22 - Toucher la Mort du bout des doigts 🌕

— La lycanthropie est une malédiction, la transformation d'un loup-garou est terriblement douloureuse mais l'est-elle autant que ce que je ressens pour toi ?

Je me souviens de ces quelques mots, soufflés par Marius un soir incroyablement frais, près de son chalet, au bord du lac. Ce même soir, lorsque j'avais décidé de rejoindre Max pour l'aider.

— Alors tu souffres ? M'étais -je étonnée.

— Chaque jour qui passe depuis que je te connais.

J'avais gardé les bras croisés, fixant l'horizon et les reflets de la lune sur le lac paisible.

— Monroe, si tu pars et que tu ne me reviens pas, j'en mourrai. Ce Lien Lunaire, c'est certain que nous l'avons.

— Tu n'en sais rien...

— Je le ressens ! Je sais au fond de moi et ce depuis le premier jour de notre rencontre que tu es mon âme sœur !

— Arrête Marius...

— Max réapparaît et ça y est... tu oublies tout !

— Non ! Je n'oublie rien mais je ne peux pas non plus oublier à quel point ton père est monstrueux, à quel point tu m'as détruite. Toi comme Max, vous m'avez fait tellement de mal ! Moi aussi je souffre, et je préfère de loin la transformation à ce que j'éprouve pour toi.

Je m'étais tournée vers lui pour lui parler.

— Cette histoire me suivra toute ma vie, avais maugrée Marius. Combien de fois je vais devoir te répéter que je ne suis pas ce monstre qui me sert de père !?

— Autant de fois qu'il le faudra afin que j'oublie qu'à chaque fois... tu m'abandonnes.

Il s'était rapproché de moi, avait posé ses mains sur mes joues pour me regarder droit dans les yeux. Le bleu de ses iris en pleine nuit était plus foncé mais rappelait vaguement les rayons lunaires.

— Je ne t'abandonnerai plus jamais.

— Je sais que tu le feras...

— Fais moi confiance.

J'avais secoué la tête de droite à gauche.

— Tu ne m'as jamais dit que tu m'aimais.

Il était resté muet.

— Le jour ou je te dirai ces mots, ce sera parce que je saurai pertinemment que Max ne fait plus partie de toi. Aujourd'hui je comprends que ce n'est pas le cas. Mais je n'ai pas envie de te jeter la pierre, ni de te repousser. J'ai envie de profiter de chaque instant avec toi. Regarde comme la vie est fragile Monroe... tous nos amis sont morts, tu l'as frôlé en tombant de cet immeuble mais tu es là... jusqu'à quand ? Ce n'est pas parce que nous avons des dons que nous sommes immortels. C'est la Lune qui décide, seulement elle.

Je n'avais rien répondu et Marius m'avait tirée par le bras pour me coller contre lui et m'enlacer. Il m'avait serré de toutes ses forces, s'était détaché de moi et avait sondé mon regard.

— Si tu penses que Max est en danger, je te suivrai mais sois certaine que je tuerai Gabriel. Car rien ne pourra jamais pardonner sa monstruosité. Ce sera là ma seule rédemption. Celle de soigner tous tes maux.

J'avais hoché la tête, les larmes au bord des yeux. En partie car j'étais persuadée de ne jamais me remettre complètement de ces viols. Marius m'avait embrassé tendrement et je m'étais laissée guidée. Mon attirance pour lui était inévitable, ses mains se baladant sur mon corps me procuraient des frissons, ses baisers humides sur ma nuque hérissaient mes poils, son corps contre le mien déclenchait des gémissements incontrôlables. Sous cette lune étincelante le dernier soir que j'avais partagé avec Marius, nous nous étions unis à nouveau. Comme à chaque fois, c'était l'amant de ma vie, de mon cœur et de mon être tout entier. Peut-être même mon âme sœur.


— Qu'est-ce qu'on doit faire ?

— J'en sais rien ! Le soleil va se coucher et la pleine lune va prendre la relève. On n'aura pas le temps de la sauver ! Je sens que c'est en train de monter en moi...

— Je ne me transformerai pas... je suis bien trop faible... souffle Sam.

— On doit trouver le moyen de la sauver Sam ! On ne peut pas la laisser mourir !

Je suis déjà en train de mourir. Sam m'a déposé doucement sur le sol poussiéreux d'une vieille cabane, mais je n'ai plus la force de me lever, ni de parler. Je les vois, néanmoins ma vue se brouille de plus en plus. J'entends leur voix mais elles semblent si loin à la fois. Mon enfant dans les bras, Max panique et plus il panique, plus ma fille hurle et pleure. Sam est à genoux, les flèches toujours logées dans sa peau. Alors Max se penche vers lui pour lui laisser mon enfant. Sam garde ma petite fille dans ses bras et la berce doucement, tandis que Max remue des épaules, sa nuque craque et pour éviter tout tracas, il quitte la cabane à toute vitesse sans un regard pour nous.

Nous voilà dans un silence pesant, ma respiration  devient de plus en plus lente. Les battements de mon cœur également, il bat si peu, si lentement...

— Il faut que tu te battes Monroe... déclare Sam d'une voix tremblotante.

Je ne vois presque plus son visage, je distingue sa silhouette, agenouillée, voûtée, un bébé dans les bras , des flèches martelant son dos.

— N'abandonne pas ta fille...

Je crois le voir relever la tête vers la fenêtre par laquelle passent les rayons de la lune. Une lune ronde, pleine, étincelante et plus forte que jamais. Une lune qui a vu tout ce sang couler aujourd'hui et qui s'en est nourri.

— N'abandonne pas Max...

Il déglutit et renifle, fixant la lune et ses reflets tandis que je tente de rester en vie. Tandis que j'ai simplement l'impression d'entendre et voir mais ne plus avoir de corps. La sensation de n'être plus que le souvenir de moi-même. Ma respiration est sifflante, douloureuse, lente, agonisante. Et je sais que ces sons terribles parviennent jusqu'aux oreilles de Sam alors que ma fille, sereinement, s'endort dans ses bras.

— Ni même Marius... ou qu'il soit aujourd'hui...

Il serre ma fille contre son torse.

— Ne m'abandonne pas moi...

Il tourne la tête vers moi. Son visage m'est flou, presque imperceptible mais j'ai la sensation de voir son regard. Je revois tous nos souvenirs, tous nos éclats de rire, de pleurs, nos moments de plaisir, de partage...

— Allez Monroe ! Grogne-t-il. Sors, sors et montre à cette putain de Lune qui tu es ! Un Lien Lunaire ? Un foutu lien qui brise deux âmes ! C'est hors de question ! Alors sors ! Le loup te guérira ! Allez !

Je suis allongée sur le dos, je le regarde un instant, du moins je crois le regarder mais je ne sais même plus si je suis vivante. Dans un élan, je me retourne sur le ventre, ce qui fait palpiter mon cœur et me donne un sursaut. Je décide de ramper jusqu'à la porte entièrement ouverte. Je rampe tant bien que mal, et chaque geste me vaut un effort indescriptible tant mon être tout entier souffre. Ma poitrine est serrée, étouffée, mon cœur s'arrête, je le sais, je le sens.

Marius m'a toujours dit d'être en harmonie avec le loup, il m'a toujours dit qu'on ne faisait qu'un avec l'animal et c'est lui, ce loup, ce monstre, qui nous donne tous ces dons hors normes. Alors je peux accepter mon sort : celui de mourir avec Alice, ma meilleure amie. Ou bien affronter cette Lune meurtrière, maudite, et ne faire plus qu'un avec le monstre qui vit en moi. Ce même monstre qui m'a sauvé la vie tant de fois.

Alors je rampe.
Encore.
Et encore.

Et mon cœur s'estompe, tout comme ma vie.

Je serre la terre dans ma paume pour me hisser hors de la maison, sous les rayons de la lune, puis j'abandonne. Je n'avance plus, je ne bouge plus. Je garde ma joue en contact avec la terre froide et je fixe un point droit devant moi. Plus aucun son ne parvient à mes oreilles, si ce n'est les derniers battements de mon cœur.

Boum.
Boum.

Chaque coup que tu prendras, ne te tuera pas. Chaque fois que tu survivras, tu en deviendras plus forte. Parce que c'est ça Monroe, les Alphas. Les véritables Alphas.

Ces paroles prononcées par Marius résonnent dans mon esprit, comme le dernier murmure de mes souvenirs.

La Lune nous a maudit, cependant nous pouvons subir cette malédiction, ou tout simplement accepter d'être maudit.

Et moi je l'accepte.
Je suis maudite par la Lune.

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