20 - Louis 🌓
Notre plan de capturer Louis ne plaît pas à Alice mais elle a cependant obtempéré. Elle n'a pas le choix ceci étant dit, face à Max et moi, elle ne peut que se résigner à accepter et suivre notre lancée.
Nous avons décidé de rester sur la ferme de Gabriel. C'est un risque que nous prenons car il pourrait revenir à tout moment mais à la fois, je tente de me convaincre que non. Il doit être déjà loin, lui aussi à la recherche de Marius.
Alice a prêté son téléphone portable à Max pour qu'il appelle son frère. Il a une bonne mémoire et se souvient de son numéro de téléphone. Un numéro qu'ils s'étaient échangés tous les deux uniquement pour pallier à la trêve qu'ils avaient conclu, avec mon père qui plus est. Un père que je n'ai pas vu depuis sept ou plutôt huit longues années.
Alice et moi sommes assises par terre contre le vieux puits tandis que Max fait les cents pas, le téléphone à son oreille.
Il ne nous a rien dit, nous ne savons toujours pas ce qui lui est arrivé pour qu'il ait un œil aveugle. Il reste vague, absent et semble m'éviter, notamment si j'engage une conversation sur ce sujet. Peut-être bien que Marius lui a fait ça... mais sans utiliser ses griffes puisqu'il n'a aucune cicatrices sur le visage. Son œil est juste blanc, il a perdu toute sa couleur, sa pupille voilée. Cela lui donne un regard vraiment étrange et intimidant. Max reste tout de même un bel homme, avec lequel j'ai pris du plaisir.
— Louis ?
Alice et moi relevons la tête.
— C'est Max...
— Max ? Maximilien ? On a cru comprendre que tu étais mort.
— Non... non, je ne suis pas mort.
Il semble pourtant si différent.
— Qu'est-ce que tu veux espèce de traître ? Dépêche-toi, nous sommes déjà en train de tracer ton appel.
C'est bien là ce que l'on veut.
— Je sais que Jess t'as apporté la fille de Monroe. Je sais aussi que Sam est avec toi, s'il est près de toi je suppose qu'il entend ce que je dis. S'il a encore ne serait-ce qu'un minimum d'estime pour nous, il saura faire les bons choix... Voilà le deal que je te propose, Louis : Marius est avec moi et j'ai cru comprendre que si nous te livrons l'alpha, alors tu rends l'enfant de Monroe.
— C'était le deal.
— T'as dix heures pour nous ramener sa fille ou je laisse partir Marius qui, je dois te le rappeler, est son père. Libre, il ne cherchera qu'une seule chose : vous détruire. Il n'est pas aussi compréhensif que moi.
Louis ne répond pas au bout du fil, nous nous jetons tous les trois des regards dubitatifs.
— OK.
— Viens seul, Louis. Pas de piège.
— Hors de question.
— Dans ce cas je relâche mon frère.
J'entends Louis grogner à l'autre bout.
— Ta sœur est là aussi, je suppose que tu n'as rien dit à tes amis les chasseurs... sois intelligent.
Un court silence règne.
— Je serai là dans quatre heures, j'ai localisé ton appel.
Il raccroche aussitôt. Quatre heures ? Ça veut donc dire que les chasseurs ne se cachent pas à Hellbound mais aux alentours. Il faut que l'on prenne en compte cet indicatif.
Max se tourne vers nous tout en tendant le téléphone à Alice qui le récupère.
— Alors voilà le plan : quand Louis va se ramener, il croira me trouver moi avec Alice et Marius. Monroe, tu es donc notre joker, je compte sur toi pour te montrer uniquement lorsque le moment sera venu.
— Je fais quoi ? Je l'assomme ?
— Tu l'attaque mais en évitant de le blesser.
Max se tourne ensuite vers Alice.
— Et c'est là que tu devras entrer en jeu : tu dois absolument convaincre Louis de nous indiquer où se trouve l'enfant. C'est une certitude qu'il ne viendra pas avec, il voudra vérifier que Marius est là.
Alice se contente de hocher la tête. Je la sens tendue, peu sûre d'elle, même effrayée. Son visage est déformée par ses craintes. Je sais que faire face à son passé est difficile et je pense sincèrement que si je devais faire face à mon père, je serai terrifiée. Je me souviens encore de son regard sur cette falaise à Hellbound, je suis incapable d'oublier cet air qu'il avait sur le visage et ses paroles, sa voix, lorsqu'il a dit à ma mère que je n'étais plus sa fille.
Je saisis la main d'Alice que je serre dans la mienne alors elle relève la tête vers moi et croise mon regard. Je lui adresse un sourire que je veux rassurant, et elle me le rend. Je l'aiderai, je la protégerai. Nous sommes une meute, et je dois agir comme le ferait un Alpha.
Durant ces quatre heures à attendre, Max fait le tour de la propriété tandis que je reste assise contre un arbre à l'ombre. Parfois, je renifle la chemise de Marius que j'ai sur le dos, afin de me remémorer son visage, sa voix, son odeur et nos moments passés ensemble. Je ne pourrai jamais oublier ces quatre mois dans le chalet, j'ai l'impression que c'est lui qui m'a reconstruite, qui a sauvé mon âme meurtrie par Garbiel. Je crois que sans Marius, aujourd'hui je ne serai plus que l'ombre de moi-même ou un simple légume, si ce n'est morte.
Remarquant que Max ne revient pas de la grange, je me lève et m'y rends. J'enfonce les mains dans les poches arrière de mon jean et l'observe. Il est là, debout au milieu de la grange, immobile, face à la cage ouverte. Je ne dis rien, lui non plus, il est fixe et je crois bien que ça doit bien faire une heure.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé, Max ?
Je le vois baisser la tête mais il reste dos à moi.
— Marius n'a... il euh...
— Oui, il t'a frappé à mort, je l'ai vu...
Il relève la tête et je l'entends soupirer.
— Tu lui en veux ? Demande-t-il.
En quelques sortes oui, je lui en veux mais à la fois... je me dis qu'il a suivi son père et que sous l'emprise d'un monstre tel que Gabriel, un alpha qui plus est... Marius a pu perdre toute trace d'humanité. D'autant plus que c'est son père, un être qui pourrait lui donner l'amour paternel qu'il n'a jamais reçu. Il y a de quoi se poser des questions. Est-ce qu'il trouvera un jour la rédemption ? Est-ce qu'il s'en sortira un jour ?
— Et toi ? demandé-je.
Il hausse les épaules.
— Oui, je lui en veux. Mais... c'est Marius. Et j'ai mérité cette raclée après tout ce que je lui ai fait.
Je souris légèrement.
— Tu sors enfin la tête hors de l'eau.
Il demeure muet, dos à moi mais je sais qu'il tend l'oreille et m'écoute. J'ai la sensation que Max a changé, depuis que j'ai eu mon enfant, ce n'est plus le même et j'ai l'impression que lui, il a enfin eu sa rédemption.
— Je me souviens de toi, à nos débuts, tu étais si mystérieux et... tu l'es toujours autant mais à travers ce mystère qui plane autour de ta personne... il y a cette humanité, cette sensibilité, et il y a cet homme que j'ai connu et que j'ai aimé. Je l'avais perdu, après que tu aies été banni... j'ai perdu ce Max avec qui je ressentais ce lien si fort.
Je m'approche de lui et je saisis sa main, tout en restant un petit peu derrière lui. De mon autre main, j'entoure son bras et je pose ma tête contre celui-ci.
— Tu m'as manqué, Max.
Il pose sa main sur la mienne et nous restons là, à observer cette cage vide. Je ne pourrai jamais le forcer à me raconter ce qu'il s'est passé, ni même pourquoi son oeil est dans cet état. Je suppose que Marius n'a pas voulu le suivre, le cerveau lavé par ce diable de Gabriel, et je me résous à ne plus le revoir, parce que je sais très bien que c'est peine perdu d'espérer un jour revivre ce que nous avons vécu Marius et moi.
Lorsque nous entendons le moteur d'une voiture, nous nous redressons. Max me demande de rester dans la grange et lui en sort. Je reste à la porte, sur le côté pour pas que Louis me voit et discrètement, je tente d'y jeter un oeil.
Il sort de son pick-up, son fidèle bonnet sur la tête et fait face à Max qui s'arrête tout juste devant lui. Je sens la tension d'ici.
— Où est Marius ? grommelle Louis.
— Tu ne dis pas bonjour à ta soeur ? s'étonne Max.
Alice se poste à côté de ce dernier et de là où je suis, je peux voir Louis poser ses yeux sur sa soeur. J'entends déjà son coeur s'accélérer. Finalement, il détourne le regard pour se concentrer sur son objectif.
— Je veux voir Marius, une fois que je serai certain que vous l'avez, alors j'appellerai les autres et nous ramènerons la fille de Monroe.
Je déglutis, je prie pour qu'ils n'aient pas fait de mal à mon enfant.
— Je l'ai enfermé dans la cage dans la grange, suis-moi.
Max s'avance vers la grange, alors je m'aplatis contre le mur et je souffle un grand coup. Je ferme les yeux, pour ainsi écouter le seul bruit de leurs pas. Lorsque j'estime, par mon ouïe qu'ils sont tout juste en train d'entrer dans la grange, je me jette sur Louis, enroule mon bras autour de son cou et le tire en arrière. Evidemment, il tente de se défendre, c'est alors Max qui s'avance et abat son poing en plein contre son nez. Sa tête cogne légèrement la mienne et son corps devient tout mou. Alice ramène une chaise qu'elle traîne sur le sol et nous traînons ensuite le corps inerte de son frère pour l'asseoir et ensuite, l'attacher. Nous faisons avec ce que nous trouvons, c'est-à-dire de vieilles cordes que Max a trouvé dans le garage.
Il lui retire son bonnet, saisit une poignée de ses cheveux et lui relève la tête. Son nez ne cesse de saigner et une grosse bosse fait son apparition. Il ouvre les yeux difficilement et pousse un râle presque inaudible.
— Bande de...
— Louis, l'interrompt Alice rapidement.
Max lâche ses cheveux et Alice s'accroupit devant lui, les mains sur ses jambes pour ainsi sonder son regard.
— Louis, regarde-moi s'il te plaît...
Lorsqu'il relève la tête vers elle, ses lèvres sont retroussées et il ne trouve rien de mieux que lui cracher à la figure. Cela vaut un sursaut à Alice qui ferme les yeux un instant. Elle essuie son visage et inspire profondément.
— Toi... commence Louis l'air dédaigneux, tu n'es pas ma soeur. Ma soeur est morte !
— Je comprends ta peine...
— Non, tu ne peux pas la comprendre. Tu ne pourras jamais la comprendre ! Vous m'avez tout pris ! postillonne-t-il en nous jetant un regard à tous. TOUT !
Un court silence s'abat dans la pièce et seul l'écho de la voix de Louis retentit.
— Je suis désolée... marmonne Alice.
— Je vais te trancher la tête, comme j'ai déjà tranché la tête à plusieurs de tes confrères... j'ai jamais eu aucune pitié pour les vermines de ton espèce, et ça ne commencera pas aujourd'hui.
— Louis, si tu veux t'en sortir vivant, tu vas devoir nous donner l'emplacement de votre planque, déclare Alice d'un ton plus ferme.
Je sens pourtant dans sa voix une faille, je pense que ce qu'elle entend de la bouche de son grand frère la détruit. Louis sourit, ses dents pleines de sang puis il se met à rire tout en secouant la tête.
— Vous pouvez toujours vous brosser.
— Répond à ta soeur, ordonne Max.
Louis relève ses yeux vers lui.
— Pourquoi ? On est encore tellement nombreux... j'ai qu'à mourir, j'en ai rien à foutre. J'n'ai plus rien à perdre. J'ai déjà tout perdu.
— Tu pourrais gagner tellement plus... souffle Alice. On pourrait... se remémorer notre enfance, les souvenirs de papa et maman et... tu pourrais te retrouver une femme, construire une nouvelle vie, ailleurs, sans loups-garous, sans chasseurs, sans guerre, sans vengeance...
Louis la regarde, l'air impassible.
— Non, je ne peux pas. Pas tant que je n'aurais pas exterminé chacun d'entre vous.
— Alors aucune trêve n'est possible ? interviens-je.
— Je suis attaché sur une chaise, comment veux-tu parler de trêve ?
Je ne rétorque rien.
— Tu ne reverras jamais ta fille Monroe, et ton père compte bien la tuer rapidement.
Max s'avance vers lui, il saisit le col de sa veste puis le frappe en plein visage. C'est d'une telle violence que sa tête valse sur le côté et que du sang gicle de sa bouche.
— Réponds, ordonne-t-il.
Alice s'écarte, les mains tremblantes, alors j'attrape son bras et la garde près de moi. Louis relève sa tête, sa pommette éclatée.
— Allez vous faire... foutre...
Max le frappe à nouveau en plein visage, son corps manque d'emporter toute la chaise tant c'est violent mais le fait qu'il le tienne par sa veste permet d'éviter une chute. Alice se met à faire les cents pas, pour ne pas voir son frère se faire frapper, elle détourne constamment le regard mais Max a beau le défigurer, Louis est un dur à cuir et il ne parle pas. Sa haine l'aveugle, à tel point qu'il est incapable de pardonner sa soeur, la seule famille qu'il lui reste. L'humanité peut quitter les humains également. Nous ne sommes pas les seuls atteint.
Lorsque Max lève à nouveau sa main abîmée pour le frapper une énième fois, Alice intervient.
— Où est passé mon frère ?! gronde-t-elle.
Alors Louis la regarde, bien que l'un de ses yeux est tellement enflé qu'il ne peut plus l'ouvrir.
— Où est passé ce jeune garçon qui venait m'embêter dans ma chambre... ? Ce casse-cou qui rendait nos parents fous avec ses expériences dangereuses et ses cascades mal calculées ? Je ne vois qu'un chasseur mais je ne vois pas Louis...mon grand frère.
Le visage d'Alice est inondé de larmes et Louis la fixe, sans un mot, un filet de bave mêlé à du sang qui coule de sa bouche fendue par les coups.
— Si tu apprenais à nous écouter, nous pourrions t'expliquer ce que c'est que d'être un animal, tu comprendrais que nous ne pouvons pas toujours contrôler ce qu'il se passe, notamment lors de nos premières transformations et encore plus lorsque nous ne sommes que des enfants ! Je n'ai jamais voulu tuer mes parents... nos parents... j'ai dû vivre avec ce fardeau et je vis encore avec ! Mais toi Louis... comment est-ce que tu fais pour vivre avec tous les meurtres que tu as commis ? Comment peux-tu te regarder en face le soir après avoir assassiné une enfant de dix ans ?
Je crois desceller une étincelle dans le regard de Louis, il ouvre la bouche pour parler mais tous les coups qu'il a reçu l'ont relativement sonné à tel point qu'il peine à en placer une ou bien, à simplement avaler sa salive. Nous entendons une petite sonnerie, qui provient de la montre autour de son poignet.
— Je... je vous ai piégé... moi aussi... ils ne sont pas loin et ils vont bientôt arriver...
Ses yeux se posent sur moi.
— Si tu veux récupérer ton enfant Monroe... tu devras te battre.
— Louis, rends-le moi !
— Ha ha, si tu veux récupérer ton doudou de bébé Monroe, il faudra que tu te battes !
— À l'attaque ! Tous sur Louis ! avait hurlé Alice.
Et dans leur grande maison au fond des bois, des rires enfantins et innocents résonnaient.
Tandis qu'aujourd'hui, il n'y a que nos coeurs qui tambourinent et notre rage qui nous anime.
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