20. Sauvetage inopiné 🌕
— Parle, grogne Louis.
Son pied heurte mes côtes. Je suis détachée mais à la fois blessée. Il ne cesse de me frapper depuis vingt bonnes minutes. La pleine lune est proche mais je suis affamée, fatiguée, tiraillée.
— Où est l'Alpha ?!
Il attrape une poignée de mes cheveux et relève violemment ma tête. Ma nuque est tordue et je n'ai d'autres choix que de le regarder en face. Il semble vouer une haine indescriptible à ce que nous sommes. Je le comprends. Sa sœur est morte sous les crocs de l'un de nous. À présent, c'est un hérétique.
Je me pince les lèvres et demeure silencieuse. Je vois dans son regard qu'il comprend que je ne dirai rien. J'ai seulement voulu gagner du temps. Comment pourrais-je faire ça à Marius ? Je ne parviendrai jamais à le trahir. Je sais que je pourrai le vendre. Peut-être bien qu'il a tué Sam. Peut-être même qu'il a tué tout le monde. Il mériterait d'être vendu et de mourir mais... la rédemption existe, même pour les monstres.
— Tu m'as menti !
Il lâche mes cheveux et abat son poing sur mon visage. Ma tête valse sur le côté, mon corps est emporté dans cette violence, je pose mes deux mains à plat sur le sol. Du sang coule de mes lèvres mais je me mets à rire. Ce rire est lugubre et semble l'interpeller au vue des battements irréguliers de son petit cœur tout faible.
— Toi aussi tu as menti... grogné-je.
Je fixe le sol et recroqueville mes doigts.
— Vous avez tous menti. Vous aviez dit qu'il y avait une entente. Et vous nous avez piégés.
— On ne fait jamais amis amis avec l'ennemi.
— Moi aussi je vous ai piégé... grommelé-je.
Je lui jette un regard. Il fronce les sourcils mais des coups de feu retentissent. Le faisant sursauter. Le premier réflexe qu'il a, c'est celui de braquer son pistolet sur mon front. Il appuie le canon froid dessus alors que les battements de son cœur se font violents. De l'autre côté, les cris retentissent, des grognements bestiaux, des balles fusent et le sang coule à flot c'est une certitude.
Je le fixe, droit dans les yeux. Ses yeux bruns à lui n'envoient que des éclairs et démontrent la peur, l'incertitude.
— Qu'est-ce qui me retient de te tirer une balle dans la tête, là maintenant ?
— Rien... soufflé-je.
Au fond cette balle arrêterait tout ce calvaire. Elle arrêterait ce lien maudit qui me lit à deux personnes en même temps. Cette balle calmerait mes maux. Endormirait le loup pour l'éternité. Cette balle pourrait être ma rédemption. Notre rédemption. À tous.
— Fais-le, marmonné-je.
J'en ai envie soudainement. J'ai envie que tout s'éteigne. Je veux m'endormir.
Il retire le cran de sûreté, presse son doigt sur la détente. Je ferme doucement les paupières, j'inspire profondément et me sent prête à plonger dans les ténèbres.
Mais rien ne vient. Quand je rouvre les yeux, je vois Max se jeter sur lui en laissant s'échapper un grognement bestial. Le coup de feu retentit aussitôt, Louis parvient à se relever tandis que Max reste au sol. Mes oreilles sifflent un instant. Louis braque son arme sur Max puis sur moi, les yeux écarquillés.
— J'en ai pas fini avec vous ! Couine-t-il.
Il passe la porte. Quelques coups de feu résonnent puis le silence s'abat sur nous comme la foudre. Les râles de Max me font revenir à moi. Je me relève difficilement et me laisse tomber à genoux près de lui. Ses mains pressent une plaie qui saigne beaucoup au niveau de sa hanche. Il cogne sa tête sur le sol, serre les dents. Les tendons de son cou saillent et ses paupières sont closes.
— Ça fait mal ! Hurle-t-il.
Je me souviens de Marius. De la balle d'argent qui l'avait handicapé durant longtemps. Je sais qu'aujourd'hui il en garde des séquelles. Tout comme son dos qui ne se remettra jamais totalement de ses blessures.
— Ça va aller Max, on va arranger ça.
— Comment ?! Monroe regarde dehors !
Je fronce les sourcils alors il rouvre les yeux et affronte mon regard.
— Regarde dehors ! Répète-t-il.
Je me lève, titube jusqu'à la porte. Dans le couloir se trouvent deux cadavres. Deux humains. La trachée arrachée, baignant dans leur propre sang. Je détourne le regard, mon estomac grogne. Je serais prête à plonger ma main dans leur poitrine et me nourrir de leur cœur pour reprendre des forces. J'avance doucement au bout du couloir, là fenêtre est brisée et l'air frais de cette soirée vient caresser mon visage. La lune est là. Haute dans le ciel. Étincelante, menaçante. Elle prend toute la place. Resplendissante, on s'agenouillerait devant elle tant elle est impressionnante, tant c'est elle, notre Souveraine.
J'entends Max hurler, alors je me précipite dans ma prison. Il est sur le sol et se cambre, j'entends ses os craquer. Son loup essaie de sortir mais la balle d'argent l'empêche de se transformer. Alors je le vois qui se brise, ses membres se tordent puis reviennent à leur place, son visage déformé par la douleur. Je me positionne de nouveau près de lui et pose ma main sur son épaule déboîtée.
— Max, inspire et expire...
— Je... je ne peux pas !
— Tu aurais dû le laisser faire.
Il relève la tête, les sourcils froncés et me fusille de son regard brun.
— Jamais !
Il la laisse tomber sur le sol. Il transpire à grosses gouttes, de lui émane une chaleur inquiétante. Je commence à sentir mon cœur battre de manière forte, des fourmillements dans tout mon corps me rappellent que moi aussi, je suis un loup. Est-ce qu'il est là ? Ça y est ? Il est revenu...
— Enlève la balle, enlève la avant de te transformer.
— J'y arrivera pas... je le sens qui...
— Monroe !
Max saisit fermement mon bras.
— Tu es blessée, tu as le temps. Enlève la ! Avec tes doigts ! Enlève ce poison ou je ne passerai pas la nuit !
Il finit par relâcher la pression de sa main sur mon bras. Il tente de se détendre mais son ventre se soulève si vite, son cœur bat si fort, ses doigts se tordent et se retordent, c'est une horreur à voir.
De mes mains tremblantes, je saisis le bas de son t-shirt et le lui déchire, sa plaie n'est pas belle à voir, exactement comme celle de Marius. Boursoufflée, elle ressemble plus à une brûlure qu'à un trou par balle. Mes doigts commencent à se raidir, mes ongles à devenir plus tranchants, c'est justement ce dont j'ai besoin.
Il faut que j'y plonge le bout des doigts, il faut que je prenne mon courage à deux mains et que je sorte cette balle qui est en train de pourrir son organisme et brûler tous les tissus de sa chair. Je lui jette un coup d'œil avant de me lancer, ses yeux sont fermés, ses lèvres pincées, le nez plissé, ses dents s'entrechoquent sans qu'il ne puisse le contrôler bien que je vois que par le pincement de ses lèvres, il tente de le cacher. Il va mal, très mal. Il m'a sauvé la vie. Je dois sauver la sienne.
Sans le prévenir, je plonge mes doigts dans sa plaie. Mon pouce et mon index. Max se redresse, ses abdos se contractent et il hurle de douleur. Quand il rouvre les yeux, ce sont ceux du loup, ses dents sont aiguisées, ses râles se transforment en grognements mais je n'arrête pas. Je les enfonce un petit peu plus, je cherche à toucher la balle. Moi aussi, je vais souffrir en l'attrapant.
Plus j'enfonce mes doigts, plus j'entre en contact avec sa chair et plus des flashs traversent mon esprit. C'est très bref, très vif. Je vois ses souvenirs.
J'entends des cris, je vois du sang, je perçois des bribes de conversation...
— Marius ! Qu'est-ce que t'as fait ?!
Je crois, dans ce flou total, reconnaître le corps privé de son cœur de Dickon.
— Petit Sam est allé appeler son grand et puissant Alpha à l'aide, grommelle Marius.
— Tu ne peux pas tuer les tiens.
— Je ne tue que les traitres.
— Marius j'ai...
— Monroe est morte.
— Quoi ? Non impossible, je l'ai entendue, je...
— Elle est morte, Dickon me l'a dit. Alors, je te conseille de te pousser de mon chemin avant que je ne t'éventre toi aussi.
— Marius, écoute...
— BOUGE DE LA !
Les hurlements de Max me font revenir à moi. Je sors la balle qui brûle le bout de mes doigts et je la jette sur le sol, laissant quelques petites gouttelettes de sang sur son passage. Il se détend enfin et se laisse tomber. Tous ses muscles finissent par se déraidir et son coeur à retrouver un rythme convenable.
— J'ai réussi... soufflé-je en esquissant un sourire.
Le teint de Max est livide, il ne bouge plus. Il semble inconscient. Je le secoue doucement.
— Max ?
Un petit peu plus fort.
— Max, réveille toi !
Il ne répond pas. Son cœur bat si lentement... j'ai pourtant sorti la balle.
— Max ! Max, reveille-toi ! AAAAHHH !
Je hurle lorsque mon bras se déboîte. Je m'éloigne de Max, à quatre pattes, je sens ma colonne vertébrale frémir, je sens que mes os se brisent.
— Pas maintenant ! Pas maintenant, pitié...!
C'est maintenant qu'il choisit de se montrer ? Mais pourquoi ? Ce n'est pas le bon moment !
J'érafle mes ongles sur le sol, ils crissent, se tordent, puis mes os craquent un à un, dans une violence sans pitié, dans une douleur incommensurable. Je cesse de lutter, ça ne sert à rien. La larme qui roule sur ma joue s'estompe bien rapidement et se mêle à ma transpiration. J'arrache mes vêtements pour me trouver plus libre de mes mouvements. Je vois rouge, je grogne, je n'ai plus de bras ni de jambes, seulement quatre pattes aux longues griffes menaçantes. Seulement lui, le loup, et son pelage blanc comme neige.
Endors toi Monroe.
Je sais que cette nuit sera dure.
Je le sais car il a faim.
Et je plains déjà quiconque se trouvera sur son chemin.
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