22. La lune rouge 🌕
Je tire sur mon t-shirt AC/DC, passe une main dans mes cheveux pour leur donner du volume et j'inspire profondément avant de frapper à la porte de sa chambre. Je sens mon cœur qui palpite quand j'entends qu'il bouge de l'autre côté. Je suis idiote. Pire qu'une adolescente amoureuse du type cool de son école.
Max ouvre la porte et baisse les yeux vers moi. Ses cheveux sont lâchés aujourd'hui, il a abandonné son fameux chignon pour laisser sa tignasse à l'état sauvage. Torse nu, il me dévoile des cicatrices et tatouages. Tous mêlés, on dirait un labyrinthe de lignes, certaines sont blanches et d'autres à l'encre noir, mais dans les deux cas, indélébiles.
— Max... hm... je voulais qu'on parle toi et moi.
Je ne suis pas très assurée mais ce soir est un grand jour. Il tient sa porte, le muscle de son bras tendu m'offre une vision agréable.
— J'ai rien à dire Monroe, t'as fait ton choix.
— En parlant de choix... j'ai essayé de rectifier la donne, tu sais ?
— Pour quoi faire ? Parce que tu ne veux pas vivre avec de la culpabilité ? Arrête donc de vouloir être parfaite, t'es bourrée de défauts, accepte les et assume tes erreurs.
— Tu penses l'être toi ? Tu penses assumer tes erreurs ? M'offensé-je. Si c'était le cas Max, tu m'aurais déjà tout avoué pour Alice. Ce n'est pas le cas. J'essaie de recoller ce qui est brisé entre nous alors que tu as tué deux de mes amis !
Il m'attrape farouchement le bras et me tire dans sa chambre. Il ferme sa porte et me colle contre celle-ci. J'ouvre de grands yeux, je n'ai rien vu venir. Pourtant, ce soir c'est la pleine lune mes sens devraient être décuplés. Il pose sa main contre la porte, m'emprisonnant entre ses muscles. Malgré tout, j'ose soutenir son regard.
— Samuel n'est pas mort, avoue-t-il.
Je fronce les sourcils.
— Tu es revenu couvert de sang...
— Oui... mais il n'est pas mort.
— J'ai du mal à comprendre Max.
— Je peux pas vraiment t'expliquer en sachant que les murs ont des oreilles.
Il se redresse finalement me laissant là l'occasion de respirer. Il était si proche de moi, si viril et si fort que j'en avais arrêté de respirer. Je me décolle de la porte tandis qu'il me tourne le dos et passe une main dans ses cheveux rebelles pour finir par toucher sa barbe parfaitement taillée.
— Qu'est-ce que tu as fait ? m'enquis-je.
— Il fallait que ça paraisse réel.
Il attrape un t-shirt sur sa chaise de bureau qu'il enfile à la hâte avant de se tourner vers moi, quelques mèches de cheveux retombant en désordre sur son front.
— C'était son sang que j'avais sur moi.
— Et... où est-ce qu'il est maintenant ?
— Dans un endroit sûr.
— Comment a-t-il pu survivre ?
— Comment toi tu as survécu ?
— Max... tu... tu l'as mordu ?! m'offusqué-je.
Il pousse un profond soupir tandis que mon sang ne fait qu'un tour.
— Très légèrement. Je lui apporterai les soins nécessaires.
— Il va se transformer ?!
— Je ne pense pas, il a pas les mêmes symptômes que toi. Tout le monde ne peut pas devenir comme nous.
— Alors il va succomber à ses blessures ! Ça fait des jours, Max !
— Arrête donc de hurler ! Tu veux que ça se sache ?
Je me mords les lèvres et tente de me canaliser. Avec la pleine lune qui approche, mon corps et mon âme ne répondent plus vraiment à mes ordres.
— J'ai épargné ton ami mais Marius est loin d'être stupide. Il a le flair, si j'avais tué une biche ou que sais-je encore, il l'aurait deviné tandis que là, avec son sang sur moi... il n'y a vu que du feu.
— Tu l'as épargné tu dis ? Imagine donc qu'il succombe !
— Je ferai en sorte que ça n'arrive pas.
— Comment ?
Je me calme enfin, c'est une chance qu'il soit encore en vie et j'aimerais le voir mais je ne peux pas. D'ailleurs, peut-être bien qu'il ne voudrait plus me voir parce que je suis un monstre et que je n'ai plus de secret pour lui.
La nuit est tombée et alors que Max s'apprête à me répondre, le hurlement glaçant d'un loup retentit. Mes poils se hérissent, mes oreilles s'ouvrent et ce qui vit à l'intérieur de moi se réveille brutalement. Ma respiration s'accélère, ma chaleur corporelle augmente, ma vue se trouble. Max attrape ma main et sort de sa chambre.
— Ça va aller Monroe.
Nous longeons le couloir alors que ma nuque craque lentement, que mes gencives s'enflamment et que mon souffle devient de plus en plus rauque.
— Qu'est-ce que c'était ? balbutié-je.
— C'est Marius, c'est l'heure.
Je n'ai pas le temps de lui répondre, je tombe à genoux et me cambre en arrière lorsque mes deux bras se déboîtent. Le loup veut sortir, c'est son moment et plus le mien. Je hurle de douleur alors que Max s'agenouille devant moi en saisissant ma tête entre ses mains.
— Respire et ne lutte pas, me conseille-t-il.
Me voilà dégoulinante de sueur, j'oublie cette douleur à chaque fois et je ne devrais pas. Il se lève le temps de quelques secondes, déboutonne son pantalon rapidement et retire son t-shirt. Il pose ses deux mains sur le plancher et tente de calmer sa respiration. Le hurlement retentit à nouveau, tout aussi glaçant que la première fois. Cela déclenche en nous toutes sortes d'ondes qui poussent le monstre à sortir avant l'heure.
Chaque fois que l'un de mes os se brise, je hurle. Je vois Max lutter pour rester avec moi, je me retrouve bientôt allongée sur le sol, démembrée et en souffrance. Je croise alors son regard, je vois ses muscles se bander tant il lutte et il colle son front contre le mien.
— Je suis là, grogne-t-il entre ses dents. Laisse-toi aller.
Alors je ferme les yeux, m'abandonnant à cette douleur vive et déchirante.
Quand je les rouvre, je vois rouge, à nouveau. Mon pouls est plus rapide, et les douleurs se sont dissipées. Je ne suis pas seule, il y a ce fabuleux loup noir avec moi, ses yeux bruns croisant les miens, je sais que je peux le suivre.
Nous nous rendons dehors, là où les arbres semblent plus hauts, où l'air me parait plus frais. Nous rejoignons la meute et très vite nous sommes encerclés. Un loup à la robe grisée s'avance vers nous, je reconnais aussitôt Marius. Je parviens à rester éveillée mais jusqu'à quand ? Quand vais-je perdre le contrôle ? Le fait d'être près de Max m'aide à tenir bon, mais je sens que son heure est venue. Les deux loups se tournent autour, dévoilant leurs crocs, émettant des grognements bestiaux. Puis, le loups gris se jette sur le noir pour griffer son museau et le saisir à la gorge à l'aide de ses puissantes mâchoires. Les voilà alors qui roulent dans la terre, en aboyant, en grognant, en se donnant des coups de dents. Nous sommes spectateurs d'une bataille et nous sommes impuissants. Très vite, les deux bêtes se relèvent et s'affrontent, babines retroussées, crocs acérées, ils saignent, leur pelage est sali par la terre et le choix de Max est loin d'être celui que je souhaitais.
Je le vois qui tourne le dos à son alpha et qui cours, à l'opposé de moi, de mon loup. Je veux le suivre mais Marius s'interpose, se postant juste devant moi, les poils hérissés, les yeux voilés et les crocs menaçants. Je fais volte face, je lutte, je dois restée éveillée mais je le sens, lui, qui s'éloigne, mon Lien, ma Lune. Je me mets à courir aussi vite que je le peux, sauvage et en proie à une angoisse immense. Je slalome entre les arbres à une vitesse incroyable, à la recherche de Max que je ne semble pas trouver. Il faut que je me concentre sur mon odorat, que je cherche le moyen de le sentir. C'est comme si quelqu'un était en train d'enfoncer sa main dans ma poitrine, comme si cette personne saisissait mon cœur et à mesure que Max me sème, il le broie, le serre, le poignarde et me l'arrache, pour le jeter sur le sol et le brûler vif.
Alors mon âme s'endort, parce que j'ai perdu, je l'ai perdu, lui. Je ne lutte plus, je m'abandonne à mon loup. Les seuls souvenirs qui me restent en tête de cette nuit de pleine lune, c'est le sang, celui d'un animal à qui j'ai arraché la vie, que j'ai dévoré sans pitié, en colère, affamée et attristée.
Quand les premiers rayons du soleil réchauffe ma peau couverte de terre sèche, j'ouvre difficilement les yeux. Je grelotte, allongée dans les feuilles mortes complètement nue. Je mets ma main devant mon visage et louche sur le sang séché qui les tâches. Puis mon cœur se remet à battre normalement, en frappant violemment ma poitrine. Je tremble de tout mon être et je ne le sens plus. Mon Lien, ma Lune...
Alors que mes larmes noient mes yeux, que mes dents s'entrechoquent, je serre ma poitrine et me recroqueville sur moi-même en poussant un cri étouffé.
Je suis là.
Non ce n'est pas vrai, tu n'es pas là Max.
Tu m'as abandonnée.
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