2. Bouleversant
—Dis moi ce que tu ressens pour moi.
Nous étions dans un bain mousseux, l'un face à l'autre, un verre de vin blanc à la main. La chaleur de l'eau humidifiait mon visage et les quelques cheveux qui s'évadaient de mon chignon rebiquaient légèrement. Marius avait, lui, passé sa main dans ses cheveux pour les plaquer en arrière mais une mèche retombait toujours sauvagement sur son front. L'un face à l'autre, nous nous fixions, désireux de se rapprocher, de se toucher, de s'embrasser, de se sentir...
— Pourquoi ? avais-je demandé en buvant une gorgée de mon vin tout en souriant légèrement.
— Je veux savoir.
— Et toi Marius ? Que ressens-tu pour moi ?
— Je te vois là, je sais que tu es nue sous toute cette mousse... j'entends ton coeur qui bat, je sens le sang qui coule dans tes veines, l'odeur sucrée de ta peau et j'imagine son goût, ton goût... ce que je ressens... c'est un désir profond de te posséder dans tous les sens du terme.
Je haussais les sourcils et me pinçais les lèvres. Je serrais légèrement les cuisses, j'avoue que ces mots m'avaient légèrement titillés. Marius avait terminé son verre et l'avait posé sur le sol, doucement il s'était alors rapproché de moi. Ses bras sur les bords de la baignoire. J'avais replié mes jambes et je le fixais. Je ne pouvais lâcher ses yeux du regard. Il m'envoûtait et le sentir proche de moi faisait battre mon coeur la chamade. Je le sentais enfin, je le sentais même beaucoup trop, ce lien invisible, ce lien qui unissait nos deux coeurs, nos deux âmes.
— Depuis que tu es entrée dans ma vie, je ne suis et ne serai plus jamais le même, avait-il repris.
De sa main, il avait alors passé une mèche de mes cheveux humides derrière mon oreille. Puis son pouce caressait doucement ma joue. Moi, j'appuyais davantage ma tête contre sa main, souhaitant un contact encore plus fort.
— J'ai trente huit ans et en trente huit ans, jamais je n'aurais pu penser qu'un jour, je rencontrerai une femme qui saurait contrôler la rage que j'ai en moi.
Il avait marqué une pause et glissé sa main sur mon bras reposant sur mes genoux, hérissant mes poils. Il suivait des yeux le parcours de sa main, tout en me parlant.
— Ce n'est pas tant du contrôle, avait-il poursuivi. Non... tu sais simplement canaliser ma rage. Chaque fois que tu es près de moi, tu as le don de la rendre presque imperceptible et mon coeur devient tellement plus léger...
J'avais posé mon verre et m'étais redressée, approchant mon visage du sien.
— La rédemption existe Marius, même pour le plus grand des monstres. Même pour la plus grande des rages.
Il avait relevé ses magnifiques yeux bleus vers moi.
— Si je m'éloigne à nouveau de toi, je risque de...
J'avais posé le doigt sur ses lèvres pour ne pas le laisser terminer sa phrase.
— Sshhh, avais-je soufflé. Ne pense pas à ça, ça n'arrivera plus jamais. C'est toi mon âme soeur.
J'ouvre difficilement les yeux. Ma tête me fait mal, mon pouls pulse dans mon crâne et l'arrière de mes yeux me tire tellement que j'ai l'impression qu'ils fonderaient au moindre rayon de lumière trop fort. Je m'appuie sur mes coudes pour me redresser et pousse un grognement. Quand je tourne la tête, je vois que Sam se réveille en sursaut en m'entendant. Il était assis sur une chaise juste à côté du lit. Il s'appuie sur ses genoux et attrape aussitôt ma main qu'il serre dans la sienne.
— Comment tu te sens, Monroe ?
— Sam... où est-ce que je suis ?
— On est chez Max, dans son appartement. On est à Hellbound.
— Marius... je veux... je veux Marius...
Il se redresse et me tend le verre d'eau qui était posé sur la table de chevet.
— Bois, tu es déshydratée.
Je prends le verre et je le vide d'un trait en quelques secondes seulement. Je humecte mes lèvres et fixe un point devant moi.
— Pourquoi vous ne l'avez pas retenu... soufflé-je.
— Monroe...
— C'est impossible qu'il soit parti comme ça, il s'est passé quelque chose. Vous me cachez quelque chose.
Je le regarde et je vois qu'il fuit mon regard. C'est une chose qui me fait comprendre que mon intuition est la bonne. Je ne crois pas Marius capable de m'abandonner, pas après ce que nous avons vécu durant quatre mois, pas après tout ce qu'il m'a dit, tout ce que je lui ai dit. Pour la première fois, à ses côtés, je ressentais quelque chose de fort et à la fois, je ressentais une sérénité paisible qui adoucissait mon âme. J'en oubliais même le viol, les viols... j'oubliais tout à ses côtés sauf une chose ; mon amour pour lui.
— Monroe tu... tu avais les yeux...
Je plisse les paupières tandis qu'il passe une main dans ses cheveux courts. Sam est vraiment beau garçon, les cheveux coupés à rat lui donnent un air militaire, il prend toujours soin de lui, sa barbe est rasée de près, ses épaules son carrée, ses yeux bleus dévoilent une grande douceur. Je l'aimerais toujours, mais comme un frère, comme un ami.
— Tu avais les yeux rouges, tu avais les yeux d'un Alpha, reprend-il.
— Je ne peux pas...
— Je sais, avec Max on a tenté de comprendre comment c'était possible et on ne trouve aucune raison. On ne sait pas ce qui a provoqué ça mais... les yeux que tu as, ce sont bien ceux d'un Alpha. Alors je sais que tu souhaites trouver Marius, mais vous serez en conflit, si toi aussi tu as ces mêmes pouvoirs, il ne l'acceptera pas et...
— C'est Max qui risque de ne pas l'accepter, pas vrai ?
— Max veut que tu rencontres sa meute.
— Pourquoi ?
— Menez la à deux, pourquoi pas, hein ?
— Et pour quelle raison je devrais mener une meute alors que je ne suis pas née loup, je n'ai rien d'un Alpha, rien d'une meneuse.
— Il y a un changement qui semble se faire, ce qui explique ces douleurs que tu as ressenti. Tu as besoin d'être épaulée et si tu pars à sa recherche seule avec Gabriel dans le coin... c'est...
— Dangereux, je sais, l'interromps-je.
Je me redresse complètement et je m'assois sur le bord du lit. Lorsque je souhaite me relever, une forte douleur assaille le bas de mon ventre. Je pousse un grognement, me courbe et me voûte tout en tenant mon ventre. Sam se lève aussitôt et me soutiens, de peur que je ne m'effondre. Je m'accroche à ses épaules et lorsque je relève la tête vers lui, je vois de nouveau rouge. Je ne parviens pas à contrôler cette vue, ni même la vague d'énergie qui parcoure mon corps tout entier.
— Sam, je... je...
Je ne termine pas ma phrase, je me retourne, me penche en avant et prise d'une forte nausée, je vomis l'eau que j'ai avalé quelques minutes plus tôt. Je suis prise de spasmes, l'estomac vide, je n'ai absolument rien à vomir et cela ne fait qu'empirer les douleurs.
La porte s'ouvre, à travers les cheveux qui tombe devant mon visage, j'aperçois Max qui s'approche de moi.
— Je ne sais pas ce qui m'arrive... me plaignis-je douloureuse.
— Sam nettoie ça, je l'emmène dans la salle de bains.
Max n'attend ni mon consentement ni autre parole de ma part, il me porte aussitôt et m'emmène avec lui. J'avoue ne pas avoir la force de me défendre et je ne peux m'empêcher de penser, en même temps, à ces visions que j'ai eu de la vie de Gabriel. De sa mère... sa mère qui trahissait les siens. Elle a créé une guerre et cette guerre perdure suite à la rage des deux frères et d'un père délaissé. Elle a créé un chaos, un chaos qu'elle-même n'a su gérer.
Il ouvre la porte de la salle de bain, m'assois sur les toilettes la cuvette baissée et allume l'eau de la baignoire pour la remplir.
— Te mettre dans de l'eau froide fera descendre la température de ton corps.
— J'ai déjà froid...
Je grelotte et mes dents s'entrechoquent. Je n'ai pas la sensation d'avoir chaud, même si je sens les gouttes de sueur perler sur mon front.
— Non, tu es brûlante Monroe, le loup va mal et toi aussi. Tes yeux sont encore rouges, tu ne contrôles plus rien et...
Je me lève brusquement, lève la cuvette des toilettes et m'accroupis pour vomir à nouveau. Je sens les larmes rouler sur mes joues sans que je ne les retienne. Ce n'est pas de la tristesse, mon corps ne cesse d'évacuer la soi-disant chaleur par tous les moyens qu'il trouve.
Max m'aide à me relever, mes jambes sont flageolantes et j'avoue ressentir encore quelques douleurs de ma chute dans les escaliers au niveau de ma hanche. Je détache mon pantalon de mes doigts frêles puis le ôte, je fais de même pour la culotte. Je cache évidemment mon corps mais Max m'aide à me libérer de mon pull. Finalement j'entre dans l'eau froide qui frappe ma peau à peine ai-je été en contact avec. Ma respiration se coupe le temps que j'immerge mon corps tout entier dedans. Je reste assise, les genoux contre la poitrine et mes bras autour. Je pose mon menton sur mes genoux et je fixe un point devant moi. Petit à petit, mes dents cessent de s'entrechoquer, et les tremblements de mon corps aussi. La température de mon corps se régule lentement.
Finalement, en dernier, ma vue redevient normale, en couleur et plus rouge sang comme celle du loup. Il semble se calmer, tout comme mon rythme cardiaque.
Max s'accroupit devant la baignoire et me toise. Je sens son regard sur moi mais je continue à fixer un point droit devant moi. Les joints des carreaux du mur sont légèrement moisis, couleur grisâtre.
— Je crois que vous êtes frères... soufflé-je.
— Tu es perturbée...
— Ecoute-moi pour une fois, Max.
Je le regarde cette fois. Son regard à lui est doux, il semble ne jamais m'en vouloir, pour rien. Alors que je n'ai cessé de tourner ma veste, je n'ai cessé de le repousser mais il est toujours là, près de moi et malgré le fait qu'il puisse faire les mauvais choix, je ne peux lui retirer le fait que sa protection m'a sauvé la vie plusieurs fois.
— Je t'écoute.
— J'ai vu dans ses yeux, dans ses souvenirs quand il m'a mordu... et... je crois que tu es son fils toi aussi.
Je le vois qui fronce les sourcils et se redresse légèrement.
— Qu'est-ce que tu racontes ?
— Ta mère entretenait une relation avec Gabriel le père de Marius. Si tu penses être le fils de Christopher, tu fais erreur.
— Je sais de qui je suis le fils.
— Ta mère vous mentait. Elle a brisé le coeur de Gabriel et il a souhaité se venger. Sa vengeance a été monstrueuse... je crois qu'elle a fait de lui un monstre. Tu sais ce que c'est, l'amour, pas vrai ? Tu sais ce que ça procure comme sentiment quand on se sent abandonné.
— Oui...
— Gabriel est devenu fou de rage, il a déclaré la guerre à ton père et il a violé ta mère, il était tellement jaloux... il voulait tellement ce que ton père avait. Et tu sais quoi, Max ?
Il se pince les lèvres mais ne répond pas. Attendant que je poursuive.
— Tu aspires à la même chose avec Marius...
Je le vois qui serre et desserre ses mâchoires. Moi je le fixe, j'attends qu'il daigne relever les yeux pour m'affronter, qu'il me dise ce qu'il s'est passé. Je suis amnésique et j'ai besoin de retrouver la mémoire, de comprendre. Je suis dans le flou total et mon corps tout entier semble changer, le loup en moi est tout aussi perturbé. J'ai un mauvais pressentiment pour nous, le loup et moi, j'ai la sensation que nous serons séparés tôt ou tard. En moi, c'est une anarchie constante.
— Monroe, il faut que je te dise quelque chose qui ne va pas te plaire.
Il relève enfin son regard vers moi pour me considérer. Je continue de serrer mes jambes contre moi, souhaitant cacher au plus mon corps dénudé. Je garde mes lèvres scellées, j'espère qu'il va m'expliquer ce qu'il s'est passé, qu'il va me dire que nous partons à la rechercher de Marius. Il me manque, si loin de moi, je n'ai pas la sensation de le sentir.
— Tu as vomi, tu...
Il lisse sa barbe et se pince les lèvres tout en poussant un profond soupir. Moi, je ne le lâche pas des yeux.
— Je suis là pour toi Monroe, d'accord ?
— Accouche, grogné-je.
— J'entends et je sens quelque chose en toi.
— Tu parles de mes yeux rouges ? Je ne suis pas certaine que mon corps accepte ce qui est en train de se passer. D'ailleurs, toi qui aspire à ce pouvoir, peux-tu me dire comment est-ce possible ?
— Je n'ai pas la réponse... j'en suis désolé et j'espère que nous la trouverons. J'aimerais justement te faire rencontrer quelqu'un qui en connaît un rayon sur notre espèce. C'est une bonne personne, une personne que tu aimerait beaucoup, c'est certain...
— Tout dévie avec toi, à chaque fois c'est pareil, pas vrai ?
Il me toise un instant sans un mot, je me mordille les lèvres et secoue la tête.
— Tout est fait en fonction que ça te soit gratifiant.
— Je cherche à t'aider mais tu es aveuglée par l'amour que tu portes à mon frère.
— Je veux le retrouver, moi au moins je me bouge ! Toi tu ne souhaites que le voir souffrir, tu souhaites qu'il meure pour prendre sa place ! Moi, j'ai un coeur, toi... toi qu'est-ce que tu as, hein ?
— J'ai plus de coeur que toi, Monroe, beaucoup plus de coeur que toi.
— Pourquoi ? Parce que tu veux me faire rencontrer un membre de ta meute qui pourra me dire pour quelle raison mes yeux ont changé de couleur ? C'est super génial, ça m'aidera à avancer dans mes recherches, ça m'aidera à libérer Marius de l'emprise de son père !
— Tu ne t'es pas dit qu'il l'avait peut-être choisi ? Tu ne t'es pas dit que Marius aspirait aux mêmes choses que Gabriel ?
— Il le haïssait.
— Oh non, c'est impossible, c'est son père, une figure paternelle, quelqu'un qui saura lui donner de l'amour.
— Il le haïssait je te dis ! m'exclamé-je.
Max n'est pas au courant de ce qui m'est arrivé et je ne veux pas qu'il soit mis au courant. Il risquerait de vouloir la mort de Marius encore plus en sachant qu'il n'a pas vengé le mal que l'on m'a fait. Mais Marius lui, a su suivre mes souhaits.
— Ecoute-moi Monroe, j'ai quelque chose à te dire qui te concerne plus que ça ne concerne quiconque ici !
— Je ne veux plus rien entendre de toi, tu me caches quelque chose et Sam te suit aveuglément ! Vous ne cessez de me mentir encore et encore, j'en deviendrais folle !
— Ce n'est pas ta transformation en Alpha qui te rend malade à ce point.
Je détourne le regard, les lèvres pincées, je fixe les carreaux devant moi et me concentre sur le ploc des petites gouttelettes d'eau qui tombent du robinet fermé. Je sens la main de Max se poser sur mon bras, d'un coup d'épaule, je lui fais comprendre que je ne veux pas qu'il me touche.
— J'entends ton coeur, souffle Max sans que je ne le regarde. J'entends ton coeur et j'entends le pouls d'un autre coeur en toi.
Je sens déjà des larmes inonder mes yeux, elles me brûlent, nouent ma gorge et forment un creux dans mon estomac.
— Tu es enceinte, Monroe.
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