23. Nouvelle rencontre 🌘
Je tente de publier au moins deux à trois fois par semaine comme auparavant. Ce rythme ne restera pas cependant.
Penchée au dessus du lavabo, je frotte mes cheveux comme je le peux, les mains noircies par les produits. Je les frotte, les rince, et les frotte à nouveau. Je ferme le robinet puis me redresse pour faire face à mon reflet.
J'ai dit adieu à mes cheveux orangés. Adieu Le Roux. J'ai opté pour du brun. J'ai l'air d'une gothique ou de Morticia dans la famille Adams. Ceci dit, c'est à peu près la même chose.
J'ai décidé de teindre mes cheveux à cause de l'altercation d'hier soir.
Alors que je rentrais du travail en traversant une ruelle sombre, je me suis sentie suivie. Au moment même où je me suis retournée prête à me défendre. L'individu m'a plaquée contre le mur. Une lame contre la gorge.
— Il m'avait dit, trouve une fille aux cheveux oranges. Je t'ai trouvé. Monroe.
J'ai dû me défendre. Alors je l'ai tué. Tout simplement. J'ai commencé par lui casser le bras. Et j'ai fini par lui tordre le cou avec une irréprochable envie de trouver son cœur pour le dévorer. Mais j'ai su me retenir.
Ça ne faisait même pas six mois que j'avais quitté Hellbound.
Alors adieu aux cheveux oranges.
— Bonjour à la nouvelle Monroe, soufflé en confrontant mon reflet.
Et voilà que le temps a défilé plus vite que les saisons elles-mêmes. J'ai passé trois hivers, printemps, étés et je passe mon quatrième automne, loin de Hellbound.
Ce matin je marche sur le trottoir en direction du travail. Les feuilles mortes craquent sous mes pieds, un son que j'aime particulièrement entendre. Les vitrines des magasins et les maisons sont décorées en l'honneur d'Halloween. Je souris légèrement en voyant tous leurs efforts pour effrayer les passants.
J'entre dans le restaurant et m'empresse de me rendre dans les vestiaires pour enfiler ma tenue de travail. J'attache mes cheveux dans un chignon, puis lace mes chaussures.
— Tu viens à la soirée d'halloween ce soir Monroe ?
C'est Sasha qui me demande ça. Ma collègue. Elle a seulement deux ans de moins que moi. J'approche grandement de la trentaine, en fait, dans quelques jours j'aurai trente et un ans. Mais je préfère ne pas y penser.
— Hm, non je ne pense pas, j'envisageais de m'acheter un énorme paquet de pop corn et regarder des bons vieux films d'horreur avec une bière.
— Monroe ! Fais pas ta coincée et viens faire la fête avec nous. Il y aura de l'alcool, des déguisements, des mecs célibataires...
— Où est-ce que ça se passe ?
— Au bar le plus branché de la ville !
— Trop peu pour moi.
Je m'avance vers la porte mais elle se poste devant moi.
— Tu pourrais te déguiser en infirmière sexy, histoire de te trouver un joli patient à soigner.
— J'ai pas envie de ça.
— T'es une éternelle célibataire. La chair fraîche... ça te tente pas ?
— Nope !
Je passe à côté d'elle et commence mon service. J'étais prof de musique avant de retourner à Hellbound mais depuis presque quatre ans je suis maintenant serveuse dans un restaurant gastronomique. C'est un endroit assez calme et serein. Ça me plaît de travailler ici. J'ai un contact social, chose que je détestais avant. Aujourd'hui, j'en ai besoin, même si j'apprécie me retrouver seule chez moi.
La matinée se passe comme suit : mise en place des couverts, nettoyage de la salle, réception des premiers clients, écouter les blagues douteuses de Sasha.
Alors que je prépare le chocolat chaud chantilly de mon client Sasha vient se poster à côté de moi.
— Dis oui, pitié !
— Non.
Je prends mon plateau et lui jette un regard. Elle est vraiment trop mignonne. Une petite blonde, toute mince, les yeux bleus, pétillante et rayonnante de vie. Il est difficile de lui résister.
— Monroooooe !
— Si je viens je ne prends qu'un seul verre.
— Bien-sûr, juste un !
— OK... et je me déguise comme je veux !
— Évidemment !
Je lui souris et pars m'occuper de mes clients. Ce sont des journées épuisantes en temps normal. Alors le reste de l'après-midi, je le passe allongée dans mon lit à faire la sieste. J'ai pu me trouver un appartement plutôt sympa, dans lequel j'ai pu emménager un salon comme dans mon premier appartement à Hellbound quand j'étais encore étudiante. J'ai même trouvé un piano bar pour pas cher, il est en piteux état mais je l'ai revernis et bouché les trous. Le son n'est pas si mal.
Je n'ai plus entendu parlé de Max, Marius ou même Sam. Les trois garçons que j'ai le plus aimé dans ma vie sont à présent des fantômes de mon passé. Je ne passe pas un jour sans y penser mais j'ai appris à faire mon deuil, à vivre avec un trou dans le cœur. Dès que j'ai rencontré Sasha, elle a su combler ce vide à la perfection et je lui en serai toujours redevable. Elle ne sait pas grand chose de ma vie et j'ai trouvé l'excuse d'avoir été larguée et de ne m'être jamais réellement remise de cette rupture.
En presque quatre ans, je n'ai plus revu à travers leurs yeux non plus. Je suis seule, totalement seule. Et j'ai su apprendre à gérer mes transformations. Je ne dirais pas que je suis en osmose avec le loup car ce n'est pas le cas. Je continue de perdre la mémoire et chaque pleine lune est synonyme de souffrance intense. Je peine à m'habituer à tous mes os qui se brisent un par un, au changement de mon corps et à la douleur que ça engendre. Mais je n'ai pas le choix. C'est ça la malédiction de la lune.
Chaque jour également, je pense à ma mère. Chaque mois, je lui envoie une lettre, que je ne signe pas. C'est peut-être idiot car elle est peut-être morte mais c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour me dire que j'ai encore un lien avec elle.
Mon déguisement de ce soir, ce sera le petit chaperon rouge. J'ai sorti ma robe blazer rouge pourpre, mes petits escarpins et mon plus beau rouge à lèvres. Mon collant est troué et j'ai légèrement fait baver mon mascara. Le petit chaperon rouge n'a pas pu échapper au grand méchant loup sans quelques égratignures.
Je rejoins Sasha au bar. C'est ici que j'ai passé la plupart de mes premières soirées lors desquelles je buvais des litres et des litres d'alcool pour oublier ma peine.
Aujourd'hui, je peine à me souvenir du son de leur voix ou même de leur visage. C'est comme un lointain souvenir qui commence à être brouillé malgré moi.
L'ambiance ici est complètement folle. Les gens dansent sous la lumière des projecteurs qui ne cesse de scintiller. La musique est très forte, l'alcool coule à flot, tout comme cette odeur de sueur. Il faut crier pour s'entendre.
Je me dirige aussitôt vers le bar et commande deux verres pour Sasha et moi. Elle est déguisé en infirmière zombie mais il lui manque grandement du tissus. Elle aussi est célibataire et croque la vie à pleines dents !
— Gin tonique, tout ce dont on avait besoin ! Dit-elle par dessus la musique.
Les costumes sont divers. Il y en a certains déguisés en loups-garous. Ceux que l'on peut voir dans les films au cinéma. Ça me fait rire, je l'avoue. Moi mon déguisement, je l'ai tous les mois. C'est donc Halloween tous les mois.
Lorsqu'on me sert mon verre, je le bois d'un cul sec et le pose sur le comptoir.
— Et voilà, verre bu, au revoir !
Sasha me retient pas le bras en rigolant.
— Dis-moi que tu n'es pas sérieuse Monroe ?!
— J'avais dit un verre !
— Allez, juste un autre et une petite danse !
Sasha me sort son regard le plus dramatique. Je grimace mais reste au bar. Évidemment, je suis prise au piège et je m'enfile les verres à la chaîne. Sasha tient moins bien que moi l'alcool en partie car elle n'a pas les gènes d'un loup garou.
Me voilà ivre.
Je ne sais pas combien de temps j'ai passé au bar mais je sais qu'ici il fait très chaud et qu'à force de boire et danser, mes cheveux collent à ma peau.
On a bu, danser.
Puis on a danser et bu.
Je me suis amusée c'est vrai. Mais tout tourne autour de moi. Je suis déshinibé. Mon insociabilité est mise de côté ce soir.
Sasha boit cul sec son shot de tequila puis s'appuie sur le bar. Elle me regarde mais ses yeux louchent à moitié.
— À ta droite, y'a un homme plutôt mature qui semble à fond sur toi ! Je dis ça... je dis rien... !
Elle se redresse, tape sur le bar et pointe du doigt le barman.
— Remets nous un mètre beau gosse !
Et elle retourne sur la piste de danse. Je tourne la tête sur la droite d'une façon que je veux discrète. Ivre comme je suis, je ne suis pas certaine de l'être, discrète. Un homme d'une cinquantaine d'années ou peut-être plus s'y trouve. Il n'est pas déguisé lui, il porte un costume qui vaut une fortune, sa montre en or m'éblouie presque. Ses cheveux poivre et sel sont plutôt mignons et il semble plutôt bien entretenu pour son âge. Je lui souris légèrement puis détourne le regard. Je suis tellement ivre que la seule odeur qui parvient à mes narines, c'est celle de l'alcool qui coule dans mes veines.
Je bois un shot puis sens une présence à côté de moi.
— Je crois n'avoir encore jamais vu de si belles femmes boire autant de litres d'alcool sans se retrouver coucher ou la tête dans la cuvette des toilettes.
J'attrape un nouveau shot et l'approche de mes lèvres.
— Il faut croire que nous ne sommes pas comme toutes les femmes.
Je le bois à nouveau et grimace tout en le retournant sur le bar.
— C'est sûr... vous dégagez une beauté incroyable.
Je lui jette un regard. Je vois trouble mais je vois tout de même sa beauté et sa prestance. Ses yeux bleus sont incroyablement hypnotisant. Ils me rappellent ceux de Marius.
— Vous vous...
Je tourne ma langue dans ma bouche avant de terminer ma phrase. Cette ressemblance me trouble et je me sens soudain à la mauvaise place. Je me lève et titube légèrement en arrière alors il me rattrape par le bras.
— Vous avez visiblement beaucoup trop bu.
— Je vais rentrer, merci.
Je cherche Sasha en me perchant sur la pointe des pieds mais je ne la trouve pas alors je décide de sortir prendre l'air.
Une fois dehors, loin de ce brouhaha qui m'assourdissait, je m'appuie contre le mur et inspire profondément tout en passant mes mains dans mes cheveux gras. Après presque quatre ans, je devrais être capable de gérer ce genre d'émotion.
La porte s'ouvre laissant s'échapper quelques effluves des substances qui circulent à l'intérieur. Puis ce type de poste devant moi.
— Souhaitez-vous que j'appelle un taxis ?
Je relève les yeux vers lui.
— Vous ne lâchez pas l'affaire vous. Quel âge avez-vous ? Cinquante ? Soixante ans ? Je ne suis pas un peu trop jeune pour vous ? Je pourrais être votre fille.
— L'âge compte t'il vraiment ?
Je pouffe de rire et me pince les lèvres.
— Laissez donc la pauvre fille que je suis survivre comme elle le peut à cette soirée.
— À ce stade, vous n'allez pas survivre mais faire un coma éthylique.
Je secoue la tête et esquisse un sourire. Quatre ans que je n'ai pas discuté avec un homme. Tous les hommes qui ont pu m'approcher ont été aussitôt rejeté. Je ne sais plus ce que c'est que le plaisir de s'adonner à des occupations charnelles, je ne sais plus ce que c'est que d'embrasser quelqu'un, que de sentir quelqu'un contre soit. Le seul que je voulais sentir, c'était Marius... mais il a tout bonnement disparu de la surface de la terre. Le rechercher était peine perdu. J'ai fini par abandonner après plus d'un an quand j'ai compris qu'il ne voulait pas être trouvé.
— Qu'est-ce que vous attendez de moi bel inconnu ? Que je vous invite chez moi, que j'écarte les cuisses et que vous repartiez dès le levé du soleil ?
— Ce peut être un programme en effet...
Je le fixe un instant sans un mot. Il est très fort à parier que l'ancienne Monroe aurait fait ce genre de choses. Alors je tente de me dire que enivrée d'alcool, ça passera mieux.
Pardonne-moi Marius.
J'attrape sa nuque et l'embrasse langoureusement. Je ne lui laisse en fait pas le choix et il ne me repousse pas. Sa langue vient s'enrouler avec la mienne sans préliminaires.
Cette soirée se termine donc chez moi, nus, dans mon lit. Ses vas et vient sont plutôt brutaux et je dois dire que je me laisse faire comme la garce que j'ai déjà su être, à quatre pattes, je me tiens à la tête de lit et gémis à chacun de ses coups de rein. Lui grogne comme un animal et plonge en moi sans ménagement. L'alcool m'aide à moins sentir cette brutalité mais je dois dire que je ne sais pas si j'apprécie ou non. Chaque fois que ses hanches claquent mon derrière, des flashs me reviennent en tête.
Sa bouche, ses mains, ses bras, son torse, ses cicatrices, son visage, ses yeux bleus. Marius, Marius et encore Marius. Comme s'il était là, comme s'il m'observait. Comme si je le trompais.
C'est même son prénom que je cris quand il vient en moi et que j'atteins l'orgasme. Je laisse glisser mes mains sur les oreillers et lui se penche contre moi, sa chaleur me fait transpirer et il approche sa bouche de mon oreille.
— Je m'appelle Gabriel pour information...
Puis il se relève. Je ferme les yeux, me glisse sous la couette et serre le coussin contre moi. Quelle idiote. J'ai vraiment osé crier son prénom ? Comme une imbécile ! Je viens de coucher avec un inconnu dont je ne connaissais même pas le nom. C'est toujours comme ça que les ennuis commencent.
Heureusement, le fait d'être saoule peut excuser la chose. De plus, je ne résiste pas bien longtemps avant de laisser mes paupières se clore et m'abandonner aux bras de Morphée.
La nuit sera agitée.
Entre mes allées retours aux toilettes et ma culpabilité, je passerai la journée qui suit au fond de mon lit.
Je n'ai jamais apprécié les soirées.
Je comprends mieux pourquoi.
Je me rends aussi compte que tout ce que je pensais avoir laissé derrière moi ne l'est pas tant que ça.
Un cœur met bien trop longtemps à guérir.
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