25 - Renforce les liens 🌘

Mon legging le plus confortable enfilé, un beau t-shirt AC/DC, des baskets à crampons... je suis fin prête pour apprendre à me défendre. La seule chose qui empiète à mon état d'esprit, c'est bien l'idée que je fasse cela dans le cas où mes soi-disant parents chasseurs viendraient frapper à nos portes. Pour le moment, rien ne m'a prouvé que c'était le cas et c'est peut-être simplement une fichue manigance pour me garder au sein de sa meute.

Nous nous trouvons dehors, dans le jardin. Il fait bon, le printemps est agréable. Les oiseaux chantent, les insectes grouillent, l'herbe est moelleuse et fraîche. Enfin quelque chose de positif ici.

Marius me rejoint, vêtu d'un jogging et d'un t-shirt noir, tout simple. Pour une fois qu'il n'est pas habillé comme un dandy, j'avoue que ça me fait drôle. Il craque ses phalanges puis sa nuque et me regarde de la tête aux pieds.

— T'es prête sale traînée ?

J'ouvre de grands yeux et entrouvre la bouche.

— Il faut bien t'énerver un petit peu. Tu ne te battras pas en étant le plus calme possible Monroe. Je veux voir comment tu te contrôles.

— Trouve d'autres arguments dans ce cas. Pour le moment, ça ne m'atteint pas.

Peut-être un petit peu mais en soit on m'a souvent traitée de traînée au cours de ma courte vie. Cela n'est pas si étonnant que ça et j'assume entièrement ce que je fais de mon corps.

— OK, commençons...

Il semble encrer ses pieds dans le sol et de ses yeux sublimes il me fixe, à quelques mètres de moi.

— Comment tu te sens depuis le départ de mon frère ?

— Mal.

— Mal parce qu'il ne t'as pas laissé la possibilité de le rattraper ? Qu'il t'as lâchement abandonnée. Au final... tu dois certainement te sentir mal parce qu'il ne t'aimait pas comme tu l'espérais.

Je serre les dents mais croise les bras. Je sens mon cœur commencer à s'accélérer. Je ne sais pas si Marius dit ce qu'il pense ou s'il cherche vraiment à me blesser mais je sens déjà mon sang ne faire qu'un tour.

— En soit... pourquoi lui pardonner alors qu'il a tué ta meilleure amie ? Et... ton petit copain.

— Samuel n'était pas...

Je me mords les lèvres pour me taire. Pense aux oiseaux qui piaillent, pense à la musique agréable de la nature...

Si on parlait de tes parents ? Renchérit Marius.

Je relève les yeux vers lui, sans un mot. Mon cœur tambourine ma poitrine, le loup en moi s'éveille et me donne chaud.

— T'as sûrement été adoptée. Et même si ce n'est pas le cas, à présent qu'ils sont au courant de ce que tu es, tu ne seras plus jamais considérée comme leur fille.

Je pousse un grognement bestial et me jette sur lui. Je tente de lui donner mon plus gros coup de poing mais il esquive mon attaque et je manque de tomber en avant. Cependant je me retourne, toujours folle de rage et je le gifle. Cette fois, je le touche. Je tente de lui en mettre une nouvelle mais il saisit mon poignet. Alors de ma main libre, je souhaite le frapper, sans vraiment calculer mes mouvements. Il saisit mon autre bras, me retourne et me colle contre lui. Mes bras sont maintenus par ses mains épaisses et brûlantes, en X contre ma poitrine. Je fixe l'écorce de l'arbre devant moi, le pouls rapide, la respiration non contrôlée. Je peux également sentir son souffle contre ma nuque et mes larmes noyer mes yeux.

— Si tu ne contrôles pas ta colère, tu meurs, dit-il tout près de mon oreille.

— Lâche-moi, grogné-je.

— Commence par te calmer.

— Toi tu es né comme ça... soufflé-je. Tout est plus simple pour toi. Tout est plus simple pour vous tous.

— Tu es forcément née comme ça aussi, Monroe. Chaque famille a ses secrets.

Je suis prisonnière de ses bras et possédée par la tristesse de ma réalité. J'ai vécu dans le mensonge toute ma vie, je suis peut-être pas la fille de mes parents, il est difficile de s'y résoudre.

— Je ne tuerai jamais mes parents comme tu as pu le faire, grommelé-je.

— Je t'ai déjà tout expliqué. J'ai sauvé cette meute.

— Tu t'es vengé. Tu ressentais de la haine.

— Tu n'en ressens pas toi ?

Je peux voir tous les petits détails de l'écorce, les striures dans le bois, les fourmis qui grimpent en chaîne, la mousse qui y pousse et la sève qui coule de ses crevasses. Ce don, si on en oublie la souffrance qu'il procure, est magique. Mes yeux sont plus vifs qu'un appareil photo.

— Tu es emplie de haine Monroe, je suis même persuadé que tu en as depuis plus longtemps.

Je n'ai jamais été acceptée, et je n'ai jamais eu de réels amis. Il est vrai que j'ai toujours préféré me renfermer. Marius m'a cerné.

— Relâche-moi.

— Libère-toi, rétorque-t-il.

— Marius...

— Tu me fais confiance ?

Je ne réponds pas. Il desserre enfin son étreinte et me lâche. Il me tourne vers lui, pour sonder mon regard. Il est si proche de moi, alors soudainement je repense à notre baiser mais je ne devrais pas. Ce type est un truand, un assassin et il est imbu de lui-même.

— Allons courir, dit-il.

Je hausse les sourcils.

— Quoi ?

— Fais-moi confiance et suis-moi.

Il passe à côté de moi et se met doucement à courir. Je reste immobile un instant puis finalement, je me lance à sa poursuite. A vrai dire, je devrais cesser de me poser mille et une questions.

Nous courons à travers les arbres. Marius est vif et rapide, il saute chaque racine d'arbre qui ressort et grimpe cette côte à toute vitesse, slalomant entre les arbres, comme s'il n'était jamais essoufflé. Je le suis, un peu à la traîne, le souffle me manquant mais je ne m'arrête pas. Je peux lui prouver que je ne suis pas aussi faible qu'il ne le pense.

Rapidement, nous nous retrouvons en haut de cette colline ou plutôt, cette montagne. J'avoue n'avoir jamais réellement exploré les lieux, parce que Hellbound me manque terriblement et que je ne voyais que sa beauté. Marius est déjà en haut et m'attend. Je le rejoins, essoufflée et crachant mes poumons. Je prends appuie sur mes genoux le temps de reprendre mon souffle et lève la tête. Il y a un joli lac juste en dessous, sous le soleil il brille de milles feux.

— Wow... dis donc, c'est beau ici, commenté-je.

— Si tu sortais un peu de ta chambre, tu l'aurais remarqué.

Je me redresse et le fusille du regard.

— Tu attends sans arrêt de subir les choses, poursuit-il. Tu te renfermes sur toi-même, tu couches avec des types que tu n'apprécies même pas, au final tu te fais du mal inconsciemment et c'est pas comme ça que tu entreras en harmonie avec ce que tu es réellement.

— Ce que je suis réellement ? Je l'accepte Marius, ça y est.

— Tu mens.

Je lève les yeux au ciel et détourne le regard.

— Mon rôle d'alpha, c'est aussi de croire en vous.

Je lui jette un regard en biais, les mains sur les hanches.

— Je crois en toi, Monroe. Mais fais-moi confiance.

— Jamais je ne te ferais confiance.

Je l'entends grogner. Il passe une main dans ses cheveux pour les remettre en arrière. En effet, quelques mèches se sont échappées et retombaient sur son front. Ces deux frères sont maudits par leur beauté. Je ne peux rester indifférente à son charme et encore plus lorsqu'il agit comme ça avec moi, comme s'il avait finalement beaucoup plus d'humanité que je croyais.

— Tu es possessif, repris-je.

— Peut-être bien.

— Je ne suis pas un bien que tu peux posséder Marius.

— Tu flancheras.

Je pouffe de rire et me tourne vers lui. Il m'attrape brusquement le bras et me tire vers lui. Tenant fermement mes deux bras à présent, je me retrouve dos au vide, les deux pieds sur le bord. Cette fois, je suis terrifiée. Terrifiée à l'idée de tomber. Je m'accroche à ses épaules, tétanisée.

— Marius !! Hurlé-je. Fais pas ça ! Pitié !

Il me fixe sans un mot alors que je panique.

— Fais-moi confiance.

— Tu vas me faire tomber !

— Non je te tiens.

Il ne tient que mes bras, il suffit que ses mains glissent et je fais un joli plongeon dans le lac juste en dessous.

— Éloigne-moi du bord !!

— Fais-moi confiance, insiste-t-il.

— Comment veux-tu que je te fasse confiance alors que je suis à deux doigts de tomber ?!

— Ferme les yeux.

— Vas te faire voir !

— Ferme les yeux, répète-t-il.

Cette fois-ci, les siens s'assombrissent et deviennent marrons, comme ceux de son loup. Le bleu océan qui y demeurait se transforme en noir obscur. Alors, plutôt surprise, je m'exécute et me plie à ses ordres. Je ferme les paupières, tremblante comme une feuille. Je le sens qui se rapproche de moi, son odeur, sa chaleur corporelle, sa prestance...

Puis je me sens basculer. Basculer dans le vide complet. Je suis accrochée à lui et je hurle de peur avant que mon cri ne soit étouffé par l'eau qui m'engloutie toute entière. Mon corps est comme attiré au fond alors je nage pour regagner la surface. Ma respiration coupée, le cœur résonnant dans mes tympans. J'immerge de l'eau en prenant une grande inspiration et j'entends le rire de Marius. Je passe ma main dans mes cheveux pour dégager mon visage.

— Espèce d'abruti ! Grogné-je en l'éclaboussant.

— Cette fois-ci, tu as pu crier pour quelque chose de réel ! Relax.

Je regarde autour de moi, nous sommes au milieu du lac glacé, mes vêtements pèsent lourd sur mon corps et au final, j'entends mon cœur battre comme jamais. Sans savoir pourquoi ni même comment, mes lèvres s'élargissent en un sourire et je finis par rire moi aussi. Jamais encore je ne m'étais sentie aussi vivante qu'en ayant une frayeur pareille.

— Alors comment tu te sens ?

Marius nage jusqu'à moi et s'arrête devant moi. Ses cheveux sont trempés, décoiffés, son visage luit sous le soleil et ses beaux yeux bleus se reflètent avec l'eau. Je le regarde un instant sans un mot, le sourire jusqu'aux oreilles.

— Vivante, avoué-je.

— Est-ce que je t'ai tué ?

— Tu aurais pu ?

— Je savais ce que je faisais Monroe.

— Pourquoi t'as fait ça ? Demandé-je.

Il demeure silencieux un instant, détaillant mon visage. Mon sourire se dissipe peu à peu, mes cheveux collent à mon visage et le froid tiraille mon corps. Pourtant, j'ai l'impression que tout s'est envolé, peut-être bien que ce n'est que le temps de quelques instants.

— Pour que tu arrêtes de te donner aux hommes.

— Tu es vraiment sérieux Marius ? Ne serais-tu pas jaloux ?

— Je suis réaliste, c'est pas comme ça que tu avanceras.

Je ne dis rien, je fais des vagues sur l'eau avec mes mains glacées tout en pinçant mes lèvres.

— J'ai toujours agi comme ça, je suis comme ça c'est tout, marmonnai-je.

J'observe le liquide dans lequel je me baigne onduler sous les mouvements lents de ma main alors que je sens le regard de Marius pesant sur moi. Je relève les yeux vers lui et hausse les sourcils.

— Pourquoi tu me fixes comme ça ? Questionné-je.

— Car tu es très belle et j'ai du mal à comprendre pourquoi tu ne t'aimes pas.

Je pousse un profond soupir et nage jusqu'au rivage. Mes vêtements sont trempés, mes cheveux aussi. Je dois surtout ressembler à un pauvre chien mouillé. Je m'assois sur le sol et ramène mes jambes contre ma poitrine, suivant des yeux l'alpha qui me rejoint. Son t-shirt colle à sa peau à présent et laisse deviner de beaux abdos dessinés. Je ne sais pas qui était leurs parents, mais Max et Marius ont été gâté par la nature c'est une certitude. Il s'assoit à côté de moi et imite ma position. Fixant un point droit devant lui. Je détourne le regard et écoute le clapotis de l'eau dans ce silence printanier tellement appréciable.

— Max a toujours eu l'étoffe d'un leader, commence Marius.

Sa voix brise le silence et sa phrase m'étonne, je tourne la tête vers lui alors qu'il semble perdu dans ses pensées.

— J'ai longtemps vécu dans son ombre. Je ne dis pas que je suis plus nul que lui ou plus faible, je n'ai simplement jamais eu le lien qui l'unissait à mon père. Il suivait ses ordres docilement et moi j'étais sans arrêt contre lui. Après avoir été banni, le temps m'a paru long et la solitude me rongeait. Quand je le pouvais, quand la bête en moi n'était pas incontrôlable, je donnais mon corps aux femmes et je me laissais aller au plaisir de la chair. Je me sentais un peu plus humain comme ça. Mais au fond, je cherchais l'attention des autres parce que j'étais incapable de m'en donner à moi-même et je cherchais l'amour des femmes et leur admiration parce que je ne savais pas m'aimer moi-même.

Je le regarde sans un mot, songeant à tout ce que j'ai pu faire, aux hommes à qui j'ai donné mon corps. Comme s'il n'y avait que de cette façon que je pouvais avoir quelque peu de reconnaissance de la part des autres. Je serre mes jambes contre ma poitrine et pose mon menton contre mes genoux.

— Alors on est deux êtres infiniment tristes, soupiré-je.

— Je ne suis pas triste. Je me suis trouvé.

— Au fond tu es triste, assuré-je. Et t'as peur d'être détrôné. En partie parce que Max m'a créée.

— Il t'as créée mais t'as abandonnée.

— Tu l'as banni.

— Comme il m'avait banni des années auparavant. Les histoires de famille c'est complexe, tu t'en rendras compte dans peu de temps.

— Arrête avec ça ! Grogné-je.

Je me lève d'un bond, alors il m'imite et sonde mon regard.

— J'ai un très très bon instinct et je sais ce que j'ai ressenti le jour où j'ai rencontré tes parents.

— Je me fiche de ce que tu penses d'eux ! Je saurai les raisonner et ça ne tournera pas au drame.

— T'es naïve.

— Et toi égocentrique.

— Je l'assume totalement.

— J'assume tout ce que je suis.

— Alors tu assumes le fait de fantasmer sur moi ?

J'ouvre de grands yeux puis le pousse en frappant son torse. Il recule d'un pas et m'offre un sourire en coin.

— J'ai un bon instinct, je te l'ai dit.

— Tu rêves !

Je lui tourne les dos et avance les chaussures trempés afin de regagner la maison.

— Jouons à un autre jeu, lance-t-il.

Je lève les yeux au ciel.

— Fais marcher ton flaire de loup et retrouve moi dans cette vaste forêt, souffle-t-il près de mon oreille.

Quand je me retourne pour répondre. Marius a disparu, je n'entends plus ses pas, il n'est plus dans mon champ de vision et des dizaines d'arbres m'entourent.

Cette journée n'est pas prête de se terminer.
Le plus étrange dans tout ça, c'est que je n'ai pas tant pensé à Max, je n'ai pas vu à travers ses yeux et surtout, je me sens plus vivante que jamais. Alors mes lèvres s'élargissent lentement en un sourire amusé.

— Je te trouverai Marius !

Je vous remercie d'avoir lu !

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