38 - Le choix de la Lune 🌕

Ce chapitre et le suivant sonneront comme la fin de l'histoire, car je la découpe en deux tomes uniquement pour son édition. Cependant, la suite se fera sur ce livre dans la foulée, vous n'aurez pas à attendre ou autre et elle sera postée dans son intégralité. J'ai besoin d'avis avant de me lancer.


Ils sont là, l'un face à l'autre, le torse à découvert, les muscles saillants, la rage au ventre. Je ressens tout ce qu'ils ressentent et je suppose que Délia aussi mais je n'ai pas le droit d'intervenir, elle m'en empêchera à chaque fois. Je suis simple spectatrice.

Prédatrice ou spectatrice ?

J'ai essayé...
J'ai échoué, mon lien avec Max est trop fort, il me corrompt, je suis incapable de faire mes propres choix.

— Tu peux encore faire marche arrière Max, lance Marius.

Je sens mon cœur se serrer. Il tente de raisonner son frère ?

— Tu peux encore leur dire que cette trêve n'aura jamais lieu, pourquoi ? Parce que c'est IMPOSSIBLE !

— La trêve est possible et aura lieu, je suis désolé Marius, désolé de t'avoir rendu comme ça. Ta mort sera ta libération de toute cette souffrance.

Marius le fixe, sans un mot, sa poitrine se soulève rapidement, il est en colère et avec la nuit qui tombe, la lune qui prend sa place, il est difficile de se contenir. Marius lève la tête vers la lune puis sourit légèrement, son fameux sourire en coin qui en ferait craquer plus d'une.

— L'un de nous ne verra pas le jour se lever, dit-il simplement.

Max se pince les lèvres. Marius baisse la tête pour regarder son frère. Un coup de feu me fait sursauter et m'agripper à l'arbre. J'ouvre de grands yeux quand je vois Marius poser ses mains sur le bas de son ventre et tout le sang qui sort de sa blessure. Je mets ma main sur ma bouche et sens déjà mes larmes rouler sur mes joues. C'est cette femme chasseuse qui a tiré, ses mains tremblent et son visage est inondé de larmes.

— C'est pour Will... souffle-t-elle.

Je suppose que Will est le chasseur mort non loin de nous. Marius serre les dents et pousse un râle, tout son corps tremble, ses muscles se raidissent mais il relève la tête vers son frère.

— Dis-leur... de baisser leurs armes... vocifère-t-il entre ses dents.

Comment supporter une telle douleur ? Je n'ose imaginer ce qu'il ressent, Délia reste à mes côtés, à observer en silence mais ses yeux pétillent, je ne saurais dire ce qu'elle ressent, ce que son regard traduit. Marius fait craquer sa nuque et se redresse, je vois son bras trembler et ses doigts se tordre. Il ferme les yeux, les mâchoires crispées, les tendons de son cou saillent.
Il lutte contre sa propre transformation.

Il est terriblement blessé et lui-même me l'a dit : quand on devient trop faible, le loup tente de prendre le relais pour nous sauver mais cette fois, il ne semble pas vouloir le laisser prendre sa place.

— Baissez vos armes, ordonne Max.

Les Chasseurs et mes parents baissent leurs armes. Mon cœur heurte ma poitrine , je me sens si mal, j'ai la nausée, la tête qui tourne.

L'épaule de Marius se déboîte, il ne pousse qu'un grognement étouffé et la replace aussitôt dans un craquement à en glacer le sang. Max se jette alors sur lui, le saisit par la taille et tente de le faire basculer. Marius se défend en frappant les côtes de son frère de son poing à plusieurs reprises, ce qui semble fonctionner mais en se redressant, Max lui assène un coup de poing en plein dans la mâchoire. Marius perd l'équilibre, il pose un genou et une main au sol, son autre main, il la presse contre sa plaie par balle au bas de son ventre qui continue de le vider de son sang. Sa lèvre inférieure est fendue suite au coup qu'il vient de se recevoir et sa peau rougit déjà.

— Ce n'est pas juste... soufflé-je.

— C'est juste, rétorque Délia, Marius est plus fort que Max s'il a la totalité de ses capacités. On ne peut pas le laisser gagner. Pas si proche de la paix.

Marius se redresse doucement, difficilement.

— Allez, mon frère, grommelle-t-il en suçant le sang qui coule de sa lèvre, déchaîne ta rage que tu gardes en toi depuis tout ce temps.

Max ne se fait pas prier, comme s'il avait attendu cela toute sa vie. Il pousse un cri de colère et le fait rouler dans l'herbe, il tente de prendre l'avantage en lui grimpant dessus mais Marius retient ses bras et lui donne un coup de tête qui semble les assommer tous les deux pendant quelques secondes.

Ils sont allongés, côtes à côtes, sonnés et les Chasseurs eux, regardent, prêts à se munir de leurs armes si Marius prend les devants. Cependant, c'est à Max de le tuer pour pouvoir prendre sa place d'Alpha. Ce dernier attrape une pierre et s'accroche à la ceinture du jean de Marius pour se redresser. Il la lève au dessus de lui, souhaitant l'écraser sur son visage mais avant qu'il ne puisse le faire, Marius lui saisit le bras fermement. Il tente de le lui tordre, or, Max lutte contre sa force, on dirait bien que son petit frère a l'avantage. Alors de sa main libre, Max frappe la plaie par balle sur le bas de son ventre. Instinctivement, Marius se recroqueville tout en poussant un grognement et il le lâche.

Il s'appuie sur ses mains pour se relever, à quatre pattes, ses épaules se déboîtent et se remboîtent. Il lève la tête les dents serrées et pousse un cri. La pleine lune est là, et toutes ses blessures poussent le loup à se montrer plus tôt que prévu.

— Pas maintenant ! grogne-t-il.

Max en profite pour frapper la pierre contre son dos, Marius finit à plat ventre, le corps endolori.

— Je ne peux pas... je ne peux pas le laisser faire, balbutié-je.

Je me lève et souhaite m'approcher mais Délia me retient et agrippe mon cou de sa main. Je sens comme des griffes entailler ma peau alors je relève le menton, le souffle coupé. Toutes les émotions qui me traversent me torturent.

— Ne t'en mêle pas ou je t'arrache la gorge, menace-t-elle.

Ma respiration se coupe une fraction de seconde avant que mon instinct ne se réveille. Je décide de ne pas me laisser faire. J'envoie ma tête en arrière frapper son nez, elle recule d'un pas et moi, je cours pour les rejoindre. Cependant, je m'arrête net quand mon père, ou plutôt, celui qui était censé être mon père, braque un canon sur moi. Je lève mes mains et croise son regard, ma mère elle, me fuit aussitôt.

Max retourne son frère sur le dos, il appuie son pied sur son torse et le regarde un instant.

— Max ! crié-je.

Il relève les yeux vers moi.

— Arrête... je t'en prie...

— Si tu fais un pas de plus Monroe, je te tire dessus, grogne mon père.

— Je t'en prie, Jonathan ! Tu l'as élevée comme ta fille, me défend ma mère.

— Je l'ai élevée quand elle était encore humaine, ce n'est plus le cas, je n'ai pas de pitié pour les monstres dans son genre.

— Je fais ce qui est juste ! gronde Max.

Je serre les poings, tiraillée entre l'envie de faire arrêter ce massacre et celle de raisonner Max. Je connais mon père, je sais qu'il le fera. Je le vois dans ses yeux et quand bien même ce geste pourrait lui faire du mal, il n'hésiterait pas. Je suppose qu'il a une dent contre les loups-garous, je ne sais pas pourquoi, mais je ne peux pas non plus lui en vouloir.

Marius profite de ce moment d'égarement pour se redresser et mordre le mollet de son frère. Max pousse un cri de douleur puis retire aussitôt son pied. Son petit frère se redresse, titubant, les bras ballants, il regarde Max, son sang sur les dents.

— J'en peux plus... souffle-t-il, je lutte contre moi-même et contre mon propre frère...

Lutter contre une transformation, il n'y a rien de pire. Le fait de changer de forme est déjà bien douloureux mais empêcher que ce phénomène se produise est encore pire.

— Alors abandonne ! gronde Max.

Marius secoue la tête de droite à gauche.

— Tu me connais mon frère... j'abandonne jamais.

Marius se tourne vers moi, je n'ai jamais vu son teint aussi pâle, ses yeux sont cernés, son corps couvert de sueur et de sang.

— Un prédateur s'arrête que lorsqu'il est mort.

Je lis quelque chose d'étrange dans son regard, ce regard que je ne crois pouvoir jamais oublié, ces yeux bleus qui hanteront mon esprit à jamais et cette phrase... elle me fait fondre en larmes. Il sait ce qu'il se passera ensuite. Il me dit adieu. Max s'attaque de nouveau à lui, cependant cette fois, Marius esquive son coup. Max fait quelques pas en avant tant il y avait mis sa force et son petit frère lui donne un coup de pied dans les lombaires. Max se retourne vers lui, grogne et se jette de nouveau dans la gueule du loup.

Marius l'arrête d'un simple coup en plein dans le nez, je l'entends craquer de là où je suis et Max s'effondre sur le dos. L'abondance de son sang vient imprégner ses lèvres et son menton. Il fixe le ciel un instant, visiblement sonné. Marius passe un pied de part et d'autre de son corps puis se laisse tomber à genoux. Il entoure alors sa gorge de ses mains et serre. Max appuie sur son visage, le griffe et tente même d'atteindre ses yeux pour le repousser. Les Chasseurs, eux, braquent à présent tous leur arme sur Marius qui, pour arrêter Max, le frappe à nouveau en plein visage.

— Marius ! crié-je. Arrête, je t'en prie...

Il le frappe encore une fois, je vois la tête de Max valser à chaque coup qu'il se reçoit. Je vois des plaies se former chaque fois que les phalanges de Marius heurtent sa peau avec violence.

— Tu vas le tuer ! reprends-je.

— Oui... ! hurle Marius d'une voix tremblante.

Il lève son poing au dessus du visage de son frère et le fixe un instant, il respire fort, il est épuisé, je le vois, son bras tremble, son corps est pris de soubresauts à cause de la transformation. Il se mord les lèvres, serre les mâchoires. On dirait qu'il hésite, qu'il renonce.

Tout se passe si vite, j'ai seulement le temps de voir Délia courir en leur direction, la dague du chasseur dans la main. Elle se jette sur Marius et  la plante entre ses deux omoplates. Sans même m'en rendre compte, je pousse un cri d'effroi. Marius s'arc-boute et tente d'attraper la dague mais visiblement, ce coup semble être le dernier. Il se relève sur ses deux pieds, titube en arrière, puis finalement, il laisse pendre ses bras le long de son corps et du sang coule de ses lèvres, sa respiration devient aussitôt sifflante, ses dents s'entrechoquent... Il se retourne doucement vers Délia tandis que Max tente de se remettre sur pieds complètement secoué par les coups violents qu'il s'est reçu.

Marius tend son bras vers Délia, son sang coulant dans son dos, jaillissant de sa bouche pour tâcher son cou et son torse.

— Jess... ? souffle-t-il comme s'il ne comprenait pas ce qu'il se passe.

Je me laisse tomber à genoux, exactement au même moment que Marius. Nous heurtons le sol en même temps et mon cœur se serre dans ma poitrine, à tel point que je peine à respirer.

— Je suis désolée, Marius... souffle Délia les larmes ruisselantes sur ses joues.

Max attrape son frère par les aisselles avant qu'il ne s'écroule complètement. Son visage est gonflé, couvert de son sang mais il réunit toute sa force pour le traîner sur le sol.

— Non... pitié, Max ! hurlé-je. Tu as gagné ! Arrête !

Il le traîne encore, laissant le sang de son frère tâcher l'herbe verte sur laquelle nous nous trouvons, sous cette lune immense qui nous torture. Cette lune impitoyable qui semble avoir fait son choix.

Marius ne répond plus de rien, la dague toujours plantée dans le dos. On dirait même que sa transformation s'est totalement arrêtée. Max réussi à le traîner jusqu'au bord du précipice. Je ne peux plus rien faire, je le vois simplement jeter son frère du haut du précipice et je peux entendre le choc de son corps heurter le fleuve brutal qui l'attendait à bras ouverts plusieurs mètres plus bas. Il se laisse ensuite tomber à genoux juste au bord, silencieux, les bras ballants, fixant un point.

— L'Alpha est mort... marmonne-t-il à bout de force. Mon frère est mort...

Je baisse la tête et seuls mes sanglots résonnent dans ce silence perturbant. Je serre l'herbe entre mes doigts et ne peut m'arrêter de pleurer. Je grince des dents et quand je relève la tête, je pousse un hurlement de colère qui se mêle très rapidement aux grognements de mon loup. Mes bras se raidissent, mes doigts se déboîtent, comme chaque membre de mon corps par la suite.

Quand je relève la tête, je vois rouge, j'ai mal aux gencives, j'ai mal au corps, à l'âme. Je vois les Chasseurs, mes parents, tous braquent leurs armes sur moi mais je vois aussi Max se poster devant eux les bras écartés.

— Laissez-la ! crie-t-il. Partez ! Nous allons nous transformer !

Les Chasseurs le regardent, puis me regardent. Je ne sais pas à quoi je ressemble, ce que je sais, c'est que mes bras n'ont plus rien d'humain, comme tout mon corps d'ailleurs et que mes cris, rapidement, sont remplacés par les grognements bestiaux de la bête enragée qui vient de s'échapper de mon corps.

— Vous avez eu ce que vous voulez, j'ai rempli ma part du marché. Alors PARTEZ ! hurle Max.

Ils semblent hésiter un instant mais c'est ma mère qui, par je ne sais quel moyen, parvient à les convaincre. Ils partent tous, en courant, quand ils voient Max subir le même sort que moi.

Je vois rouge, je vois ma colère, je suis triste, meurtrie et je me poste au bord du précipice. J'entends mon coeur qui bat fort. Je vais perdre connaissance, je le sais, je le sens. J'ai envie de les traquer, tous ces chasseurs. J'ai envie de les tuer... tous ces chasseurs...

Le hurlement de mon loup résonne dans toute la forêt de Hellbound et mon regard s'attarde sur la lune.

La dernière image que je verrai cette nuit avant de plonger dans les ténèbres.
Moi, comparé à certains, j'aurai la privilège de voir le soleil se lever.

J'en voudrai à la lune, pour toujours.

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