21 - Le Lien Lunaire 🌕

Peu de temps après que Louis nous ait indiqué que les autres allaient se ramener, nous entendons les roues et le moteur de plusieurs voitures.

Nous sortons aussitôt tous les trois, laissant Louis, défiguré, dans la grange. Les chasseurs sortent de leur voiture, tous armés d'arbalètes, certains d'arcs et d'autres de fusils. Nous nous arrêtons à au moins quatre mètres d'eux et évidemment, celui qui prend la tête de ce groupe, c'est mon père.

Mon cœur s'accélère instinctivement, depuis le temps que je ne l'ai pas vu. Je tente de contrôler ma respiration afin qu'il ne puisse pas distinguer que cela me déstabilise. À côté de lui se poste Jessica, avec ma fille dans les bras. Mes larmes noient aussitôt mes yeux, elle a tellement grandi... je ne sais plus combien de temps ça fait qu'ils l'ont enlevée peut un mois ou deux ? Mais j'ai l'impression que ça fait des années. Max saisit ma main pour me faire comprendre que je ne dois pas laisser mes émotions me contrôler mais lorsque j'aperçois Sam de l'autre côté, j'ai l'impression que c'est la goutte d'eau. Je serre la main de Max de toutes mes forces, enfonçant même mes ongles dans sa peau.

— Où est Marius ? Nous avions laissé à Louis, une heure, déclare mon père.

— Marius n'est pas là, rétorqué-je, on ne sait pas où il est. Mais on détient Louis.

— Qui nous dit que vous ne l'avez pas tué ?

Max lâche ma main et rentre dans la grange. Il ressort peu de temps après avec Louis qui garde ses mains liées derrière son dos. Il est toujours légèrement assommé par les coups. Il est salement amoché d'ailleurs.

— Si vous ne me rendez pas mon enfant, je le tue, vociféré-je, je le tue avec mes mains.

— Vous n'êtes pas en position de force, vous n'êtes que trois, constate-t-il.

— Alors faisons un marché, car il y a un ennemi bien plus dangereux que nous, intervient Max.

Mon père lève son menton et ne répond pas. Il a considérablement vieilli. Son visage est ridé mais il semble toujours en forme. N'est-il pas attristé de la disparition de ma mère ?

— Il se nomme Gabriel, c'est un alpha très puissant, qui a une grande meute. Je peux vous assurer, en ayant vu cette meute de près, que ce sont des tueurs et qu'eux, n'auront aucune pitié. Ils ne prendront jamais le temps de discuter avec vous.

— Comment te croire Maximilien ? Tu nous as trahi une fois. Peut-être que ce Gabriel n'existe pas.

— Il dit vrai... souffle Sam.

Les chasseurs lui jettent des regards.

— Ce Gabriel est réel, je l'ai vu.

Mon père semble dubitatif et réfléchir tandis que tous ses compères gardent leurs armes bien en évidence. Je vois ma fille, je l'entends babiller dans les bras de cette garce et je bouillonne intérieurement. Je la tuerai. Non, je vais la tuer, aujourd'hui. Elle paiera pour le mal qu'elle a fait à Marius et pour sa trahison en enlevant mon bébé.

— Et que souhaitez-vous exactement ? S'enquit mon père.

— Une entente. Vous nous aidez à exterminer la meute de Gabriel et on est quitte.

Je regarde Max, étonnée. Je ne savais pas que ça faisait partie du plan. Une entente avec les chasseurs n'est pas possible. Je ne leur ferai jamais confiance. Jamais.

— Mais si vous ne nous rendez pas l'enfant, j'appelle les autres et nous nous faisons la guerre tout de suite, reprend-il.

Max bluffe. La meute est à Hellbound.

— Un loup peut venir de tous les côtés... souffle-t-il. Un loup reste plus vif que vous.

— Ramenez-moi Louis et je l'échange contre la vermine qu'elle tient dans ses bras.

— Non, je récupère mon enfant et on vous envoie Louis ensuite, déclaré-je.

Mon père me regarde. C'est comme s'il ne me reconnaissait pas. Comme si j'étais une inconnue. C'est comme si... il ne m'avait jamais élevée, jamais vu grandir. Finalement, j'ai l'impression que mon enfance n'a jamais existé. Il me fait donc signe d'approcher. Au début Max tient mon bras mais le regard que je lui lance lui fait comprendre que je veux le faire. C'est moi qui récupérera mon enfant. Et j'en profiterai pour exterminer cette traîtresse.

Alors j'avance doucement, sous la menace de leurs armes et leurs regards dédaigneux. Je m'arrête devant Jess qui me regarde droit dans les yeux. Mes lèvres sont retroussées, ma rage m'anime. Lorsque je prends mon enfant dans mes bras, je ferme les yeux un instant, le corps tout tremblant. Et doucement, je retourne auprès des miens. Je la serre contre moi, les larmes aux yeux. Je l'embrasse, garde sa tête contre la mienne. Un soulagement immense m'envahit. Parce que mon enfant est dans mes bras, avec moi, sa mère... mais la tension sur ce terrain ne redescend pas.

Je lève mes yeux vers Max et lui tend ma fille qu'il prend dans ses bras. J'empoigne le bras de Louis et je le ramène à ses amis. Le silence est pesant, terrifiant et met mal à l'aise toutes les personnes présentes. Nous nous méfions les uns des autres, nous nous regardons avec défi.

Je m'arrête devant mon père et je pousse Louis contre lui. Notre prisonnier manque de s'effondrer mais se fait rattraper par ses camarades qui s'empressent de défaire ses liens. J'avance de seulement deux pas sur le côté et je regarde Jess à nouveau.

— Je me demande ce qu'ils ont bien pu te trouver. Tu aurais dû mourir dans cette cabane, Max a seulement eu pitié de toi.

— Monroe, reviens, entends-je derrière moi.

C'est Max qui dit cela. Je suis incapable de m'en aller, parce que cette traîtresse a fait souffrir beaucoup trop de monde. Je veux y mettre un terme. Et je veux montrer aux chasseurs que nous ne nous soumettrons plus.

— Je cherche simplement à les sauver tous les deux, grogne-t-elle.

— Et finalement, c'est toi qui péri pour tes actes.

Elle fronce les sourcils et tout va si vite. Je vois rouge comme mon loup et sans prévenir, sans que personne ne s'y attende, j'imite Marius. J'enfonce ma main dans la poitrine de Jess à l'aide des griffes qui remplacent mes ongles.

— Monroe ! Non ! Cri Max.

Mais c'est déjà trop tard. Les pleurs de mon enfant résonnent et les armes se braquent sur moi. Cependant je continue de regarder Jess, haineuse. Ils ne me tireront pas dessus, pas maintenant. Je suis en train de tuer un loup-garou. Je leur mâche le travail. Sa bouche est ouverte, elle peine à respirer, du sang coule sur ses lèvres et ses yeux sont grands ouverts. Je tiens sa vie entre mes mains à cet instant. Je peux choisir de l'éliminer ou de l'épargner. Mais mon loup a soif de vengeance. Alors je lui arrache le cœur, comme Marius a arraché le cœur de son père et de toute sa meute après leur trahison.

— Jess ! Hurle Sam.

Elle retombe aussitôt sur le sol, ses yeux passent du jaune lunaire au bleu avant de se figer sur le ciel. Je garde le cœur encore chaud dans ma main et je me tourne vers mon père, mes yeux rouges comme le sang qui recouvre mon bras. Je le laisse retomber sur le sol et inspire profondément tandis que des grognements résonnent dans le fond de ma gorge et que je lis de la peur dans les yeux de chacun.

— Dans la forêt ! Tout de suite ! Ordonné-je à mes deux amis.

Moi aussi je me mets à courir, j'entends mon père ordonner à ses hommes de nous tirer dessus. Les balles fusent, les flèches aussi. Une balle perce mon épaule, je tombe à la renverse mais me relève rapidement en ignorant la douleur que procure l'argent. Au moment où j'arrive à la hauteur d'Alice, je vois une flèche transpercer sa poitrine. Elle s'arc-boute, s'arrête et tombe tête la première sur le sol.

— NON ! Hurle Louis. C'est ma sœur ! Cessez le feu !

Les chasseurs cessent aussitôt le feu. Moi je retourne sur mes pas et me jette sur le sol pour rejoindre Alice que je retourne sur le dos. Louis me rejoint, il glisse dans la terre sèche, agenouillé devant nous.

— Alice... non... non... pleure-t-il.

Je tiens sa tête contre moi, de mes bras tremblants. Max a continué sa course, les pleurs de mon enfant se font de moins en moins fort. Il a eu raison... pour sauver ma fille. Un filet de sang coule sur la joue blanche d'Alice, Louis tient sa main dans la sienne, et moi je lui caresse les cheveux. Elle lève ses yeux vers moi, sa respiration saccadée.

— C'est... l'histoire de deux jeunes filles... commence-t-elle.

— Ça va aller... murmuré-je.

— L'une aux cheveux d'automne... l'autre aux yeux d'hiver...

Je sens les larmes inonder mon visage et mon menton trembler sans que j'en ai le contrôle.

— Deux filles de la Lune... deux âmes sœurs...

Elle déglutit difficilement, je colle mon front contre le sien, tordue, l'épaule douloureuse. Lorsque je me redresse doucement, son visage n'exprime plus rien, ses yeux bleus restent figés et sa bouche entrouverte.

— Non... non Alice, Alice réveille-toi... murmure Louis presque couché sur elle. Pardonne-moi... je suis désolé...

Mais elle ne pourra jamais se réveiller, elle est morte. Ses enfants n'ont plus de maman. Je sens la rage monter en moi à nouveau, je respire fort et vite, les mâchoires crispées. Je croise alors le regard attristé de Louis. La lueur que j'y lis me semble si différente de d'habitude.

— Fuis, murmure-t-il. Vas t'en.

Je vois clairement dans ses yeux abîmés par les coups qu'il a reçu, que si je ne pars pas, les chasseurs me tueront. Alors je  dépose doucement la tête d'Alice sur le sol, puis embrasse son front délicatement avant de me relever et de me diriger vers la forêt. Cependant je peux entendre mon père, ordonner à ses hommes d'une voix monocorde :

— Tuez-la.

Je reprends ma course vers l'orée de la forêt mais je suis rapidement freinée par une douleur dans ma poitrine. Je m'arrête, ouvre la bouche pour inspirer mais mon cœur ralentit et me brûle de l'intérieur. Je fais un pas en avant mais tombe à genou, le rythme de mon cœur s'amoindrit chaque seconde qui passe. Et je peux entre les chasseurs tirer, tandis que Sam s'y oppose.

Il se jette sur moi, une flèche se loge dans son omoplate. Il grogne mais passe son bras derrière moi et sous mes jambes pour me porter. Ainsi, il court dans la forêt, tandis que ma tête pend littéralement en arrière. Ma vue se trouble, les pulsations de mon organe vital diminuent.

BOUM...

Un carreau d'arbalète s'enfonce à présent dans son dos. Sam pose un genou par terre, pousse un grognement bestial et se relève, slalomant à présent entre les arbres.

BOUM...

Mon ami ralentit sa course, blessé. Son épaule gauche se cogne contre le tronc d'un arbre, il pousse un râle, se cogne dans un autre arbre et titube, me gardant dans ses bras.

— Sam... soufflé-je. Sam... je vais mourrir...

— Je t'emmène en lieux sûrs Monroe, ne t'en fais pas, grogne-t-il en souffrance.

— C'est le... c'est le Lien Lunaire...

BOUM...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top