19 - Sur les traces de Marius 🌔

Cela fait plus d'une heure que nous marchons Alice et moi. Nous avons garé notre voiture à l'entrée de la forêt et nous suivons un petit sentier. Je suppose que beaucoup de personnes passaient par là puisque la végétation est écrasée et n'y pousse plus vraiment. J'ai attaché mon pull autour de mes hanches et je remets correctement la bretelle de mon t-shirt.
Après quelques longues minutes de marche, nous arrivons enfin sur un corps de ferme. Avant toute chose, nous restons derrière un tronc d'arbre épais, afin de nous assurer que Gabriel ne soit pas dans les parages. Cependant en quelques secondes je peux tout de suite deviner qu'il n'y a plus personnes ici.

Nous sortons de notre cachette et avançons dans la grande cour. Je peux distinguer un feu de camp éteint depuis un ou deux jours je dirais. Il y a deux caravanes, une grande et longue maison  et une dépendance gigantesque.

Je tire la grande porte de la dépendance, une porte en acier qui fait un bruit monstrueux puis j'entre dans la dépendance. Il n'y a rien d'autre qu'une cage alors je m'y précipite mais elle est ouverte et il n'y a rien ni personne.

J'ai réussi à trouver cet endroit grâce à la vision que j'avais eu de Max. J'avais vu rapidement ce qu'il y avait autour et à force de me remémorer cette scène atroce, j'ai pu finir par en déduire que c'était une ferme. C'est déjà la troisième que nous faisons mais celle-ci me paraît plus en lien avec les deux frères que les autres. Nous sommes à six heures de route de Hellbound.

Je ressors et entre dans une garage aménagée. L'odeur qui y règne me rappelle Marius. Mon cœur s'emballe rien qu'à cette idée. Il me manque tellement, son odeur, sa voix, ses mains, son contact...

J'attrape une chemise laissée sur le lit, c'est une chemise à lui, je le sais et lorsque je la renifle, je ne peux que le confirmer.

Je m'assois sur le bord du lit tout en gardant le vêtement contre moi et je pousse un profond soupir tout en regardant ce qui m'entoure. Alice se poste à l'entrée et croise les bras.

— Est-ce que ça va ? Demande-t-elle.

— On recherche Marius alors qu'il est peut-être mort, comme Max.

— Ou peut-être pas.

— Je ne ressens ni Marius, ni Max.

— Oui mais ça ne veut pas dire qu'ils sont morts tous les deux.

Je hausse les épaules.

— Max est mort, c'est une certitude. La dernière vision que j'ai eu de lui était d'une telle violence...

— Raison de plus pour retrouver Marius et le livrer aux chasseurs dans ce cas.

Je souris légèrement mais pas par plaisir. C'est un sourire nerveux.

— C'est facile à dire pour toi Alice.

Elle s'assoit à côté de moi et pose sa main sur mon épaule en signe de réconfort.

— Je t'ai dit que je t'aiderai et je t'aiderai Monroe.

— Je sais...

Je serre la chemise contre ma poitrine et inspire profondément. Si seulement c'était Marius que je pouvais serrer contre moi. Mais je ne suis plus vraiment certaine que ça arrivera un jour.

— Je crois que je n'en serai pas capable, déclaré-je.

— On doit retrouver ta fille.

— Alors peut-être que nous devrions arrêter ton frère !

Alice se lève et me fusille du regard. Je me lève à mon tour, c'est moi l'alpha et je ne veux pas qu'elle me prenne de haut. Je ne dis pas cela méchamment. Mais je me vois mal faire de Marius un captif, le vendre aux chasseurs et le laisser mourir. Je veux retrouver ma fille mais je ne suis pas certaine d'être capable de le trahir. J'ai déjà essayé, à chaque fois j'échouais. Tout simplement car mon amour pour lui est beaucoup trop fort.

— Monroe, je sais que tu aimes Marius. D'ailleurs, je sais que tu aimes aussi Max, tout comme Sam mais...

— Sam m'a trahie en suivant Jess, l'interromps-je.

— Tu en es sûre ?

— Là n'est pas le problème ! Pourquoi devrions nous trahir Marius ? Alors que les chasseurs sont le réel problème ?!

— Marius est un problème.

Je secoue la tête et lève les yeux au ciel.

— Monroe, reprend Alice en remarquant que je ne tiens plus en place. Tu sais que c'est la vérité.

— Tu ne le connais pas ! Tu ne l'as même jamais vu, tu dis ça simplement à cause de tout ce que tu entends !

— J'en ai assez vu à travers tes yeux. Quand il te frappait, alors que tu n'étais qu'une victime de leurs crocs... quand il t'as séquestrée avec Max dans ce manoir ! Quand il t'as abandonnée alors que tu lui avais voué loyauté. Monroe... Marius est le pire poison qui puisse exister sur cette Terre.

Je me retourne vers elle, les lèvres pincées et le cœur battant la chamade. Je sais tout ce qu'a fait Marius. Je sais même qu'il a tué la fiancée de Louis. Je sais la monstruosité dont il peut faire preuve mais une part de moi ne peut le détester. Parce que c'est Marius, c'est lui, il est comme ça et j'ai appris à vivre avec. Je sais aujourd'hui qu'il ne me ferait pas de mal, du moins... avant qu'il ne rencontre Gabriel.

— Parlons de Louis dans ce cas, commencé-je. Il a tué une enfant de dix ans, sous mes yeux. Il l'a laissée sur le sol, baignant dans son propre sang, agonisante... il m'a poignardée à deux reprises, il m'a torturée pendant des jours ! Il a tué ma mère !

— Pour quelle raison à ton avis ?

Je la considère un instant, l'air interrogateur. Je ne la suis pas. Louis est un tueur ! Elle se rapproche de moi et passe une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.

— Tout ce qu'il voulait c'était Marius.

— Ils nous tueront tous... avec ou sans Marius.

— On peut encore songer à une trêve.

— Ce n'est plus ton frère Alice !

— Oui et Marius n'est pas non plus ton allié !

— Il m'a sauvé la vie.

— Au dépend de la sienne.

Je la repousse brusquement tout en grognant. Je vois rouge, à travers les yeux de mon loup. Je vois dans son regard une sorte de soumission, et ce malgré elle. Je suis un Alpha à présent, et lorsque mes yeux deviennent aussi vif que le sang, j'ai cette supériorité inévitable. Même si je ne le voulais pas, je l'aurais, et c'est ainsi. Je commence à m'y habituer et je crois presque l'apprécier. Malgré tout ce qu'il se passe, je pense n'avoir jamais autant été en osmose avec le loup que maintenant. Il y a au moins cela de positif dans tout ce chaos.

— Regarde-moi droit dans les yeux Alice, et dis-moi que je peux avoir confiance en toi.

Elle me regarde alors et déglutit.

— Je te répondrai uniquement si tu n'utilises pas ton pouvoir d'alpha sur moi.

Je ferme les yeux et inspire profondément. Lorsque je souffle, je rouvre les paupières, je suis de nouveau moi-même et je peux enfin affronter le regard bleu azur d'Alice. Elle est si belle, son regard me rappelle notre enfance, notre innocence. Je peine toujours à comprendre pourquoi elle, pourquoi moi ? Mais c'est ainsi et je fais avec à présent.

— Oui Monroe, tu peux me faire confiance, déclare-t-elle en me regardant droit dans les yeux.

— Dans ce cas, je veux savoir pourquoi tu ne t'es jamais montrée plus tôt.

Elle passe sa main dans ses longs cheveux bruns et se pince les lèvres. Mes cheveux sont redevenus roux depuis un moment, je le sais depuis adolescente que les colorations ne tiennent pas sur moi, même si j'y mets toute la volonté du monde. Ils ont poussé avec la grossesse et je suis persuadée que Marius les trouverait magnifiques.

— Parce que je vivais ma vie, aussi normalement que possible. Mon mari n'est pas... ce n'est pas un loup et il est au courant de ce que je suis. Mais tu sais, j'ai toujours voulu vivre une vie ordinaire. J'avais tiré un trait sur le passé Monroe et je ne sais pas pourquoi, un soir, du jour au lendemain, j'ai rêvé et j'ai cru nous voir, toutes les deux, liée et... périr. Je le savais depuis un moment, je savais ce que tu étais et plus d'une fois j'ai voulu venir te sortir de là, de ce manoir où tu étais enfermée, de tous ces instants de torture que tu as vécu... mais au delà de tout ça, je t'ai vu heureuse malgré tout.

Je la regarde sans un mot.

— Avec Sam, quand tout le monde croyait l'Alpha mort. Tu as vécu avec lui, tu travaillais en tant que professeure de musique... vous aviez votre appartement et tu semblais épanouie, même si Samuel n'est pas l'homme dont tu rêves, il savait prendre soin de toi. Puis tu es de nouveau retombée en enfer et tu t'es élevée une nouvelle fois, quand tu as retrouvé Marius, quatre longues années plus tard. Quand rien autour ne le contrarie, il semble ordinaire et amoureux. Mais ce rêve m'a terrifiée... parce que je ne veux pas mourir, moi aussi j'ai connu le bonheur et je ne veux pas le perdre, je ne veux pas les abandonner derrière moi.

Je la toise de longues secondes sans dire un mot. Elle semble avoir terminé son monologue et attendre une réaction de ma part mais je ne sens que des larmes menacer de couler au bord de mes yeux. En huit ans, je n'ai connu le bonheur que deux fois et ce fut si bref, si incertain. J'ai l'impression que ce sera toujours comme ça et j'aimerais tellement retrouver ma vie d'avant, manger de la pizza, boire de la bière et regarder le Seigneur des Anneaux avec Sam dans mon appartement miteux.

— Je ne veux pas mourir, moi non plus, déclaré-je d'une faible voix.

Alice se rapproche de moi, son regard est doux, bienveillant. Je sais que je devrais me méfier mais je n'y parviens pas, parce que justement, je le ressens moi aussi, ce lien invisible. Je crois même l'avoir toujours ressentie, même quand nous étions que deux gamines insouciantes.

— Je suis là pour ça, souffle-t-elle. Pour prouver à cette lune et sa malédiction, qu'on ne peut pas nous éliminer aussi facilement. Tant que tu ne croiseras pas Gabriel, alors nous ne risquerons rien.

— Alors c'est moi ?

Alice m'interroge du regard.

— Dans cette vision que tu as eu... c'est moi qui nous entraîne dans la mort ?

Elle baisse les yeux et se pince les lèvres.

— Oui, c'est Gabriel qui te tue...

Je m'apprête à parler mais j'entends du bruit à l'extérieur. Alice aussi puisqu'elle tourne la tête et tend l'oreille en même temps que moi. Nous nous jetons un bref regard avant de nous rendre à l'extérieur. Nous y avançons doucement, précautionneusement, sur nos gardes. J'ai gardé la chemise de Marius, j'ai abandonné mon gilet et j'ai enfilé sa chemise. Pour garder son odeur près de moi, peu importe où j'irai. C'est comme s'il était là, à côté de moi.

Lorsque nous sortons dehors, je sens mes jambes devenir fébriles. Bizarrement, tout est remis en question. Est-ce que ce que j'ai vu était vrai ? Est-ce que je perds en puissance pour ne plus rien ressentir ? Pourtant, je le pensais mort mais Max traîne des pieds sur le terrain. Je sais que c'est lui, il est reconnaissable entre mille. Ses cheveux blonds attachés, et ses bras nus tatoués, ne laissant aucune parcelle de sa peau visible. Il est bien trop unique pour ne pas être reconnu.

— Max ? appelé-je, déconcertée.

Il s'arrête et tourne la tête vers moi. Il semble aussi étonné que moi de me voir ici et s'avance vers moi. Pourtant, je cours en sa direction et me jette à son cou. Il m'enlace à son tour, nonchalamment mais j'en ferme les yeux. Je me sens soudainement si soulagée, Max est en vie, alors Marius aussi. Je ne les ai pas perdu.

Lorsque je me détache de lui, je garde son visage entre mes mains mais mon sourire disparaît bien vite. Son oeil gauche est totalement blanc, voilé, comme s'il était aveugle.

— Qu'est-ce que... qu'est-ce qu'il t'es arrivé ?

Il attrape mes poignets de ses mains, doucement et plonge son regard dans le mien.

—Tout va bien, Monroe.

— Mais tu étais où ? Je crois bien que ça fait deux mois... deux mois que tu es parti, si ce n'est plus ! Je te croyais mort ! Je t'ai vu... je t'ai vu te faire frapper et ...

— Je suis là, m'interrompt-il.

Et j'en suis incroyablement soulagée.

— Et Marius ? M'enquis-je.

Il me fixe un instant et son visage change, il s'apprête à parler mais se résigne. Finalement, il regarde autour de lui puis reporte son attention sur moi.

— Qu'est-ce que tu fais là ? C'était la planque de Gabriel.

— Oui je m'en suis doutée...

— Nous cherchons ton frère, intervient Alice.

Max lâche mes bras et regarde Alice derrière moi.

— Pourquoi ? C'était à moi de le ramener à vous.

— Oui mais les plans ont changé, annonce-t-elle.

— Alice... on devrait revoir nos plans, interviens-je.

— Quels plans ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Demande Max.

Je regarde mes pieds et pousse un profond soupir. Max a raté beaucoup de choses, tout comme la mort de ce pauvre Théo suite à l'attaque des chasseurs.

— Il y a trois semaines on a été attaqué et puis...

Je ferme les yeux et je sens déjà mes larmes couler.

— Ils ont pris sa fille, déclare Alice.

Elle me manque, autant que Marius me manque. Je me sens vide sans elle, je suis une mauvaise mère, incapable de protéger son enfant.

— Jess leur a apporté mon enfant...

— Jess ? s'étonne Max.

Je hoche la tête.

— Je ne savais pas quoi faire alors on a essayé de convenir d'un marché avec Louis : on leur vend Marius et ils me rendent mon enfant mais...

— Non, c'est hors de question, grogne Max.

Je relève les yeux vers lui alors il baisse la tête pour me regarder. J'avais oublié à quel point il était grand. Il essuie mes larmes avec ses pouces, son regard se veut rassurant mais le fait de voir son oeil dans cet état... je me demande ce qu'il a bien pu se passer.

— On n'a pas d'autres choix, lance Alice.

— Bien-sûr que si, grommelle Max. Retournons un petit peu la situation. Les chasseurs ne font que nous faire prisonniers, et ils ont toujours le dernier mot mais si on parvient en avoir au moins un seul... on pourrait tenter de faire un marché. On pourrait leur prouver que nous ne sommes pas monstrueux. Il suffit d'être intelligent et de ne pas se faire toucher, ni par leurs balles, ni par leurs flèches.

— Sam a disparu lui aussi...

— Monroe, Jess et lui...

— Je sais... mais je ne peux pas me résoudre à me dire qu'il ait pu me trahir.

— Il faudra faire un choix : Sam ou ton enfant ? Nous ne pourrons pas récupérer les deux.

Cette idée me brise littéralement le coeur. Sam a été emporté dans cette histoire par ma faute et le voilà prisonnier des chasseurs lui aussi ? Si c'est vraiment le cas, je ne peux pas me résoudre non plus à l'abandonner. Je ne veux plus laisser personne derrière moi. C'est cette Jessica ou Délia peu importe son prénom, c'est elle qu'il faut anéantir. C'est elle que j'anéantirai.

— Alors c'est quoi votre plan ? s'impatiente Alice.

Je regarde Max droit dans les yeux et me rend compte que son plan est le même que le mien, celui qui restait dans un coin de ma tête. Mais trop perdue pour ouvrir les yeux, je continuais de croire que traquer Marius était la bonne idée alors qu'une fois face à lui, j'aurais été incapable de quoi que ce soit. Je relève alors le menton, déterminée.

Parce qu'une mère ne peut abandonner son enfant, et qu'il n'y a rien de pire qu'une mère en colère.

— C'est à nous de les piéger, commencé-je.

Alice devra faire des concessions, tout comme nous en avons tous fait un jour. Et à ce moment là, lorsqu'elle aura fait ces sacrifices, peut-être que je serais persuadée de sa franchise.
Il est également temps que ce chasseur paye pour ses crimes.

— Ton frère sera notre victime.

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