32 - Du sang et de l'Argent 🌘
Marius relève la tête vers moi. Des mèches de ses cheveux sont collées à son visage enduit de sueur, il porte un sweat à capuche rabattue sur sa tête. Il fait glisser sa main qui était appuyée contre la vitre et laisse apparaître une trace de sang.
J'ouvre ma porte fenêtre, il entre aussitôt sans y avoir été invité et se laisse glisser contre le mur, la main maintenant ses côtes. Il semble mal en point. J'allume la lumière et m'accroupis devant lui.
— Marius ? Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
Il relève sa tête vers moi et la colle contre le mur. Il respire par la bouche, parce que son nez lui, il est cassé, gonflé et il saigne. Sa lèvre supérieure est éclatée et sur sa joue, quand je lui retire sa capuche, trois griffes distinctes ont entaillé sa peau.
— Aide-moi... souffle-t-il les dents serrées.
Il se redresse légèrement en grimaçant et retire la main de sa blessure. J'y baisse les yeux pour regarder. Son sweat est imbibé de sang, ses mains aussi et il coule sur mon plancher.
— Mon dieu...
— Il faut que tu m'aides Monroe, dit-il en s'accrochant à mon bras. Si tu retires pas la balle que j'ai sous les côtes, je vais mourir.
Une balle ? Je suis perdue et ses yeux bleus à lui, sont terriblement cernés. Il n'est plus aussi beau que dans mes souvenirs mais je suppose que c'est dû à cette blessure et son teint blafard.
— Je vais t'emmener à l'hôpital.
— Non !
Je m'arrête alors que j'étais prête à me lever et le regarde.
— C'est une balle en argent, elles sont conçues rien que pour nous tuer. Je peux pas aller à l'hôpital, je peux pas me faire voir. Si elle reste dans mon corps elle va me tuer. Retire la.
Je le fixe un moment, déconcertée. Pourquoi il est là ? Comment il sait que j'habite ici ? Que lui est-il arrivé ? Depuis tout ce temps il n'était pas loin de moi mais ne se montrait pas ? Quel enfoiré...
— OK... mais faisons ça proprement, balbutié-je.
Je me dirige vers ma table de cuisine et je pousse toutes les babioles qui s'y trouvent. Marius s'est relevé en s'aidant du mur et laissant des traces de son ADN un petit peu partout. Il titube jusqu'à moi et s'appuie contre la table. Je le vois qui rétracte ses doigts, les veines de ses mains sont gonflées, tout comme les tendons de son cou taché de sang. Le loup souffre plus que l'être humain, c'est certain.
Je pose ma main sur son épaule alors il se tourne vers moi.
— Ça va aller... soufflé-je.
J'attrape le bas de son sweat et le lui retire. Quand il doit lever les bras, il pousse un grognement que mes voisins ont dû entendre. Ensuite, il grimpe sur la table et s'y allonge. Je fixe un moment sa plaie ouverte qui ne cesse de saigner. Un trou fait par une balle. Tout le contour est calciné comme si sa peau avait brûlé au contact de cette balle.
Je cours chercher ce dont j'ai besoin : des serviettes, des compresses, une pince à épilée, un couteau fin, une pince, une lampe torche, de l'alcool, du fil et une aiguille...
— C'est tout ce que j'ai.
— Ça fera l'affaire.
Je lui donne la lampe torche qu'il pose sur le côté. Il s'empresse de retirer sa ceinture en cuir. Je le regarde faire, les sourcils haussés, finalement, il la plie et la cale entre ses dents. Il éclaire son ventre et fixe le plafond.
— Le seul moyen que tu auras pour savoir où elle se trouve, c'est de faire confiance à ton instinct, dit-il en peinant à respirer, la ceinture entre les lèvres.
J'ai le couteau dans une main, la bouteille d'alcool dans l'autre. Je tremble de tous mes membres, je vois son ventre qui se soulève à chaque respiration et je me dis qu'on est loin d'une grenouille à disséquer pendant les cours de SVT...
J'inspire profondément et verse de l'alcool sur la plaie. Marius frappe sa main libre sur la table et serre les dents. Je lui jette un regard mais me concentre à nouveau sur mon objectif : lui sauver la vie.
Je pose la bouteille, inspire profondément et ferme les yeux un instant. Je suis censée savoir où se trouve la balle exactement... sous les côtes, je ne sais même pas comment y accéder.
Mon instinct...
Mon odorat...
Je sais où elle est, je sens l'argent, je sens la poudre localisée à un même endroit.
Je ne le préviens pas et incise sa peau comme je le peux. Il serre les dents, se crispe et grogne sans s'arrêter jusqu'à ce que j'ai terminé mon incision. Il transpire à grosses gouttes, son corps est raide comme un piquet.
— Je... je vois rien, il faut que...
— Fais-le, grommelle-t-il.
J'ai envie de vomir rien que de penser à devoir écarter ses fichues côtes. On se croirait dans un film d'horreur, il saigne et les compresses deviennent rouges sang. Je n'ai que les serviettes pour éponger tout ça...
Quand j'écarte ses côtes, il hurle mais la ceinture camoufle les sons, ou presque. Je sais pertinemment qu'un être humain ordinaire n'aurait pas survécu à une telle blessure par balle et encore moins à cette opération improvisée dans un salon. Mais toutes ces facultés hors normes dont nous bénéficions grâce au loup nous permettent de guérir plus vite, de supporter plus de choses. Le simple fait de se transformer demande à notre corps de se démembrer dans sa totalité et à chaque fois, nous survivons. C'est certes une malédiction mais à la fois une bénédiction.
Je vois enfin la balle, de ma main tremblante, je tente d'aller l'attraper. Tous les tissus autour sont nécrosés, comme si elle le brûlait de l'intérieur. Si proche de ses poumons, de son cœur... il ne cesse de grogner, torturé comme il est et je le comprends.
Quand je l'attrape, je l'extirpe enfin et la pose dans un bol que j'avais ramené.
Je m'empresse d'essuyer le sang et de recoudre sa plaie. Je m'y prends comme un pied, je le sais. J'ai envie de pleurer chaque fois que je passe l'aiguille dans sa peau. Chaque fois que je l'entends gémir de douleur.
Quand c'est terminé, sa peau est boursouflée, sa cicatrice ne sera pas droite et grossière, au final, elle se mêlera aux anciennes et aux suivantes. Lui comme son frère, sont marqués par des tas de cicatrices en tout genre et aucun des deux n'en parle.
Je le laisse se redresser tout seul, appuyé contre la table, il passe une main dans ses cheveux poisseux pour les plaquer en arrière. Il est blanc comme un mort, ses lèvres sont sèches... Je me poste devant lui et commence à nettoyer le sang sur son visage. Au début, il me repousse mais c'est moi qui décide, j'attrape son poignet et le fusille du regard.
— Laisse-toi faire, estime toi heureux que j'accepte de t'aider, pesté-je.
Alors il se relâche doucement et je peux nettoyer son visage marqué de coups. J'en ai mal rien que d'y penser. Il fixe un point, sûrement mon décolleté ou peut-être autre chose, ce qui est sûr, c'est qu'il ne me regarde pas dans les yeux.
— Tu vas me dire ce qu'il t'es arrivé ?
— Je suis traqué, comme la proie de prédateurs plus forts que moi. Tu sais, quand un loup se retrouve exclu d'une meute ou seul parce qu'il s'est perdu, il survit rarement.
— Moi je survis, remarqué-je.
— Toi, tu ne t'es jamais fait remarquée. Enfin... disons que tu laisses tes victimes au beau milieu d'une forêt là où tu les as trouvé et jusqu'à présent, personne n'est remonté jusqu'à toi, jusqu'au jour où...
— Ce jour ne viendra jamais, l'interromps-je.
Je rebaisse mon bras et l'observe un instant. Il lève enfin ses yeux vers moi. Ses beaux yeux bleus, perçants et énigmatiques.
— Je l'espère pour toi.
— Tu me suis, Marius ?
Ses épaules s'affaissent et il me prend la compresse des mains, la retourne et essuie ma joue.
— T'avais du sang, juste là.
Je tourne la tête, pour lui faire comprendre que je ne veux pas qu'il me touche.
— T'es parti, sans rien me dire. Tu m'as humiliée.
— Écoute, je suis pas le genre de type à aimer les histoires d'amour romantiques et encore moins le genre à dormir dans le même lit qu'une femme. Je veux pas vivre ça.
— Pourquoi ?
— Parce que ça ne m'attire pas.
— Moi non plus.
Je croise les bras et le regarde, un sourcil arqué. Je trouve seulement cela humiliant qu'il ait décidé de partir, après m'avoir baisé, sans même me laisser un mot.
—Tant mieux alors, souffle-t-il.
— Ouais.
Je m'éloigne de lui et passe une mèche de cheveux derrière mon oreille.
— Est-ce que c'est Max ?
Il me fixe, comme un loup, il est presque terrifiant. Torse nu, blessé, marqué, sur le point de s'effondrer. Il le fera pas, il garde tout pour lui et ne me montrera pas qu'il a besoin de repos, de se poser, de souffler.
— On a toujours eu une relation compliquée mon frère et moi.
— Pourquoi il te traque ?
— Il cherche une trêve avec les Chasseurs, je suppose qu'ils ont fait un marché.
— Il t'as vendu ? m'offusqué-je.
— J'en sais trop rien, un loup m'a attaqué puis les Chasseurs sont arrivés et ils m'ont tiré dessus plutôt que sur ce putain de loup... justement.
— Un loup ? Sans pleine lune ?
— Certains sont forts, Monroe, et savent le contrôler.
Je prends une grande inspiration, je pense qu'il est temps que j'aille dormir et que Marius se repose.
— Bien, tu peux dormir ici.
Il regarde autour de lui.
— T'as pas de chambre ?
— C'est une studio, mon canapé c'est aussi mon lit, donc mon salon, c'est aussi ma chambre.
— Je vois...
— Donc, je t'invite à prendre une douche et à venir te coucher, t'as besoin de te reposer. Demain, t'as intérêt à me dire clairement ce qu'il se passe et pourquoi tu savais où j'habite. La salle de bain est sur ta gauche.
Il me fait un signe de tête en guise de remerciement et un haussement de sourcils histoire de me montrer que ce planning ne lui plait pas tant que ça mais ça m'est égal. Il s'enferme dans la salle de bain et moi, je m'empresse de frotter mes mains sous l'eau afin d'enlever tout ce sang qui tâche ma peau.
J'ai besoin de réponse et Marius ne s'en tirera pas comme ça.
Il est temps de comprendre ce qui est en train de se passer et ce qu'est réellement cette guerre dont Sam m'a parlé.
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