29 - La louve blanche 🌕

Je me suis assoupie dans la voiture et durant ce court instant de sommeil, je n'ai pas rêvé. J'ai vu à travers les yeux de Max, cela m'a renvoyée des années en arrière, lorsque notre lien était si fort qu'il m'obsédait.

J'ai vu à travers ses yeux, mais je ne parviens pas à savoir si cela est passé ou si c'est le présent. Je l'ai vu rentrer dans sa grande maison à Hellbound, là où il devait rejoindre sa meute et malheureusement pour lui, il n'a retrouvé que les cadavres de ses fidèles, tous allongés à terre, le coeur arraché de leur poitrine. Je crois avoir ressenti ce que Max a ressenti : un déchirement intense, peut-être même que mes larmes ont coulées.

Je me réveille en sursaut, j'inspire profondément et me redresse. Marius, au volant, pose sa main sur ma cuisse et m'interroge du regard.

— Monroe, tout va bien ?

J'essuie la larme qui roule sur ma joue et lui jette un regard.

— Ils sont tous morts...

Il fronce les sourcils. Max est en vie, c'est certain, puisque Marius l'est aussi. Mais toute sa meute a été réduit à néant, tous ses efforts, son rêve depuis tout jeune, tout a volé en éclat.

— Je ne sais pas depuis quand, je... Marius, nous devons rester prudents.

Il hoche la tête et se concentre sur la route. Nous passons le panneau Hellbound à peine dix minutes plus tard. J'observe le paysage défiler sous mes yeux, ces bâtiments tristes, cette forêt en arrière et sa grande colline. Hellbound a été la source de tout mon bonheur et mon malheur également. Moi qui rêvais de devenir musicienne, tous mes rêves ne sont plus que souvenirs, lointains et non atteignables, je le crains. Je crois même que mon appartement me manque, ce petit appartement miteux dans lequel je ne faisais que me repasser en boucle la trilogie du Seigneur des Anneaux avec Sam en mangeant de la pizza et buvant de la bière. La belle époque.

Dorénavant, je suis mère, plus mature, j'ai grandi et je me dois de protéger mon enfant. Cette guerre doit prendre fin.

— La pleine lune est demain, me souffle Marius.

Je hoche la tête.

— Je le sens oui, mais cette guerre prendra fin avant la prochaine pleine lune.

Marius se gare dans l'allée, non loin de la maison de Max. Il tire le frein à main et se tourne vers moi. Il prend ma main dans la sienne et me dévore des yeux. Je pense faire la même chose, mais quelque chose me ronge. Je ressens la détresse de Max et cela me brise le coeur.

— Ne te mets pas en danger inutilement, Monroe.

— Fais moi confiance, pour une fois.

— Je te fais confiance. Mais à l'approche de la pleine lune, on a tendance à se penser invincible. Nous sommes mortels, ne l'oublie pas.

Je hoche la tête, me penche vers lui et lui adresse un sourire tout en caressant sa joue. Je presse mes lèvres contre les siennes. Je veux que ce baiser dure un certain temps, afin d'apprécier ce contact, ses lèvres douces et humides. Puis je plonge mes yeux dans les siens, de mon pouce, je continue de caresser sa joue.

— J'ai hâte que tu me dises que tu m'aimes.

— Monroe...

Je pose mon doigt sur ses lèvres.

— Sssh, ce n'est pas urgent.

Je l'embrasse à nouveau et nous sortons de la voiture. Nous avançons dans l'allée, à l'affût, l'oreille tendue mais aucun son ne retentit. La forêt nous entoure et on dirait qu'elle absorbe absolument tous les sons. Il commence à faire nuit, le soleil se couche lentement, le ciel est orangé, comme la plupart des feuilles, l'automne est bientôt là.

Nous poussons la porte d'entrée entrouverte et passons le seuil de la maison. Nos pas sont silencieux, discrets, contrôlés. Nous suivons le couloir et arrivons sur le salon, un grand salon  arborant tout une rangée de baies- vitrées brisées par notre dernière altercation avec les Chasseurs. Des corps gisent sur le sol, les mêmes que j'ai vu dans mon rêve. Lorsque je relève les yeux de ces cadavres mutilés, nous découvrons Max, assis sur le canapé juste en face. Lui aussi relève la tête vers nous, un homme aux yeux rouges se tient derrière lui, un pistolet braqué sur sa tempe. Combien de temps est-il resté prisonnier ?

— N'avancez pas... souffle-t-il.

Mais nous avons déjà fait un pas en avant, quelqu'un entoure son bras autour de mon cou et fait de même autour de celui de Marius. Une griffe aiguisée vient menacer la fine peau de ma gorge, je reste immobile, Marius également. Nous savons que ce n'est pas l'oeuvre des Chasseurs mais bien celle de Gabriel.

En parlant du loup... celui-ci fait irruption dans la maison par l'une des baies-vitrées cassées, il enjambe les débris et se poste derrière Max qui reste assis. Il pose ses mains sur ses épaules qu'il presse et nous regarde successivement Marius et moi.

— Vous voilà enfin, je commençais à croire que cette réunion n'aurait jamais lieu...

— Vous les avez tous tué ! m'exclamé-je.

Gabriel hausse les sourcils. Son regard bleu se porte sur moi, ce même regard vicieux qui hante mon esprit encore à ce jour. Lorsque je le regarde, je vis encore et encore ces viols successifs, cette chute de plusieurs mètres, ces multiples fractures, physiques et émotionnelles...

— Ma petite louve... reste donc docile, souffle-t-il.

Il lâche finalement les épaules de Max, fait le tour du canapé en veillant à ne pas écraser ses victimes puis s'arrête devant moi. Son Alpha continue de me menacer avec ses griffes acérées. Je lève le menton, les lèvres retroussées, je lui adresse mon regard le plus noir.

— Je suis ravi de te revoir, Monroe, me dit-il.

Il passe sa main sur ma joue, je tourne la tête, je ne souhaite pas sentir son contact. Il s'avance par la suite vers Marius, qui demeure muet et immobile. Ils se font face, ils se ressemblent tellement...

— Mon fils... j'ai toujours cru que te retrouver ferait de moi un homme heureux. Mais tu m'as énormément déçu. J'avais foi en toi, tous mes espoirs reposaient sur toi... les Alphas sont puissants et toi... je ne comprends pas ce don, tu ne le mérites pas.

Je vois les mâchoires de Marius se serrer et se desserrer. Je conçois que cela le blesse, il a tant vécu de haine lorsqu'il était jeune, ces paroles doivent résonner en lui comme un douloureux écho.

— Et je ne comprends pas... vous faites dorénavant amis amis avec les Chasseurs ? Je me sens trahi... reprend Gabriel.

— Tu as violé Monroe, peste Marius.

Gabriel hausse les sourcils.

— Non, ta chère et tendre est une véritable catin. Elle écarte les jambes si facilement qu'on ne peut pas appeler cela un viol, voyons.

Marius grogne et tente de se défaire de l'emprise du loup derrière lui cependant Gabriel lève son doigt à hauteur de son visage et lui fait clairement comprendre qu'il vaut mieux qu'il reste docile.

— Je te déconseille de te débattre ou ton coeur reposera à tes pieds, fils.

— Je vais t'arracher les tripes avec mes dents, vocifère Marius.

Gabriel rigole et laisse apparaître une longue griffe au bout de son doigt. Il la pose sur la tempe de Marius et doucement, laisse glisser son doigt sur sa joue. Lentement, il coupe sa peau, du sang coule de sa plaie, Marius serre les dents mais ne baisse pas le regard, toujours plongé dans celui de son père.

— Tu retournes ta veste si facilement... tu es lamentable, comme ta mère, comme ton faux père ou ton demi-frère. Vous me faites tous atrocement pitié. C'est cela, la race supérieure ? Nous sommes des loups-garous, pas des Hommes ! Et toi, Marius, tu agis comme un Homme, tu agis avec ton coeur et tu ne laisses plus ton esprit te guider ! Où est donc cette bête folle de rage qui sommeille en toi ?!

— Elle est là, tapis dans l'ombre, grogne Marius.

— Si seulement... soupire Gabriel.

Je détourne les yeux pour les poser sur Max qui reste immobile, menacé par une arme à feu.  Il croise alors mon regard et je crois comprendre qu'il n'est pas seul. Sa trêve a peut-être finalement eu lieu comme il le désirait.

— Je vais éliminer chaque meute qui se mettra en travers de mon chemin, et seuls les Alphas auront leur place chez moi. Par la suite, les Hommes auront connaissance de notre existence et évidemment, chaque Homme s'opposant à notre gène de loup se verra contraint de perdre la vie. Je ne souhaite plus rester tapis dans l'ombre comme ces minables vampires. Nous serons enfin les êtres suprêmes.

Je vois que Max commence à respirer de plus en plus fort, j'ai l'impression qu'il entend quelque chose que je n'entends pas. Peut-être car je reste concentrée sur les dires abominables et irrationnels de Gabriel. J'entends également le coeur de Max s'accélérer de seconde en seconde. Je repose mes yeux sur lui, il me regarde, les lèvres pincées. Je sens que je commence, moi aussi, à respirer de plus en plus fort.

— Monroe, Marius, baissez-vous ! hurle Max en se jetant au pied du canapé.

Un coup de feu retentit, je me baisse à mon tour, la griffe du loup glisse sur ma peau et la coupe aussitôt. Je pose ma main sur ma blessure, à quatre pattes. Rapidement, des flèches fusent dans les airs et se plantent dans le mobilier et le corps de Gabriel ainsi que ses trois sbires. Marius est sur le sol lui aussi, une flèche enfoncée sous son genou.

— Tuez les Chasseurs ! ordonne Gabriel.

Il s'est recroquevillé dans un coin, trois flèches dans l'abdomen. Je suppose que d'autres de ses loups se trouvaient dehors, car je commence à attendre un combat sanglant à l'extérieur. Je me précipite jusqu'à Marius. Il garde sa jambe tendue, la tête collée contre le mur, les dents serrées.

— Bordel, c'est de l'argent, grogne-t-il.

— Regarde-moi, mon amour.

Il relève les yeux vers moi, quelques gouttes de sueur perlent sur son front et je ressens sa colère. C'est indéniable, il souhaite autant se venger que moi. Je presse mes lèvres contre les siennes et tire sur la flèche logée sous son genou en même temps. Marius jette sa tête en arrière et pousse un grognement, celui-ci n'a rien d'humain. Ses yeux ont viré au rouge à cause de la douleur.

Je sens qu'on saisie une poignée de mes cheveux. On me tire en arrière, sur le sol et lorsqu'on me lâche, Gabriel se poste au dessus de moi. Il s'agenouille, les jambes de part et d'autres de mon corps et appuie ses deux mains contre ma gorge pour m'étouffer. Du sang coule de sa bouche et les trois flèches restent logées dans son abdomen.

J'appuie mes mains sur son visage pour le repousser et le griffe.

— Où est mon enfant ?! grogne-t-il.

— Ce n'est pas ton enfant, intervient Marius.

Gabriel relève la tête, son fils abat son pied contre son visage, ce qui lui fait lâcher sa prise. Je tousse, le temps de reprendre mon souffle et me retourne sur le ventre. Heureusement pour moi, la plaie de mon cou a déjà cicatrisé et bientôt, son étranglement ne sera qu'un mauvais souvenir.

Lorsque je relève la tête, à plat ventre, je constate que Max est affalé sur le sol, baignant dans une mare de sang.

— Non... balbutié-je, non... non...

Je rampe jusqu'à lui et le tire vers moi. Je remarque qu'une balle s'est logée dans son crâne. Au moment où les Chasseurs sont intervenus, le loup de Gabriel a dû appuyer sur la détente après avoir été touché par l'une de leur flèche d'argent. Max respire encore, mais ses yeux restent figés, comme s'il était totalement paralysé.

— Bats-toi, Max ! soufflé-je.

Je m'assois et le tire pour que sa tête repose contre moi. À l'extérieur, la meute de Gabriel s'en prend aux Chasseurs mais ceux-ci sont également armés d'armes à feu. Les coups de feu retentissent à répétition, je remarque certains loups qui s'affalent sur le sol et d'autres se jeter sur les Chasseurs pour les dévorer vivants. Les cris et les tirs engendrent un vacarme destructeur.

— J'ai... j'ai... commence Max d'une faible voix. J'ai pas réussi... à... à... les protéger.

— Bien-sûr que si ! Tu as tout fait pour, ce n'est pas de ta faute ! Max, tout est pardonné et rien n'est de ta faute alors je t'en supplie, bats-toi ! Bats-toi pour moi, pour ton frère...

Marius est en train de se battre contre Gabriel. Ce dernier est affaibli à cause des flèches mais semblent tout de même suffisamment puissant pour déstabiliser Marius. Il se jette sur lui, le saisit à la taille et le plaque contre le mur, si fort, qu'ils le traversent tous les deux. Je ferme les yeux, afin de voir à travers de ceux de Marius.

Ce dernier roule sur le sol, il s'accroche à la table de la cuisine et se relève tant bien que mal. Il se saisit d'une casserole vide et, en se retournant, l'abat contre le visage de Gabriel. Ce dernier manque de s'affaler sur le sol mais se retient au plan de travail. Il grogne, glisse ses mains sur celui-ci pour saisir un couteau. Marius titube vers la porte de la cuisine mais lorsqu'il entend son père se précipiter vers lui, il attrape une chaise de bois et le frappe avec. Celle-ci se brise sous la force de l'impact et Gabriel reste un instant avachi sur le sol, dans les débris, souffrant de ses blessures.  Alors que Marius sort de la cuisine pour rejoindre le salon où nous nous trouvons, il s'arrête brutalement.

Il pose sa main sur sa poitrine et je ressens ce qu'il ressent. Malheureusement, je ne connais que trop bien cette sensation. Celle du Lien Lunaire. Son coeur ralentit lentement, son souffle lui manque, ses membres s'engourdissent, ses oreilles sifflent. Le Lien Lunaire se brise.

Je rouvre les yeux et les pose sur Max. Il ne respire plus, je n'entends plus son coeur battre. Je le pose sur le sol, m'agenouille près de lui et commence à lui prodiguer un massage cardiaque.

— Allez, tiens bon ! Je t'en supplie !

Dehors, rien ne va, les Chasseurs sont décimés. La pelouse verte s'imprègne d'un sang pourpre et épais, annonciateur d'une potentielle défaite.

— Max ! Max ! Pitié... crié-je.

Mes larmes roulent sur mes joues, car je ne peux concevoir de les perdre tous les deux. Alors j'appuie sur sa cage thoracique, aussi vite et fort que je le peux, sans m'arrêter mais rien ne semble fonctionner et lorsque je ferme les yeux, je ressens ce que Marius ressent, cela me déchire de l'intérieur.

Il se tient au mur et lorsqu'il tente de faire un pas en avant, il s'écroule sur le sol, incapable de marcher, de tenir sur ses jambes, son coeur commence, lentement, à s'arrêter lui aussi. Car un loup maudit par le Lien Lunaire entraîne dans sa chute son âme soeur.

Je relève la tête lorsque Louis s'agenouille avec moi, près de Max. Le pauvre est complètement défiguré mais je suis stupéfaite, car c'est la première fois qu'un loup et un Chasseur s'unissent. Il prend le relais et poursuit le massage cardiaque, sans me dire un mot.  Je pose ma main sur le front de Max, je ne sais plus quoi faire, ni où donner de la tête et quand je ferme de nouveau les yeux, ce que je vois réveille en moi une fureur intense.

Gabriel plante le couteau qu'il a ramassé dans le dos de son fils. Marius était agenouillé contre le mur. Il se cambre en arrière lorsque son père le poignarde. Gabriel approche sa bouche de son oreille, les dents serrées, malade à cause de l'argent qui reste planté dans son corps.

— Tu n'es et n'as jamais été un Alpha ni même un père, mon misérable fils.

Je rouvre les yeux et pousse un grognement de colère. Louis me jette un regard inquiet. Je vois à travers les yeux du loup, je serais capable de me jeter sur n'importe qui, lui y comprit.

— Maintiens le en vie, lui grogné-je.

Ma voix est à peine humaine mais Louis hoche simplement la tête. Je me relève alors et me rends dans le couloir où se trouve Gabriel. Ce dernier se relève tout juste et lâche le couteau couvert de sang. Marius est toujours agenouillé contre le mur, les poings serrés et tremblants, il lutte autant que j'ai lutté contre le Lien Lunaire et sa terrible blessure.

— À nous deux, Monroe, s'amuse Gabriel.

Pourtant, il est mal en point. Je ne réfléchis pas, je ne me suis jamais battue, j'ai toujours été spectatrice du funeste de destin des gens qui m'entourent. Je me dois, à présent, de protéger mes proches et de prendre part à cette guerre. Je pensais qu'elle était menée par des Chasseurs et que les Loups-Garous se défendaient cependant, ce n'est pas cette guerre là. C'est celle des Loups-Garous, celle d'un territoire, d'un pouvoir, d'une lune maudite.

Je me jette sur Gabriel et le cogne contre le mur derrière lui. Ce dernier frappe mes côtes pour que je le lâche, ce que je fais et lorsqu'il saisit une poignée de mes cheveux pour tirer ma tête en arrière, je croise son regard rouge vif. Je ne lui laisse le temps de rien dire, je griffe à nouveau son visage, le voilà dorénavant couvert de son propre sang, à moitié défiguré et pour couronner le tout, j'enfonce mon doigt dans son oeil.

Il pousse un hurlement de douleur et me donne un coup de pied dans le genou. Lorsque je me redresse, prête à en finir, il retire ses mains de sa plaie. Son oeil est boursoufflé, le sang coule à flot, il est crevé. Gabriel ne ressemble plus au bel homme qu'il prétendait être, je suis face à un monstre et cela le reflète davantage.

Il saisit ma gorge de sa main ensanglantée, alors je m'agrippe à son bras, car plus il le lève, plus je me retrouve sur la pointe des pieds. Il penche la tête sur le côté, tout en me dévisageant de son oeil encore ouvert.

— J'aurais dû te tuer quand j'en avais l'occasion, j'aurais dû te jeter comme j'ai jeté ta misérable mère.

Je serre les dents, grogne et frappe son bras pour qu'il me lâche, cependant, il n'en est rien. Je laisse alors pendre les bras le long de mon corps, sur la pointe des pieds, je le toise. Je vois à travers les yeux de mon loup, à moitié transformée, je suis en symbiose totale avec lui, avec la lune qui est déjà haute dans le ciel.

Je pensais ne jamais pouvoir accepter cette malédiction, ne jamais trouver la paix ou l'amour. Je sais dorénavant que je peux obtenir les deux, et d'autant plus lorsque j'entends le coeur de Max battre de nouveau, ce qui assure à Marius, la vie sauve.

J'ai un choix à faire, cesser de me battre et laisser Gabriel sain et sauf, peut-être aurais-je ainsi la chance de revoir ma fille, de vivre dans ce chalet paisible au beau milieu de la forêt. De vivre ce que nous appelions, le début du reste de notre vie, avec Marius...

Ou alors, me battre et laisser une chance à ma fille de grandir dans un monde en paix, sans guerre, avec une trêve qui ne sera jamais rompue. Elle a le droit de connaître la paix, elle a le droit de connaître l'amour, la vie, de jouer de la musique si elle le souhaite ou bien de faire du sport, de visiter le monde entier, vivre chaque passion avec la même intensité. Elle a le droit à sa vie, dans un monde dénué d'animosité, en symbiose avec son loup.

— J'ai fait mon choix, vociféré-je entre mes dents.

Gabriel plisse les paupières et je lis dans son regard, que lui aussi. Alors, d'un geste brutal, je frappe son avant bras, assez fort pour qu'il me lâche. De nouveau à plat, sur mes deux pieds, je croise son regard, une dernière fois, je l'espère.

Il est temps, mon loup, de montrer ta puissance. Je prends de l'élan, serre les dents et brusquement, comme je l'ai vu dans les souvenirs de Marius, j'enfonce ma main dans la poitrine de Gabriel. Il ouvre de grands yeux et moi aussi, car mon souffle se coupe à cet instant même, en même temps que lui. Je tiens, entre mes doigts griffus, son coeur encore tout chaud et je suis chatouillée par ses faibles battements irréguliers.

— NON ! entends-je de la bouche de Marius.

Je baisse lentement la tête, le bras tendu dans l'abdomen de mon ennemi et je constate alors, sans surprise, que lui aussi, a enfoncé sa main dans ma poitrine.

— Monroe, non ! hurle Marius.

Mon choix est fait.
Ma fille vivra en paix.

Je plonge mes yeux dans ceux de Gabriel et lui arrache le coeur. Je sens sa main se resserrer autour du mien et ses griffes le strier de blessures lorsqu'il s'affale, les deux genoux au sol, devant moi. Je tiens encore son coeur dans ma main, mais il ne bat déjà plus. Je le serre entre mes doigts pour le réduire à néant, au moment même où Gabriel s'affale face contre terre, mort.

Je fixe un point devant moi, je n'entend plus mon organe vital batte dans ma poitrine. Je pose mes genoux à terre à mon tour, lâche l'organe du monstre que j'ai tué et me laisse tomber sur le sol.

Marius s'empresse de me prendre dans ses bras, malgré ses blessures, Max est en vie et il survivra lui aussi. Je lève mes yeux vers lui, mon coeur est blessé et je ne pense pas cicatriser. Les larmes ruissellent sur ses joues, comme elles ont tant coulé sur les miennes.

— Monroe... je t'en prie... pourquoi t'as fait ça... pourquoi...

Pour toi. Pour elle. Pour nous. 

— Prends... prends soin de notre fille... soufflé-je.

Marius ne peut retenir ses sanglots, je pense même ne l'avoir jamais vu dans un tel état. Il me serre contre lui, je ressens, pour la dernière fois, la chaleur de son corps contre le mien, c'est tout ce dont j'ai besoin : être dans les bras de mon âme sœur, la vraie. Je ne vois plus rouge soudainement, tout s'estompe comme si le soleil se levait tout juste et une énergie quitte mon corps aussitôt. Je laisse mes muscles se détendre un à un et en dernier, ma tête se tourne lentement quand un dernier souffle passe le seuil de mes lèvres.

Je sais que je n'oublierai jamais ma dernière vision : une magnifique louve blanche me regarde un instant, comme entouré d'une aura puissante et bienveillante, avant de partir en direction de la forêt, là où est sa place. Lorsqu'elle disparait de mon champ de vision, m'annonçant que le gêne du loup-garou m'a quitté, je suis engloutie par les Ténèbres et un seul son parvient jusqu'à mes oreilles. Le dernier.

— Je t'aime, Monroe.

L'épilogue arrive bientôt !

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