ne sais pas, commence Max.

Je hoche la tête puis croise son regard. J'ai ressenti tellement de choses pour lui. D'ailleurs, il se peut que tout cela ne disparaisse jamais. Mais Délia a su poignarder Marius alors qu'il l'avait transformée, je me dis que ce lien n'est pas si unique que cela tout compte fait. Je ne veux plus rien savoir. Ni les motivations de Délia, ni les secrets de Max et Marius. Leur passé leur appartient. Le mien aussi. Mon futur m'importe à présent.

— Je ne veux plus rien savoir Max, tu comprends ?

— Je comprends...

— Tu vaux pas mieux que ton frère. Tu as reproduit le même schéma avec une nouvelle histoire, c'est tout. J'espère que tu ne pourras plus jamais te regarder dans un miroir après ce que tu as fait. Mais sois heureux, tu es l'Alpha de notre meute ! Longue vie au roi...

Je le vois qui serre et desserre ses mâchoires. J'ai si mal au cœur. Marius est mort. Le lien qui me lie à Max me détruit, si bien que cette fois, c'est moi qui le coupe. C'est comme s'arracher une jambe, mais je sais qu'il le faut. Il est temps que je vole de mes propres ailes avec une personne qui, jamais, ne me mentira.

Max inspire profondément, comme si ce qu'il va dire sort du plus profond de son être, comme si c'était difficile pour lui.

— Vous êtes libre toi et Sam.

— Merci Max, souffle Sam.

Max lui répond d'un hochement de tête et d'un léger sourire. Sa lèvre supérieure est fendue en deux et gonflée, sa pommette droite a doublé de volume, son œil gauche est à moitié fermé et violacé, sa joue arbore un sacré hématome... Délia lui a sauvé la vie. Si elle n'avait pas été la, il aurait perdu. Ou alors, peut-être que j'aurais eu le cran de bouger.

— Adieu, Max, soufflé-je.

Je ne lui laisse pas le temps de me répondre. Je lui tourne le dos, sans lâcher la main de Sam.

Il me ramène dans un hôtel dans lequel nous passerons la nuit. Je dors presque toute la journée, sans manger, sans boire, sans rien faire, calfeutrée dans le noir et quand le soleil se couche, j'ouvre les yeux.

Cette sensation de vide n'a pas disparu, à mon plus grand désarroi.

Je suis restée emmitouflée dans cette couverture, des brindilles dans les cheveux et Sam ne m'a pas embêté une seule seconde.

Je traîne alors des pieds jusque dans la salle de bain où je me poste sous le jet d'eau pour me décrasser. Je frotte mes bras, mon buste, mes jambes et je fixe l'eau qui devient marron, de la terre, du sang... je croise les bras sur ma poitrine et je m'accroupis, je me mets alors à pleurer.

Je me souviens, quand j'avais perdu Alice. J'avais pleuré durant des jours, je m'étais sentie si mal. Une personne disparaît, et on a la sensation que le monde s'écroule sur nous. Le plus dur, c'est cette frustration, celle qui nous fait comprendre qu'on ne pourra plus jamais revoir cette personne, plus jamais la toucher, la sentir, lui parler. C'est tellement dur.

J'entends frapper à la porte alors je relève la tête et passe mes mains dans mes cheveux pour les mettre en arrière.

— Monroe, est-ce que tout va bien ? Demande Sam.

— Ça va, j'ai bientôt fini...

— Je suis là si tu as besoin.

— Merci Sam, j'arrive...

Je ne peux pas le repousser comme je l'avais fait à mes débuts. C'était ridicule. C'est un ange. C'est lui qu'il me faut. Je le sais. Et quand je serai loin de Max, tout deviendra plus clair pour moi. Le lien m'aveugle, je deviens plus que sa marionnette.

Quand je sors de la douche, je m'enroule dans une serviette. Je m'approche du miroir sur lequel j'efface la buée qui s'y est installée puis j'inspire profondément et ferme les yeux le temps de quelques secondes pour me masser les globes oculaires.

Je suis prise d'une vision.
Je vois à travers ses yeux.

Enfin, c'est ce que je crois mais on ne dirait pas Max. Non, en fait, j'entends de la toux, beaucoup de toux, et de l'eau. Il fait sombre, la nuit est tombée. Je ne vois rien et visiblement, lui non plus.

Cependant, emporté par un courant, il s'accroche à une branche et tout en poussant un râle pour se donner de la force, il se hisse sur la berge, là où je vois sa main écorchée s'enfoncer dans la terre humide.

Je rouvre les yeux, le cœur palpitant contre ma poitrine et heurtant mes oreilles. Je penche légèrement la tête et passe ma main sur une cicatrice, pas n'importe laquelle, c'est sa morsure, celle qu'il m'a fait subir ce soir là, à la sortie du bar quand ensuite, nous avions découvert la maison en feu... j'en ai toujours gardé la marque.

— Marius... soufflé-je.

Il est en vie.

On continue le 1 jour 1 chapitre !
La suite dès demain !

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