23 - Respire 🌖

Le chant des oiseaux, la lumière du soleil et la légère brise matinale me force à ouvrir les yeux. Je pousse un grognement et m'appuie sur mes mains pour me redresser. Je suis totalement nu, en pleine forêt et plutôt déboussolé. Alors je me masse les globes oculaires et je titube entre les arbres.

Au loin, j'aperçois le chalet, la porte grande ouverte et les pleurs d'un bébé. J'attrape la couverture couverte de feuilles mortes et humides pour entourer mes hanches puis j'entre dans le chalet. Sam est assis contre le mur, ses vêtements imbibés de sang, sa tête penche sur le côté, ses paupière sont closes et sur le sol, je constate des flèches cassées accompagnées de quelques gouttes sur le sol. Je m'accroupis et prends doucement la fille de Monroe dans mes bras. Elle ne cesse de pleurer, probablement car elle a faim alors je tente de la bercer et de ma main libre, je secoue légèrement Sam.

— Sam ? Réveille-toi.

Cependant, il ne réagit pas. Alors je m'accroupis, ignore les pleurs du bébé dans mes bras et relève sa tête. Son teint est gris, ses veines ressortent sur ses paupières closes. Je ne comprends pas. Je ne peux pas comprendre. Je me concentre, je tente d'entendre un signe de vie cependant il n'y a rien. Son cœur ne bat pas.

Je le regarde, ma main sur sa joue pour garder sa tête droite. Je le fixe, le cœur serré, la gorge nouée et je sens mes yeux s'embuer à cause des larmes qui noient mes yeux. Samuel était quelqu'un de bien, et j'ai la sensation qu'il en est là aujourd'hui, par ma faute. Je l'ai mordu, je l'ai transformé. Aujourd'hui, il est mort.

— Je suis désolé... murmuré-je.

Je me redresse mais ne vois pas Monroe, alors je sors de la cabane mais mis à part des traces sur le sol, quelques touffes d'herbe arrachées, je ne vois rien. Je m'assois sur les marches du ponton devant la cabane, et je fixe un point droit devant moi, pendant que la fille de Monroe commence enfin à se calmer, mordillant son poing minuscule de bébé.

J'inspire par le nez et expire par la bouche. Il me faut rester fort, parce qu'il y a l'enfant de Monroe, elle est là, jeune et insouciante. Lorsque j'entends des bruits de pas à ma gauche, je me lève d'un bond et fait face à Louis. Il traîne des pieds, son pull est couvert de sang et il s'arrête à quelques mètres de moi, les bras ballants.

— Vous avez gagné, marmonné-je.

Je ne crois pas avoir la force de me battre à nouveau.

— Alors tue-moi si tu le veux mais par pitié, épargnez cet enfant.

Il me fixe, sans un mot.

— Qui est Gabriel ? Demande-t-il finalement pour briser le silence.

— C'est le père de Marius. Il a une meute d'Alphas. Ils sont puissants et il ne cherchera jamais une trêve avec vous. Ce qu'ils veulent, c'est que le monde entier sache notre existence, ils veulent le pouvoir, ils veulent la guerre.

Je me mords les lèvres et pousse un profond soupir.

— Si seulement j'avais laissé Marius, si seulement je l'avais laissé dans ce manoir, avec toute notre meute. Si j'avais suivi tous ses dictats, peut-être qu'aujourd'hui on ne serait pas là.

Louis passe sa main sur son visage enduit de saleté et cligne plusieurs fois des paupières. Le tour de ses yeux est rouge, ses cernes sont creuses. Il humecte ses lèvres et sonde mon regard.

— Je n'ai plus envie de faire la guerre, marmonne-t-il.

Je suis étonné de cela, quand je vois son visage défiguré, plein de bleus, son œil gonflé, sa lèvre fendue... c'est moi qui l'ait frappé. C'est moi qui lui ai infligé cela. Il a l'occasion de m'anéantir mais il ne le fait pas.

— Je veux que cette meute d'Alphas soit éradiquée. Je ferai tout pour convaincre les autres... et à la fin, nous conviendrons d'une entente. L'entente que nous avions déjà acceptée la première fois : vous ne tuerez plus les êtres humains, vous ne mordrez plus un seul être humain et chaque soir de pleine lune, vous vous attacherez. Si l'un d'entre vous déroge aux règles, il sera abattu. Mais il est temps que tout prenne fin et nous savons qu'en continuant comme ça, ce sera un cercle vicieux.

Je ne rétorque rien. À vrai dire, mon esprit divague beaucoup.  J'ai l'impression qu'à tout moment, je pourrai m'effondrer. La fille de Monroe se remet à pleurer, alors je la berce, je fais de mon mieux pour qu'elle se calme mais rien n'y fait. Alors Louis s'avance vers moi et tend les bras. J'hésite un instant mais croise son regard empreint d'une compassion inconnue jusqu'alors chez sa personne.

— Tu ne peux pas laisser le corps de ton ami ici, dit-il simplement.

Je me pince les lèvres, mon cœur bat la chamade. Pour la première fois depuis longtemps, peut-être même depuis toujours, je me sens seul, perdu et je rêverai que Marius soit près de moi. C'est moi le grand frère et pourtant, mon petit frère a toujours eu une prestance rassurante. Peut-être également le fait qu'il est tout ce qu'il me reste de cher à cet instant.

Je confie à Louis la petite, alors il commence à la bercer, à lui sourire et lui parler d'une voix douce pour la rassurer. Je sais au fond qu'il se sent mal, et je suppose que c'est suite à la mort d'Alice.

Je retourne dans la cabane ou Sam n'a toujours pas bougé. Je m'accroupis devant lui, l'observe un instant, un pincement au cœur.

— Tu méritais mieux... soufflé-je.

Je décide de porter son corps et retrouver Louis dehors. Nous traversons alors la forêt pour rejoindre le corps de ferme où nous nous étions rendu avec Monroe et Alice.

Louis m'ouvre la portière de sa voiture, là où je dépose le corps de Sam avec délicatesse, à côté de celui d'Alice. Je referme rapidement la portière et jette un coup d'œil à Jess, sur le sol, un trou dans la poitrine mais son cœur n'est plus là. Pendant un instant, mon esprit s'égare dans des souvenirs qui me paraissent si lointains, quand Jess n'était encore qu'une gamine effrayée, amoureuse et perdue...

Cependant un grognement bestial me fait revenir à moi. Je me retourne, tout comme Louis qui garde le bébé dans ses bras. Nous sommes face à un loup au pelage aussi blanc que la neige en hiver, aux yeux rouges comme le sang qui tache le sol de cette ferme. L'animal montre ses crocs, de la bave dégouline de ses babines et ses yeux ne montrent que de la rage, notamment envers Louis qui tente de calmer la petite qui se met à pleurer dans ses bras.

C'est à cet instant que je me rends compte d'une chose, une chose qui me trouble aussitôt. Tout d'abord, je tente de comprendre, de rationner. Un loup-garou se transforme sous la lune lorsqu'elle est pleine, apparemment maudit par ses rayons dès sa naissance. Mais dès que la lune disparaît et laisse place à la chaleur réconfortante du soleil, alors le loup reprend forme humaine, toute bestialité disparaît. Aucun loup-garou ne peut conserver sa forme animale lorsque le jour est levé et la pleine lune dissipée.

Pourtant, on sent clairement que cette louve est en colère et souhaite protéger une chose qui lui est cher. Un enfant. Son enfant.

— Monroe... soufflé-je.

Je tente de faire un pas en avant, cependant le loup braque son regard menaçant sur moi et claque des mâchoires tout en grognant davantage. Alors je me fige.

— C'est moi... c'est Max...

Elle me fixe, et au fond je reconnais son regard. Un regard empreint de peur, de tristesse, d'incompréhension. Je décide alors de la regarder avec les yeux de ma bête, afin qu'elle se rende compte que nous sommes pareil tous les deux. Le loup finit par cesser de grogner, il nous observe un instant avant de disparaître dans les fourrées.

Je reste stoïque un instant puis croise le regard de Louis.

— Elle est en vie... déclaré-je déconcerté.

— Oui mais...

— Ce n'est pas normal... il faut qu'on la libère.

— Comment ?

C'est la question que je me pose. Instinctivement, je pense à quelqu'un en particulier. Je pense que ce peut être la seule personne en capacité de libérer Monroe. Tout simplement car ce sont des âmes sœurs.

— On doit aller chercher Marius.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top