27. Apprends-moi 🌔
Je me fixe un instant devant le miroir.
J'ai passé des jours et des jours enfermée dans cette chambre.
Marius m'apportait à manger, mais je refusais de descendre, de passer du temps avec lui ou même d'aller me promener. De toutes façons, mon corps était encore bien trop douloureux.
J'arrive enfin à lever le bras. C'est ce que je fais d'ailleurs, devant mon reflet. Je lève le bras, le tourne et je fais des cercles avec mes épaules. Mon sternum va mieux, je ne mets plus de bandage et les bleus commencent à s'estomper.
Tout ça, je le dois en partie au loup.
Moi je n'ai fait que dormir quand ses gènes à lui m'ont littéralement guérie.
Je boite toujours, ma hanche a du mal à se remettre mais je crois bien que ma jambe n'était plus vraiment axée avec mon corps après mon atterrissage violent sur le bitume.
J'attrape les ciseaux et saisis une mèche de mes cheveux. Plus je fixe mon reflet, plus je hais ce que je vois.
Ma couleur commence à passer et mes cheveux sont ternes, un mélange de brun et de châtain, j'ai toujours su que les couleurs ne tenaient pas sur des cheveux roux. D'ailleurs c'était ce que ma mère me disait sans arrêt quand je souhaitais en faire étant adolescente.
Je coupe la mèche.
Et je fais la même chose pour toutes les autres.
Je me retrouve avec les pointes qui chatouillent mes épaules nues. Mes yeux sont rouges et humides de larmes et mes lèvres retroussées.
Je me dis que si je suis encore en vie, c'est que la Lune n'en a pas fini avec moi. Et quand bien même j'ai pu morfler, je sais ce que je veux à présent.
— Je le tuerai, grogné-je.
En même temps que je dis cela, mes yeux changent pour ceux du loup. Je crois ne m'être jamais sentie aussi proche de lui en sept ans.
Gabriel est un monstre.
Mais un monstre bénéfique car je sens que les prochaines pleines lunes seront bien différentes de ce que j'ai connu.
J'enfile un legging et un pull beige. Je ne veux même pas savoir où Marius a trouvé ces vêtements. Probablement qu'ils appartenaient à ses victimes.
Je décide de sortir enfin de ma chambre. J'ai eu l'air sauvage bien trop longtemps mais il n'a pas cherché à me forcer à quoi que ce soit. Au contraire, il était aussi présent qu'un fantôme : c'est à dire, presque inexistant.
Je descends de la mezzanine et me retrouve dans le salon. Marius est en train de mettre une bûche sur le feu, accroupi devant la cheminée. Je tire sur les manches de mon pull et m'approche légèrement. J'adore l'odeur d'un feu de bois, ça rappelle l'approche de l'hiver, saison festive.
— Je sais ce que tu penses... souffle-t-il. Oh mon dieu, Marius est un véritable bûcheron !
Il se relève et se tourne vers moi. Ses yeux font battre mon cœur aussitôt.
— Mais non, en réalité je vole ce bois a un voisin un peu plus loin. Il est vieux, malvoyant et n'y fait donc pas vraiment attention.
Je souris légèrement.
— La petite brebis galeuse est enfin sortie de son trou, remarque-t-il. Et elle a même perdu un peu de pelage.
Je sais bien qu'il fait référence à mes cheveux.
— Et le grand méchant loup... comment va-t-il ?
Il se laisse tomber sur le canapé en cuir et pose ses bras sur le dossier.
— M'as-tu vu un jour aller mal ?
— Je crois bien que oui.
Je m'assois au bout du canapé et plie ma jambe en état sous mes fesses. Je pose mes mains sur mes genoux et reste tournée vers lui tandis qu'il semble hypnotisé par le feu.
— Je ne vais jamais mal. Je suis juste quelqu'un d'impulsif.
— T'es comme le feu.
Je regarde le feu à mon tour.
— Toi tu es vif, brûlant, dangereux. Tu brûles tout ce que tu touches. Tu es explosif...
Quand je tourne la tête vers lui, son regard est braqué sur moi.
— Et toi Monroe ? J'ai l'impression que je ne sais plus qui tu es.
— Tu ne l'as jamais su.
— Je voyais en toi une gamine effrayée, une intruse dans ma meute, je te voyais comme un fardeau...
Aïe.
— J'ai appris à apprécier ta fragilité je dois l'avouer... mais tu avais tout de même une force, c'était clairement ton caractère de merde.
Je pouffe de rire tandis que lui regarde à nouveau le feu la tête penchée sur le côté. Je me pince les lèvres et je l'admire. Je ne peux nier sa beauté et je tente d'oublier la ressemblance avec son père. Car il ressemble clairement à la personne que je hais le plus dans ce monde. À la personne que je souhaite tuer de tout mon cœur. Celle qui m'a détruite. En y songeant, mon sourire disparaît peu à peu.
— Mais là... reprend-il, je ne sais pas, quelque chose a changé. Ton odeur n'est plus la même. Ton aura non plus... j'arrive pas à savoir pourquoi.
Il me regarde à nouveau.
— Tu me caches quelque chose ?
— Ça fait quatre ans Marius, j'ai changé.
— Ouais tu es devenue brune, mais quelle idée. Le roux t'allait bien mieux.
Je lève les yeux au ciel.
— Toi tu commences à avoir des rides, grogné-je pour me défendre.
Il pose sa main sur son torse.
— Ouch, touché ! Bien joué.
Je souris légèrement. Quand il parle, il me fait oublier de qui il tient.
Un silence s'abat dans la pièce durant lequel nous sommes tous les deux plongés dans nos pensées. Je me souviens des moments que j'ai pu passer avec Marius, je me souviens comme j'aimais qu'il m'embrasse ou m'enlace, comme la chaleur de son corps me réconfortait.
— Ce chasseur... commence Marius.
Alors je suis aussitôt extirpée de mes pensées positives.
— C'est le même enfoiré qui a tué Lizzie ? Le même avec qui Dickon et Max ont fait un pacte ?
Je humecte mes lèvres et passe mes cheveux derrière mes oreilles. Je sais qu'il est entrain d'écouter les battements de mon cœur. Je sais très bien qu'il sait que ce sujet me plombe, me fait mal. Il me teste.
— Je... je ne sais plus... je suis tombée de si haut que... c'est comme si j'avais perdu la mémoire.
Je dis cela en tirant sur les manches de mon pull sans même le regarder.
— Je vais l'éventrer avec mes mains, grogne-t-il.
— Tu sais bien faire ça, pas vrai ?
Je relève la tête et lui, plisse les paupières.
— Tu l'as fait à Dickon... Marie... Rebecca...
— Alors tu as vu...
Il tend ses jambes et croise ses pieds sur le tapis. Je devine ses muscles même à travers son jean.
— Tu es entré dans une colère noire quand tu m'as cru morte.
Il reste immobile, les bras croisés, les yeux fixés sur le feu.
— Pourquoi tu as réagis comme ça ? Questionné-je.
— Les trahisons... putain les trahisons j'en ai ma claque. Je lui faisais confiance. À chaque fois en fait, je faisais confiance comme un idiot. Je pensais que Dickon était là pour moi, mais non, il ne m'a pas concerté avant et t'as jeté dans la gueule du loup... enfin tu m'as compris.
— Il a fait ça pour toi.
— Mais je ne le voulais pas !
Lorsqu'il hausse le ton, je sursaute tandis que ses yeux deviennent sombres, comme ceux de son loup.
— Ne tente pas de me faire culpabiliser de mon acte Monroe. Je ne culpabilise jamais lorsque je tue. Je voulais simplement ne plus laisser la chance à quiconque de me cacher quoi que ce soit ou même de me trahir. Contrairement à toutes les personnes que j'ai pu rencontré dans ma vie, à toutes ces personnes qui me traitent de monstre, moi je n'ai jamais menti, je n'ai jamais trahi. J'ai toujours été moi, toujours été fidèle à mes principes.
Il n'a pas tort, je ne peux le contredire sur ce point.
— Mais vous tous... vous ne faites que mentir, manipuler, trahir... c'est lassant, c'est quelque chose qui me rend fou.
— Tu manques d'amour, c'est tout.
Il me regarde et hausse les sourcils.
— Je m'aime bien assez.
— Je pense que cette fois tu mens Marius, tu te hais autant que tu as été haïs.
C'est moi qui entend son cœur battre bien plus fort cette fois. Il pulse contre sa poitrine.
— Et toi ? Tu me hais ? S'enquit-il.
Je le regarde sans un mot. Alors il se rapproche de moi, penché sur le canapé, maintenu par des bras forts. Je suis perdue dans ses yeux d'un bleu profond, il m'hypnotise littéralement, j'ai l'impression que des fourmillements sont en train d'envahir tout mon corps.
— Tout le monde te hait... murmuré-je.
— Je sais.
Son visage est si proche du mien, ses lèvres près des miennes, je suis chatouillée par l'envie de l'embrasser. Chatouillée par son odeur, par sa virilité, par la chaleur de son corps que je sens non loin de moi.
Je vois qu'il regarde mes lèvres avant de presser les siennes contre les miennes. Je ferme les yeux et bloque ma respiration, surprise. Je ne me souvenais pas que ses baisers étaient si doux. Pourtant, en fermant les yeux, c'est mon viol que je revois. J'entends de nouveau mes cris, je sens ses mains s'agripper à mes hanches, je sens sa chair pénétrer la mienne et me tirailler. Je repousse Marius aussitôt et me relève. Il me suit des yeux tandis que je passe ma main dans mes cheveux à présent beaucoup plus courts.
— Je... je suis désolée.
Je tourne les talons et boite jusqu'à l'extérieur où je m'appuie contre la rambarde du porche. Je fixe le lac en plein jour, écoute le bruit du clapotis de l'eau, un son qui me calme aussitôt. J'inspire par le nez et expire par la bouche. Ma respiration tremble, mes mains aussi d'ailleurs alors je les secoue légèrement.
— Je voulais pas te brusquer tu sais.
Je sursaute et me frotte les yeux.
— C'est bon, ça va.
— Je sais que tu n'es plus la même qu'avant et je suppose que ce ne sera plus jamais comme avant. Quatre ans c'est long.
— Ce n'est pas ça...
Mon cœur tambourine contre ma poitrine et je sens son regard dans mon dos.
— Monroe...
Je ferme les yeux et je sens les larmes couler sur mes joues.
— Je sais ce que ça fait que de souffrir, je sais ce que c'est que de frôler la mort, ce que c'est que de la confronter. Je sais ce que c'est...
J'entends le bruit de ses pas et moi, mes sanglots me nouent la gorge. Ils m'étouffent littéralement. Sa main se pose délicatement sur mon épaule et la presse alors ma respiration s'accélère.
— Toi et moi, on est des écorchés Monroe.
Je me retourne vers lui, lève la tête et sonde son regard tandis que les larmes noient mes yeux.
— Mais je suis là, reprend-il.
Je fonds alors en sanglot et me blottis contre lui. Je sens ses bras qui m'entourent, qui me serrent, qui me réconfortent. Je sens la protection en étant contre lui. Je sens sa main qui vient caresser mes cheveux et son menton se poser sur le haut de mon crâne tandis que je humidifie son t-shirt de mes larmes.
— Il m'a détruite... sangloté-je.
— Je te vengerai, dit-il d'un ton monocorde.
Je secoue la tête et me détache de lui, bien qu'il me garde dans ses bras, je le regarde un instant tout en essuyant les larmes sous mes yeux.
— Non, je veux me venger toute seule. Je veux le faire.
— Tu as déjà trop souffert.
Il dit cela en posant sa main sur ma joue et essuyant la larme qui roule sur ma joue avec son pouce.
— Apprends-moi, Marius.
Il plisse les paupières l'air inquisiteur.
— Apprends-moi à me battre. Apprends-moi à devenir un vrai loup. Je veux pouvoir lui faire payer ce qu'il m'a fait. Moi aussi je veux être un Alpha.
Apprends-nous...
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