27 - La chasse de Marius 🌒

Marius m'a dit de m'habiller comme une femme et non comme une fille. Sur le coup, je dois avouer que je n'ai pas su comment le prendre. Il est vrai que je ne fais pas de grands efforts vestimentaires. Un jean, des Doc Martens et un t-shirt sont amplement suffisant. Cette fois, il veut que je ressemble à une femme. Alors, malgré moi et en mettant ma fierté de côté, je frappe nonchalamment à la porte de Rebecca.

Cette dernière l'ouvre, une cigarette au coin de la bouche, vêtue d'une nuisette très légère, j'aperçois même ses tétons au travers. Elle cale son attrape cancer entre son index et son majeur et me regarde de la tête aux pieds.

— Monroe... grommelle-t-elle. Qu'est-ce que tu veux ?

— Et si on mettait nos différends de côté ?

J'exprime un sourire peu sincère. Je ne l'apprécie pas et elle ne m'apprécie pas. Tout comme je n'apprécie pas Marie.

— Qu'est-ce que tu veux ? Répète-t-elle.

— Marius m'emmène chasser ce soir... il me demande de m'habiller comme une femme mais... je ne sais pas trop ce que ça veut dire et toi... toi tu sais être sexy, élégante...

J'en vomirais tellement lui faire des compliments m'horripile ! Elle lève les yeux au ciel, attrape mon bras et me tire dans sa chambre. Elle referme la porte derrière nous et pose sa cigarette dans un cendrier. Ensuite elle ouvre son armoire et sort quelques robes. Une rouge, une pailletée, une autre noire... elle les pose toutes sur son lit.

— Essaye-les.

Je lui jette un coup d'œil, avant de me décider à quitter la serviette de bain qui me couvrait jusqu'alors. J'enfile la robe qui m'attirait le plus, soit la noire. Je me tourne vers le miroir sur pieds et passe mes mains dessus. Elle est moulante, courte et compresse ma poitrine. Rebecca se poste derrière moi et attrape mes cheveux pour les relever.

— Te voilà bien plus séduisante, une petite touche de maquillage, les cheveux relevés et tu en feras craquer plus d'un.

— Je ne suis pas fan de maquillage...

Rebecca grogne puis me fait asseoir face à sa coiffeuse. Elle commence à sortir son maquillage tout en tirant sur sa cigarette et me peinture la figure. Je trouve çà puérile et je pense déjà savoir ce qui m'attend avec Marius ce soir.

Je n'ai pas pour habitude de me maquiller mais je dois avouer que lorsqu'elle termine, je fais face à une autre moi. Elle a entouré mes yeux de fard à paupières sombre, on dirait qu'ils sont beaucoup plus clairs grâce à ça et teinté mes lèvres de rouge. Elle a rosie mes joues pâlottes et attaché mes cheveux dans un chignon. Elle se penche à ma hauteur pour me regarder dans le miroir.

— Finalement, tu n'es pas si laide que ça, constate-t-elle.

Ce doit être un compliment venant d'elle.

— Où as-tu appris à maquiller comme ça ? Demandé-je.

— C'est Lola qui m'a appris, quand elle parlait encore.

Lola est cette femme d'un certain âge qui est toujours présente lorsqu'on mange ensemble mais qui ne m'a jamais adressé la parole, et je ne l'ai jamais fait non plus. Je me demande d'ailleurs pourquoi elle ne parle jamais.

— Je vois...

— Fais attention à Marius, reprend rapidement Rebecca.

Elle s'assoit sur le bord de son lit et croise ses jambes. Je me tourne vers elle, c'est une belle femme et je peux comprendre pourquoi Max s'est laissé séduire. Ses courbes sont féminines et voluptueuses, ses cheveux bruns m'ont l'air épais et soyeux...

— On me le dit souvent.

Max me le disait souvent.

— Il fait du mal autour de lui.

— Vous aussi, rétorqué-je.

Elle esquisse un faible sourire et passe sa tignasse sur le côté.

— C'est un Alpha, il a du pouvoir sur nous. Je sais qu'il souhaite protéger ce qu'il reste de cette meute, mais fais attention à lui.

— Pourquoi ? Parce qu'il fait du mal autour de lui ? Moi aussi j'ai tué quelqu'un, vous aussi vous l'avez fait !

Pourquoi je prends sa défense comme ça ? Je sais que Marius a un mauvais fond, je sais qu'il peut faire du mal. Je le défends comme si elle s'attaquait à moi directement.

— Il sait manipuler, et il vit dans la jalousie constante. Il a toujours eu son frère comme rival.

— Max n'est plus là.

Je dis cela un noeud dans la gorge. Il semble être avec une autre femme, avec mon meilleur ami devenu un monstre et moi je ne suis même pas avec eux. Je ne sais même pas où ils sont, ce qu'ils font.

— Dans tous les cas, c'est un test que tu passes ce soir.

Je fronce les sourcils et me lève de ma chaise. Cette robe me colle à la peau, j'ai presque l'impression d'être nue vêtue comme ça.

— La question c'est, est-ce que tu veux être prédatrice et spectatrice ?

Je ne suis pas certaine de bien comprendre sa question mais elle me met dehors la minute suivante. En traversant le couloir, j'ai le droit aux milles compliments de Lizzie qui me font sourire et au regard dédaigneux de Dickon. On dirait bien qu'il est jaloux mais je m'en fiche. Il n'était qu'un passe temps et rien d'autre.

J'enfile mes Docs Martens et je rejoins Marius qui m'attendait l'étage en dessous. Quand j'arrive, je le vois qui hausse les sourcils et me regarde de haut en bas en esquissant un sourire en coin. Il ne dit rien, me tend ma veste et m'incite à le suivre dehors. Il ne prend bien évidemment pas sa moto et nous nous rendons en ville en voiture.

Le bar dans lequel il m'emmène est spacieux, beaucoup fréquenté visiblement et les gens ne semblent pas faire attention à nous aux premiers abords. Je n'aime pas la foule. Je n'aime pas sortir. J'ai toujours été comme ça. La dernière fois que je me suis rendue dans un bar, c'était avec Samuel, et je me suis fait mordre par un loup.

Nous nous asseyons au comptoir et Marius commande deux verres. Je ne bois pas souvent d'alcool et je dois avouer que ça ne m'attire pas plus que cela. Je jette un coup d'œil autour de moi. Si je le voulais, je pourrais me concentrer sur n'importe quelle conversation pour savoir de quoi parle les gens. Mais je préfère tenter de paraître normale bien que ce brouhaha assourdisse mon crâne.

Nous voilà avec deux verres de Whisky pur. Je regarde ce liquide ambré tandis que Marius le boit d'un coup sec. Je lui jette un regard, les yeux ronds. Il pose son verre et se tourne vers moi en posant son bras sur le comptoir.

— Quoi ?

— À cette allure tu finiras bourré avant la fin de la soirée.

Il pouffe de rire.

— Il m'en faut plus Monroe.

Je détourne le regard et remarque ces deux pimbêches qui ne cessent de dévisager Marius. De jolies femmes c'est vrai, moins banales que moi mais certainement moins intelligentes aussi. Marius se retourne pour regarder là où je regarde et ne cesse de sourire à ces deux filles. Je lève les yeux au ciel, me repositionne face au comptoir, j'attrape mon verre et le bois d'un coup sec. L'alcool brûle mon œsophage. Je grimace mais parviens tout de même à l'avaler. Je souffle un grand coup comme si ma bouche était en feu et repose mon verre fermement sur le comptoir tout en faisant signe au serveur.

— Deux autres s'il vous plaît.

Il s'exécute sans broncher tandis que Marius s'intéresse de nouveau à moi l'air surpris.

— Pas besoin d'être possessive, remarque-t-il.

— C'est toi qui me dit ça ? Je suis prisonnière de tes murs, ton frère et toi vous êtes deux individus complètement fous qui séquestrent les autres. Alors... qui de nous deux est le plus possessif ?

— Je vous protège.

Le serveur pose nos verres alors que l'on se regarde droit dans les yeux. Sans détourner le regard, il attrape son verre, je l'imite et nous buvons à nouveau d'un coup sec. Je grince des dents mais je parviens à avaler.

— T'es trop différente, fait-il remarquer.

Je hausse un sourcil et souris. Mon métabolisme est certainement plus rapide qu'avant car je ne me sens pas ivre encore alors qu'à l'époque, un verre m'aurait amplement suffit. Je ne tourne qu'à la bière habituellement.

— Ça te fait peur ? M'enquis-je.

Il demeure muet un instant puis détourne le regard en passant sa main dans ses cheveux pour les plaquer de nouveau en arrière. Il est bel homme, vêtu d'un jean, d'une jolie chemise sombre sans plis... on devine parfaitement son corps sculpté.

— On est ici pour quelque chose d'important ce soir...

— Prédatrice ou spectatrice, l'interromps-je.

Il me jette un regard étonné.

— Alors qu'est-ce que je vais devoir faire ? Reprends-je. Trouver un pauvre homme un peu paumé, le séduire et dévorer son cœur ? C'est ça le test à passer ? Je dois bouffer un être humain pour te prouver que je te serai loyale ? Ça t'apportera quoi Marius ?

Je me penche en avant pour me rapprocher de lui et sonder son regard.

— Je vais te le dire moi...

Je l'imite dans la forêt, lorsqu'il a posé ses deux mains sur mes épaules et murmuré à mon oreille. J'approche ma bouche de son oreille. Il sent si bon, sa peau à l'air douce mais j'oublie rapidement ce détail.

— Rien, assuré-je. Ça ne t'apportera rien.

Il saisit fermement mon bras, me forçant à me redresser et à le regarder droit dans les yeux. Les siens ne sont plus humains. Ce sont ceux du loup, je me sens soudainement étrange, je ne détache pas mon regard du sien, je me sens happée.

— Tu joues avec moi, grogne-t-il.

— Je veux comprendre...

Il se lève brusquement et m'emmène avec lui, sous l'œil plutôt jaloux des deux jeunes femmes. Nous quittons le bar aussi rapidement que nous sommes arrivés et nous marchons sur le trottoir d'un rapide. Il ne lâche pas mon bras et finit par me plaquer brusquement contre un mur dans une ruelle peu éclairée.

— Il n'y a rien à comprendre. J'ai seulement besoin de savoir à qui je peux faire confiance et à qui je ne peux pas faire confiance dans cette meute.

— À Marie tu peux, elle semble folle de toi.

— Ça m'est égal. Il y aura un moment où nous serons attaqués, et si vous êtes incapables de tuer, alors nous serons perdus.

— Tu vis dans la crainte constante.

Il appuie sa main contre le mur et me garde prisonnière de ses bras. Ses yeux brillent dans l'obscurité et j'entends son pouls irrégulier.

— Tu ne me connais pas.

— Tu es effrayé, reprends-je.

Il frappe son poing contre le mur, si fort que j'entends ses phalanges craquer les unes après les autres. J'en sursaute, le mur s'effrite légèrement et Marius ne laisse paraître aucune expression de douleur. Il va de soi qu'il vient de se casser la main.

— Et toi désinvolte.

— Ce n'est pas toi qui m'a créée... jamais je ne pourrai réellement t'obéir et tu le sais.

Je le vois qui serre ses mâchoires.

— Pourquoi tu ne me frappes pas comme tu l'as si bien fait la dernière fois ?

Je ne sais pas vraiment si le pousser à bout est une bonne idée mais je ne parviens pas à me soumettre comme on put le faire les autres. Je n'ai pas le même instinct qu'eux c'est certain et quand bien même, il n'y a qu'à Max que je parviendrais à obéir.

Finalement il presse brutalement ses lèvres contre les miennes. J'en suis surprise mais je me laisse faire. Son baiser est incroyablement fougueux, il colle rapidement son corps contre moi, m'oppressant contre le mur et accélérant mon rythme cardiaque. J'aimerais m'en défaire mais je ne réponds plus de moi. Il descend pour embrasser mon cou, puis me mordille. J'en pousse quelques gémissements, je me sens si étrange et il me mord. Je ferme les yeux et serre les dents. Il me mord fort mais finit par arrêter pour se redresser. Il ne m'embrasse plus, il se trouve seulement si proche de moi. Il m'a fait mal, je sens du sang qui coule de ma plaie.

— Pourquoi tu m'as mordu ? Demandé-je.

Il s'apprête à me répondre mais se redresse soudainement. Il semble tendre l'oreille, je l'interroge du regard mais ses yeux sont dans le vagues.

— Il se passe quelque chose, souffle-t-il.

— Quoi...?

— À la maison.

Il s'empresse de regagner la voiture et je le suis malgré moi. Sur la route, il ne me décroche pas un mot, ses yeux sont fixés sur sa trajectoire, ses deux mains accrochées au volant. Je le sens stressé, inquiet... et moi aussi je le suis. Comment peut-il penser qu'il se passe quoi que ce soit à des kilomètres de là ?

Pourtant, alors qu'on entre sur le chemin terreux menant jusqu'à la maison. Une odeur étrange parvient jusqu'à mes narines, dans le ciel sous la lumière argentée de la lune presque pleine, de la fumée s'élève. Je crois que mon cœur rate un battement lorsque je pense comprendre ce qu'il se passe.

Marius s'arrête à plusieurs mètres de la maison. Les flammes la rongent de partout, le feu crépite, l'odeur est omniprésente. Le bois qui brûle, la chair, la peinture...

Il sort de la voiture encore en marche et se précipite vers la maison. Je sors à mon tour et me jette sur son bras pour l'empêcher d'y entrer.

— N'y va pas !! Hurlé-je à travers le vacarme du feu.

— Je dois aller les aider ! Ils sont... où est-ce qu'ils sont ?!

— Je... je n'en sais rien mais pitié n'entre pas là dedans, tu vas te tuer !

Il me repousse brusquement tout en poussant un grognement bestial et je tombe à la renverse. Je m'appuie sur mes coudes, je le vois qui reste immobile devant cette grande maison en flammes. Cette odeur de chair brûlée me laisse penser qu'ils sont encore à l'intérieur mais j'espère avoir tort...

Marius se laisse tomber à genoux et enfonce ses doigts dans la terre tout en poussant un long cri retenu et déformé par les sanglots qu'il tente de ravaler. Un cri de rage mêlé au grognement de la bête.

Je m'avance jusqu'à lui, d'ici je sens la chaleur des flammes qui ne s'arrêtent plus et s'élèvent haut dans le ciel. Je transpire et lui aussi, j'ose à peine l'approcher tant il semble en colère. Mes larmes roulent sur mes joues, je pense à Lizzie... si jeune... si innocente.

— Ils ont dû s'enfuir... tenté-je.

Alors que je pose doucement ma main sur son bras il se relève brusquement. Je fais de même et il me jette le plus noir des regards. Je ne pense pas que ce soit après moi qu'il en ait, bien que sa colère doit probablement l'aveugler.

— À toi de choisir Monroe, grogne-t-il tremblant de rage. Es-tu prédatrice... ou spectatrice ?

Spectatrice d'un tel chaos...
Ou prédatrice de nos ennemis.

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