— Tu es devenu complètement fou. Je suis déjà blessée et tu me jettes dans la gueule du loup !

J'ai pris Marius à part pour discuter avec lui de sa stratégie plus que périlleuse. Il pose ses mains sur mes épaules et me fixe un instant avant de les presser.

— Tu pourras la manipuler, connaître une part de leur stratégie.

— Mais mon père...

— Sois intelligente, Monroe, m'interrompt-il. Tu es loin d'être idiote mais la peur retient tes actes.

Il n'a pas tort, depuis ce qu'il s'est passé avec Lizzie, je n'arrive plus à rien, si un jour j'ai réussi. Je n'ai plus la sensation d'être comme eux aujourd'hui et peut-être même que je suis en trop.
Vais-je un jour redevenir un loup ?

— Tu veux donc que je manipule ma mère pour connaître leur stratégie ? Tu sais ce que je risque ? Ça fait trois ans que je ne les ai pas vu ! Trois ans que mon père ou plutôt, l'homme qui m'a adopté souhaite me tuer ! Et moi... je devrais retourner là bas, risquer de me faire tuer...

— Tu ne te feras pas tuer, souffle-t-il.

Ses mains sont toujours posées sur mes épaules et son regard m'envoûte. Je reste pendue à ses lèvres et plus je le regarde, plus je l'écoute et plus j'ai l'impression que je tombe amoureuse. Mais peut-être est-ce de la mauvaise personne.

— Je ne serai jamais loin, reprend-il.

J'inspire profondément par le nez, ferme les yeux un instant puis expire par la bouche. Je n'ai d'autres choix que de suivre ses ordres, je lui ai promis loyauté.

Lorsque nous retournons auprès de notre meute arrangée, Max s'avance aussitôt face à Marius et moi puis fusille son petit frère du regard.

— C'est du suicide ! Elle se remet tout juste de ses blessures et toi tu l'envoies à l'abattoir sans être sûr de ton plan, grogne-t-il.

— Tu en as peut-être un mieux, Max ?

Marius croise les bras, il se braque aussitôt.

— Tu veux faire une nouvelle alliance avec l'ennemie ? Reprend-il. Couper mes ongles et piquer une mèche de mes cheveux pour faire une incantation vaudou ? Ou alors... ta jolie Jessica va venir m'arracher le cœur quand je dormirai pour le vendre à ces enflures de chasseurs ? C'est ça ton plan, mon frère ?

— Autre chose que d'envoyer Monroe chez ces monstres, c'est tout ce qui compte.

— Continue de pleurnicher Max. Tu n'as plus ton mot à dire. Tu es venu jusqu'à chez moi, tu as osé frapper à ma porte alors que tu m'avais laissé pour mort. Cette fois, c'est mon plan qu'on suit. Tache de mettre ta fierté ridicule de côté et me laisser gérer.

Max se rapproche de Marius. Tout deux à quelques centimètres l'un de l'autre, yeux dans les yeux. Marius a décroisé ses bras, les poings serrés, il affronte son grand frère sans aucune crainte.

— On doit trouver un autre plan, grommelle Max.

— On doit faire confiance à Monroe, tu la surprotèges et l'empêche d'évoluer d'elle-même. Elle ne saura jamais se défendre seule.

— Elle est encore trop faible !

— Je suis là ! Interviens-je.

Max tourne la tête vers moi tandis que Marius, les yeux sombres, fixe son frère, immobile, les mâchoires crispées.

— Alors arrête de parler de moi comme si ce n'était pas le cas... reprends-je plus calme. Je suivrai le plan de Marius.

— Évidemment que tu le suivras. Il te manipule ! Et il t'apprends à manipuler ! Tu finiras comme lui.

Je vois les mâchoires de Marius se crisper et je peux même entendre son cœur tambouriner contre sa poitrine. Mon ouïe semble au moins revenue, c'est déjà ça.

— Je finirais comme moi je l'entends Max, je vais préparer mes affaires.

Je leur tourne le dos et monte à l'étage, là où je tombe nez à nez avec Jessica. Elle s'arrête devant moi et semble soudainement gênée. Je rêve où elle sortait de la chambre de Marius ? Je lui bloque bien évidemment le passage, je penche la tête sur le côté pour la dévisager, elle qui passe une mèche de cheveux blond derrière son oreille.

— Qu'est-ce que tu faisais ?

— Rien du tout, je visitais, marmonne-t-elle.

— La chambre de Marius ?

Elle relève le menton et me fait face. Elle a très certainement plus de force que moi, en fait c'est totalement évident.

— Qu'est-ce que vous comptez faire Max et toi ? Le tuer pour acquérir son pouvoir ? Le trahir à nouveau ?

— Nous ne pouvons pas le trahir, Monroe, il ne nous fait pas confiance. Il n'y a plus rien à trahir. Marius est mort lorsqu'il a été banni et encore plus lorsqu'il est tombé de cette falaise.

— Il a totalement raison de ne pas vous faire confiance.

Elle fait claquer sa langue contre son palais puis passe à côté de moi. Je suis prise d'un élan alors je lui saisi le bras fermement ce qui l'arrête aussitôt. Je tourne la tête pour murmurer à son oreille, elle, elle regarde droit devant elle.

— Sache une chose, Jessica, si tu as la bête idée de trahir Marius et de mettre en danger Sam, je te traquerai, jusqu'à ce que je parvienne à te faire payer tes actes lâches. Tu souffriras comme jamais tu n'as souffert, à tel point que tu te verras obligée de me supplier d'abréger ta misérable vie.

Je la vois qui serre ses mâchoires et relève le menton.

— Le second choix, c'est toi, alors mets ton complexe d'infériorité de côté, et fais les bons choix, reprends-je.

Elle retire son bras brusquement et me fusille du regard, les narines dilatées, ses yeux de loups fixés dans les miens. Elle serait presque prête à se transformer. J'entends un grondement dans le fond de sa gorge avant qu'elle ne détourne le regard et dévale les escaliers. Je ne me suis pas écrasée, j'ai affronté le monstre qui se terre au fond d'elle, ce monstre aux yeux jaunes. Elle ne m'effraie pas.

J'attrape ma valise et enfourne mes affaires au hasard à l'intérieur. Mon cœur palpite, mon estomac se noue. Marius veut que j'aille retrouver mes parents, que je manipule ma mère, que j'en apprenne plus sur les chasseurs. Il m'a dit que le fait d'être blessée sera un avantage pour moi, ils me penseront inoffensive.

Ce plan est risqué mais ne rien faire est risqué aussi. J'ai suffisamment eu peur en trois ans, je me suis trop écrasée pour renoncer. Au fond je sais qu'il ne me lâchera pas. Il sera derrière moi, il sera là si j'ai besoin de lui. Ma crainte la plus forte ? Le laisser seul avec son frère mais je n'ai d'autres choix que de suivre sa volonté.

J'entends un cœur battre derrière moi. Je me redresse aussitôt et reconnais cette eau de Cologne. C'est Sam. Je me retourne pour lui faire face, il sort tout juste de la douche. Il me sourit légèrement alors je lui rends et me frotte le bras.

— Ça va toi ? Soufflé-je.

— Monroe... Max est contre cette idée.

Je lève les yeux au ciel, lui tourne le dos et continue de ranger mes affaires dans ma valise. Il se poste alors à côté de moi, ses yeux suivent chacun de mes gestes. Je n'en ai que faire. Il faut toujours qu'on me surprotège. Je ne suis plus une enfant !

— Tu es hypnotisée par Marius à tel point que tu ne te rends même plus compte du danger dans lequel tu te mets en le suivant.

Je ne réponds rien, je me dirige vers la salle de bain ou je ramasse mes affaires de toilette. Sam me suit, bien évidement.

— Ne fais pas une bêtise, s'il te plaît.

— La bêtise, c'était celle de suivre Max ! Parce que j'étais manipulée par une fichue morsure...

— Et c'est toujours le cas, m'interrompt-il.

— Arrête s'il te plaît.

Je laisse tomber le sac à mes pieds et sonde son regard.

— Ne t'y mets pas toi aussi, Sam...

— Je ne dis que ce que je constate.

— J'ai fait mon choix.

— C'était probablement pas le bon.

— Alors je m'en mordrai les doigts. Mais contrairement à Max, Marius me laisse prendre mes décisions, m'encourage et ne me cache pas.

— Sa soif de vengeance te fera tuer.

Je me pince les lèvres mais ne dit rien. J'ai ressenti toute sa rage, il m'en a vaguement parlé et je la comprends. Je ne souhaite pas qu'il tue Max et je ne souhaite pas non plus que Marius soit tué. J'aimerais pouvoir les raisonner tous les deux mais c'est tout bonnement impossible pour le moment. Je continue de croire que la rédemption existe. Pour l'un comme pour l'autre.

Je saisis la nuque de Sam et le tire contre moi. Là, je l'enlace aussi fort que je le peux et enfonce ma tête contre son cou. Il me serre lui aussi, je fixe un point droit devant moi, la gorge nouée.

— S'il te plaît, ne les laisse pas lui faire du mal.

Sam demeure muet. Je me détache de lui et lui souris légèrement.

— Je serais de retour tellement rapidement que tu n'auras pas le temps de t'apercevoir de mon absence.

Il pouffe de rire.

— Si seulement...

— T'en fais pas Sam.

Je lui donne une tape sur l'épaule, ramasse mon sac puis descend les escaliers. C'est Dickon qui me conduira. Max me fixe, il semble déçu mais je ne dois pas m'y attarder. Je sors à l'extérieur pendant que Dickon me tient la porte puis croise le regard de Marius qui a enfoncé ses mains dans les poches de son jean. Je m'arrête face à lui, il me détaille de la tête aux pieds puis humecte ses lèvres.

— J'ai confiance en toi, dit-il d'une faible voix.

Sa fierté le pousse à ne pas le dire trop fort. Je souris néanmoins.

— Merci de m'accorder ta confiance.

Il lève ses beaux yeux bleus vers moi.

— Ne la détruis pas.

— Je n'y compte pas.

Dickon démarre sa moto et donne un coup d'accélérateur, m'informant que je dois partir maintenant. Je lance un dernier regard à Marius avant de balancer le sac sur mes épaules et d'enfiler le casque. Je monte derrière Dickon, m'accroche à sa taille et ferme les yeux lorsqu'il part aux quart de tours. Je n'avais pas envie de voir Marius s'éloigner, pas avec toutes ces craintes qui me rongent.

Vais-je le revoir ?