15. Pleine Lune 🌕

Nous avons quitté mes parents en début d'après-midi. Je les ai enlacés de longues minutes, le cœur serré et une boule nouant ma gorge. Il est temps de dire adieu à mon ancienne vie, de tirer un trait sur la joie qui inonde leur visage quand j'arrive au pas de leur porte. Ils me l'ont dit et répété, nous serons toujours les bienvenus. Mais aujourd'hui plus que jamais, je dois m'en détacher.

D'une part, la pleine lune c'est ce soir.
De l'autre,  Marius au vu de ses doutes, ne voudra plus jamais que je les vois.

Lors du trajet, je garde mon front collé à la vitre froide de la voiture, je regarde le paysage défiler. Les feuilles tombent des arbres, le matin les pelouses sont gelées. L'hiver est presque totalement là. Il fait très froid par ici. D'ici quelques semaines, la neige commencera à tomber.

— Parlons de ce soir, lance Marius pour briser le silence.

Il a dormi sur le sol à côté de mon lit et en a fait tout un plat. Il n'a toujours pas compris que lui et moi nous ne sommes pas amis.

— Je t'écoute, soufflé-je sans bouger.

— Nous allons t'enfermer.

Je ferme les yeux. Je sens déjà l'effet de la pleine lune sur moi. Mes œufs de ce matin... j'aurais préféré les dévorer crus avec une bonne viande bien fraîche. J'ai faim. Terriblement faim. Aujourd'hui, je suis plus un animal qu'un être humain. J'ai peur, tellement peur de la douleur.

— Si je suis toujours enfermée, comment est-ce que je pourrai avoir le contrôle ?

— On n'a jamais le contrôle.

Je me redresse et lui jette un regard. Il garde ses yeux rivés sur la route.

— T'en a la preuve avec Max et ses conneries, reprend-il. Il s'en va quelques jours et il nous transforme quelqu'un.

Je songe surtout à ce qu'il a fait avec Rebecca hier soir.

— Comment vous faites alors ?

— On apprend, c'est tout. On est né comme ça, c'est bien plus simple pour nous que pour toi.

— Je ne comprends même pas comment mon corps peut changer à ce point...

— C'est incroyable, n'est-ce pas ?

Marius sourit légèrement. Il semble aimer ce qu'il est. Je ne réponds pas et détourne le regard. Je sens alors sa main sur la mienne qui reposait sur ma cuisse jusqu'à présent.

— Avec l'alpha près de toi, cette nuit ne sera pas comme la dernière.

Je lui jette un rapide regard avant de retirer ma main et de me concentrer à nouveau sur le paysage.

J'ai finalement dormi le reste du trajet et à notre arrivée, je m'empare de mes affaires, rentre dans leur manoir et m'enferme dans ma chambre sans saluer personne. Je pose mon sac sur le lit et je m'assois. Je passe mes mains dans mes cheveux tout en poussant un profond soupir. Je n'ai pas mes repères ici, je ne me sens pas chez moi. Je suis perdue. Triste. En colère.

Lorsqu'on ouvre ma porte sans même daigner frapper, je me lève et me retourne brusquement. Max s'avance vers moi, tout de noir vêtu, toujours aussi séduisant.

— C'était bien ? Demande-t-il.

Pas même un bonjour. C'est plus fort que moi, ma main heurte violemment sa joue. Cette claque résonne et sa tête ne bouge pas d'un poil. Pourtant je suis persuadée d'avoir frappé fort.

— Espèce de connard ! Grondé-je. Déjà tu ne me dis même pas bonjour, tu ne frappes même pas à la porte et pour finir, tu as couché avec la vieille cougars de cette maudite maison ! Tu me dégoûtes !

— C'est un motif pour me frapper ?

Je recommence, plus fort cette fois, sa tête bouge légèrement et sa joue rougie au niveau de sa pommette. Je suis tellement en colère que je pourrai lui sauter au cou et l'étriper sur le champ.

— Oui ! Qu'est-ce que tu croyais ? Que j'allais me marier avec ton frère ? C'est quoi ton foutu problème Maximilien ? Tu m'embrasses, et après tu te tapes une autre nana ! AH ! Tu mériterai que...

Lorsque j'ai crié, un grognement s'en est mêlé. Je pose ma main sur ma poitrine et ferme les yeux. J'inspire profondément par le nez et expire lentement par la bouche. C'était étrange comme sensation, c'était comme si la bête en moi était sortie le temps de quelques secondes. Une vague d'énergie et d'électricité m'a envahi pour disparaître aussitôt quand je me suis tus.

— Respire, souffle Max.

C'est ce que je fais. J'inspire et j'expire. Je tremble et cette énergie peine à redescendre. Il s'approche de moi mais je recule.

— Ne me touche pas ! Grogné-je.

Ce même son sort de ma bouche en même temps que mes paroles. Ce loup qui est en moi. Il est près de dix huit heures et la colère m'a fait monté si vite que je ne crois pas que je pourrai me calmer tant que cette chose ne sera pas sorti de moi. Max se précipite à ma porte quand je commence à me contracter. Mes jambes, mes bras, ma nuque... mon corps tout entier se crispe.

— Marius ! Amène-toi ! On doit l'enfermer sur le champ !

— Non ! Ça va aller, grogné-je.

En réalité, rien n'irait. Je ne vais pas bien, chaque fois que je parle, des grognements et des râles surgissent du fond de ma gorge, comme un démon qui tente de prendre ma place.

Marius nous rejoint rapidement, à peine remit de ce long trajet durant lequel il n'a voulu faire de pause. Max se poste derrière moi et m'attrape sous les aisselles. Hystérique, je me débats et lui hurle tout un tas d'injures. Je me sens trahie par ce qu'il a fait et ça me met hors de moi. Quand je lève mes pieds, Marius se saisit de mes chevilles et les deux hommes me portent. Ils descendent difficilement les escaliers alors que plus aucun mot ne sort de ma bouche hormis des grognements bestiaux. Mes dents me font mal, mes gencives sont gonflées, ma vue se trouble puis revient nette en continue. Mes muscles se tendent et se détendent. Je suis incontrôlable.

Ils descendent jusque dans le sous sol où ils me laissent tomber par terre en s'éloignant de moi ensuite. J'aurais dû avoir mal à cause du choc, mais non. Je me redresse aussitôt, à quatre pattes, les mains sur le sol, les pieds tordus. J'ai la posture d'un animal. Je le sais. Je le sens et je les fusille tous les deux du regard.

— Elle est sacrément sauvage, commente Marius.

Les yeux de Max sont étranges mais je ne m'y attarde pas. Je suis prise d'une violente douleur dans le dos. Elle piétine ma colonne vertébrale, la longe et je m'arc-boute en hurlant de supplice. Me voilà recroquevillée sur le sol à subir les transformations terribles de mon corps.

— Laissons-la, elle se calmera, assure Marius en remontant les escaliers.

Je me cambre à nouveau et croise le regard de Max tandis que mes doigts se rétractent.

— M -M-Max... pitié !

— Ça ira mieux demain, Monroe...

Il me tourne le dos et me laisse seule dans ma douleur. Quand j'entends la porte, ma jambe se tourne, mon bras la suit et l'autre côté fait pareil. Je me suis déjà cassé la jambe, c'est la même douleur. Une douleur que je ne peux pas atténuer, que je suis obligée de subir. Une douleur qui devrait me tuer.

D'ailleurs, alors que je vois me mains ne devenir plus que deux pattes épaisses aux poils aussi blancs que neige, l'obscurité m'envahit.

La douleur est trop forte, mon âme ne le supporte plus.
Je perds connaissance.


La vue rouge, les oreilles tendues et l'incompréhension sont les maîtres cette nuit. Pas de paroles. Seulement un halètement ainsi que quelques grognements. Les griffes qui grattent les marches en bois du sous sol et strient la porte pour l'ouvrir seront l'occupation en cette pleine lune.

D'ailleurs, ce sera mes seuls souvenirs.
Une tentative de liberté et un pelage blanc.

Je suis un loup blanc.

Je vous remercie d'avoir lu !

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