16 - Le Lien Lunaire 🌓

Dickon est parti, le grondement du moteur de sa moto résonne encore dans le quartier. Moi, je suis là, devant la porte de la maison de mes parents adoptifs, mon sac sur l'épaule. J'ai la main levée, le poing serré, prête à frapper, mais mon bras tout entier tremble sans que je ne puisse le contrôler.

J'inspire profondément, me mordille la lèvre puis j'y vais, je frappe. J'ai le cœur qui palpite, des sueurs froides et milles questions qui tournent dans ma tête.

J'entends des bruits de pas à l'intérieur puis le cliquetis du verrou avant que la poignée ne se baisse et que je me retrouve face à ma mère. Enfin, celle que j'ai toujours pensé être ma mère.

Elle me regarde un instant, le visage décomposé. Elle se tient même à la porte comme si elle allait s'écrouler.

— Monroe... qu'est-ce que tu fais là ? Demande-t-elle d'une voix qui trahi son angoisse.

De sa main gauche, je l'entends fouiller dans le meuble derrière la porte. Je suppose qu'elle cherche une arme, quelque chose qui pourrait lui servir contre moi.

— Ne panique pas, lancé-je.

Elle tourne la tête et panique. Évidemment. Alors qu'elle se munit d'une dague en argent, je lâche mon sac et me jette sur elle. La voilà collée contre un mur, mes deux mains tiennent ses poignets et je tente de lui faire lâcher son arme. Elle lutte contre ma force mais pas bien longtemps. Finalement, la dague retombe sur le sol et de mon pied, je la fais glisser à l'extérieur avant de plonger mon regard dans celui terrifié de la femme qui m'a élevée.

— Je ne suis pas là pour te faire du mal !

— Alors que fais-tu ici ? La dernière fois que l'on t'as vu, ton père...

— Ce n'est pas mon père.

— Monroe...

— Vous m'avez trahie.

— Bien sûr que non.

— Tu aurais été prête à le suivre. Prête à le laisser me tuer.

— Je ne savais pas comment réagir.

— Tu as toujours su te taire face à lui, tu te laisses te faire écraser et tu prétends être une chasseuse !

Elle relève ses beaux yeux vers moi, se pince les lèvres et je descelle une étincelle, quelque chose qui me laisse croire qu'elle est touchée. Son menton tremblote, son pouls se calme. Je retire mes mains de ses poignets doucement puis je recule d'un pas pour lui laisser de l'espace, je laisse mes bras ballants mais demeure à l'affût. Si elle tente quoi que ce soit, je devrais me défendre.

Elle reste collée contre le mur et passe ses mains dans ses cheveux.

— Ton père est parti... souffle-t-elle.

Je la regarde sans un mot.

— Après cette altercation sur les falaises et après la... soi-disant mort de l'Alpha, il m'a quitté.

J'aimerais la prendre dans mes bras et m'excuser pour tout le mal que j'ai apporté dans leur vie.

— Je ne chasse plus.

Elle me regarde un instant et passe sa langue sur ses lèvres. Quand je croise son regard, je repense à mon enfance, au modèle que j'avais, à ce qu'ils m'ont offert. Au fond, elle reste ma mère.

— Alors peu importe ce que tu viens faire ici, je ne peux pas t'aider, reprend-elle.

Elle se décolle du mur et, nonchalamment, se dirige vers la salle à manger. Je la suis d'un pas hésitant tout en fermant la porte derrière moi et posant mon sac à l'entrée. Elle ouvre le bar, sort une bouteille de Whisky qu'elle débouche et se sert un verre plutôt généreux. Elle reste dos à moi, boit une grosse gorgée et pousse un profond soupir.

— Je me souviens de toi, encore tout bébé, souffle-t-elle. Tu étais si minuscule... tellement innocente et emportée dans une guerre beaucoup plus grosse que toi.

Je reste à l'entrée de la salle à manger, ma mère face au bar, je demeure silencieuse, le cœur lourd.

— Ton père ne voulait pas, il m'avait dit de le laisser t'achever. Je me souviens encore de ses paroles... « laisse-moi abréger les souffrances de ce bébé, personne ne mérite de vivre sous la malédiction de la lune ». C'est ce qu'il m'avait dit, juste après qu'on ait tué tes parents...

Elle marque une pause.

— ... et je n'ai pas pu le laisser faire.

Elle boit de nouveau. J'ai la gorge nouée, l'estomac retourné. Je ne connaîtrai jamais mes vrais parents car je sais à présent qu'ils sont morts et je dois l'avouer, ça me fait quelque chose.

— Parce que... quand j'ai tué ta mère...

Je sens sa tristesse et sa culpabilité, j'entends les sanglots dans sa voix.

— Elle m'a dit une dernière chose, et j'ai vu son regard... son regard humain plus que bestial... « Pitié, épargnez ma petite fille, c'est un hybride ».

Un hybride ? Mi humain mi loup. 

— Je t'ai épargnée parce que j'ai toujours voulu être mère au fond de moi mais la nature ne m'a jamais donné cette opportunité. Là, c'était un cadeau tombé du ciel.

Elle est stérile. Elle ne donnera jamais vie à un être humain. Je peux le sentir. Elle se retourne finalement vers moi, son verre à moitié vide à la main, le visage humide de ses larmes timides et elle me regarde.

— C'est la lune qui choisi, rien n'est ta faute Monroe. On a tout fait avec ton père, tout pour que rien de grave ne t'arrive. Mais on le savait, qu'un jour ou l'autre, tu n'échapperais pas aux vices de cette maudite lune. Et on le savait... le Lien Lunaire ferait de toi sa proie, sa victime...

Je relève le menton et tente de rester digne face à toutes ces révélations malgré le mal que me procurent ces paroles. Je déglutis et la toise un instant.

— C'est quoi... le Lien Lunaire ? m'enquis-je.

— Ce sont deux amants que choisit la lune. Deux êtres vivants qu'elle désigne par son étrange pouvoir. Si elle te choisit pour être liée à quelqu'un, tu ne peux y échapper ou même le nier. Le Lien Lunaire ce n'est pas une morsure, c'est uniquement le pouvoir que la lune a sur deux âmes.

Je fronce les sourcils et instinctivement, je passe mes doigts sur mon épaule. Je sais que sous ce pull se trouve la cicatrice de la morsure de Max et qu'un petit peu plus haut, celle de Marius y demeure, plus récente, plus profonde. Alors la morsure ne veut rien dire ?

Alors... à qui la lune m'a-t-elle liée ?

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