Partie 4 : Chapitre 5

Je tombai enceinte au mois de novembre 1943. Mes parents accueillirent la nouvelle avec joie, mais aussi, avec beaucoup d'appréhension. 

La guerre avait pris un curieux tournant, on ne savait pas à quoi s'attendre.Régulièrement, Radio-Londres annonçait la perspective d'un débarquement, puis plus rien. La Royal Air Force bombardait à nouveau les côtes, les ports et des usines travaillant au compte de l'armée allemande, des gares de triage dans le but de paralyser le réseau ferroviaire. 

On disait que des quartiers et des villes entières avaient été détruites par les bombardements alliés. Adieu le Havre, Lorient et Brest ! Au revoir Nantes ! Caen !Saint-Lô ! Vire ! Beaucoup de perte civile, près de vingt mille personnes en Normandie, trois mille civils, rien qu'au jour du 6 juin 1944. 

On se demandait pourquoi — « Ne sont-ils pas censés nous sauver ? » disait mon père, « Ils veulent briser le prolétariat ! Ne voyez-vous pas qu'ils visent les cités ouvrières ? » Peut-être n'y avait-il rien à comprendre ; après tout, c'était la guerre. 

Il m'arrivait de penser à cette femme qui avait perdu son bébé durant les bombardements, à l'hôpital. Comment pourrait-elle jamais appeler l'Angleterre son allié ? Comment pourrait-elle gagner quoi que ce soit, une fois la guerre terminée ? 

Le maquis était exaspéré par de trop nombreuses destructions. Certains disaient qu'on ne pouvait compter sur personne — « Les Fritz nous fusillent, les Anglais nous pilonnent ! » — « Ils vont nous sauver » disaient les uns, « Meurtriers ! »hurlaient les autres. « Ils touchent des villes sans objectif majeur. Les boches ne sont pas là ! » Nous manquions de cohésion, nous laissions détruire dans l'espoir d'être vivants lorsque quelqu'un viendrait nous secourir. C'était une époque paradoxale où l'on tombait sous le feu de ses libérateurs, où l'on se demandait qui était qui. Mais le souvenir des photos nous invectivait de tenir, de résister à la violence alliée, à la folie ennemie. Beaucoup de rancœur devant le sang versé ; celui des nôtres. 

— Quoi ? s'écria Maxime. Il faut rien dire parce que c'est des bombes alliées ?Tes connauds de Rosbifs, la prochaine fois, qui te dit que c'est pas ta maison qu'ils vont toucher, hein ? Crois-moi, tu parleras pas pareil quand ça t'arrivera. 

— Tu préfère Fritz et Schmitz jusqu'à la Saint-Glinglin ? répliqua Guillaume. 

— Qui sont ces Fritz et Schmitz ? murmura le jeune Allemand à ma droite. Glinglin ? Je ne comprends rien quand celui-là parle. 

— Qu'est-ce qu'il marmonne le frisé ? revint Guillaume à la charge. 

Le dactylo lui jeta un regard noir, toutefois sans rien dire. 

— ASSEZ ! s'écria mon frère. Revenons à l'ordre du jour. 

Le dénommé Einer Hanel avait rejoint nos rangs depuis près de deux mois.Comme j'avais pu le constater moi-même, il travaillait sous les ordres de Hans au camp WN17 en tant qu'opérateur radio. Certains disaient qu'il frayait avec nous pour sauver sa peau, la défaite allemande résonnant comme un gong lointain, mais inébranlable. Personnellement, je n'avais pas d'avis là-dessus. Il nous aidait, il était fiable et utile ; il faisait partie de ces hommes qui taisent leurs pensées dans un silence abyssal, mais qui s'épanchent lorsqu'ils ont trop bu. 

Un soir, il nous raconta comment son père perdit son travail durant la Grande Dépression et dut se rendre régulièrement au bureau du chômage ( Inspiré par l'histoire de Herbert Lutz, What We Knew: Terror, Mass Murder and Everyday Life in Nazi Germany (2005)). 

L'opinion politique de ce dernier, absente jusqu'alors, se développa et s'orienta pour l'extrême droite. Parfois, lorsque personne ne se trouvait à la maison pour garder le petit Einer,son père l'emmenait avec lui. Et il trouvait ça excitant — enfin ! quelque chose arrivait. Il y avait toujours de la vie au bureau du chômage, et du haut de ses dix jeunes années, Einer s'amusait de ces vives altercations, (il entendait des gros mots),de ces bagarres, parfois. On se tapait dessus à la force des poings parce qu'untel dans la file d'attente était passé devant nous, parce qu'on en avait marre de patienter pour un fichu tampon et une vie misérable. « Tu vois » disait son père, « les communistes mènent toujours à la bagarre. » Ainsi naquit sa peur envers ces hommes « qui n'étaient pas comme eux », de la « mauvaise graine » qu'il valait mieux éviter. 

En 1933, son père se mit à supporter le Parti Nazi, avec la certitude qu'il allait contribuer à changer le monde et à redresser l'Allemagne. On placardait des affiches un peu partout dans les rues, on assistait à des défilés, on criait sa fierté le bras tendu vers le ciel. Einer Hanel nous raconta alors, comment un jour, son père revint à la maison avec ce bel uniforme marron : « Maman le trouva très beau, puis elle demanda où il avait bien pu trouver tout cet argent. » Son père venait d'entrer au Parti et ne vint que rarement les voir. Désormais, il travaillait pour eux — « On avait de l'argent, on mangeait mieux. » Sa mère était triste, mais elle était fière. Un soir,comme son père rentra à la maison, il offrit à sa femme des bas de soie. La maman de Hanel fut tout à coup très contente et lui demanda d'aller laver Wagner dans la cour.Il trouvait ça bizarre, qu'elle lui demande d'aller laver le chien chaque samedi soir. 

En 1935, Einer Hanel rejoignit les Jeunesses hitlériennes ; il était devenu ces petits soldats de plomb qu'il avait laissés derrière lui. Certains le félicitèrent,d'autres, ses professeurs, accueillirent la nouvelle avec déception. 

Einer ne comprenait pas qu'on puisse ne pas se réjouir. Que désirer de plus ? On allait l'éduquer dans un beau château, le nourrir, l'habiller, faire de lui un homme comme les grands, mais en mieux ; il allait faire partie de l'élite. Comment aurait-il pu trouver cela étrange ? Lui qui était né avec le Parti, il n'avait rien connu d'autre. 

Vinrent les morts : « des partisans ennemis » leur disait-on, « des communistes,des terroristes. » Il était fier de servir son pays, une noble cause ! On combattait l'ennemi, on tuait ceux qui nous auraient tués. « La Russie n'est pas toute blanche »marmonnait-il en tremblant sur son verre, « Les Anglais bombardent vos civils ! » 

Comme beaucoup, les camps de concentration le firent changer d'opinion. Il avait su des choses sans vouloir les croire, il pensait que c'était une manière de salir l'Allemagne. Il était resté sourd et aveugle. C'était impensable, trop inhumain, trop organisé. Mais, si c'était vrai, à qui appartiendrait la responsabilité ? 

— Einer, reprit Gaspard, tu peux émettre ce soir ? 

Hanel remua un instant, puis hocha vivement la tête. 

— Oui, il n'y aura que le lieutenant Kügler et moi. 

— C'est parfait. Vous autres, vous savez ce que vous avez à faire. 

Chacun acquiesça avec plus ou moins d'entrain, plus ou moins d'assurance, et nous nous séparâmes à l'orée du bois. Dans le vent, je perçus bientôt l'odeur d'un tabac que je connaissais. Je me retournai pour découvrir Guillaume ; il marchait derrière moi, les mains dans les poches de son pantalon élimé. 

— Guillaume ? Tu ne devrais pas rejoindre les autres ? 

Il approcha, haussant les épaules. 

— Toi et moi, dit-il, ça fait drôlement longtemps. 

— C'est vrai, je croyais que tu avais disparu. 

— J'me suis planqué, puis j'ai trouvé ton frère ; un sacré gars. 

J'opinai et observai l'herbe couverte de givre. Je ne savais pas ce qu'il voulait ;depuis toujours, sa présence me mettait mal à l'aise. 

— J'ai appris pour Nadette. (Il cracha de côté.) Saletés d'Fritz. 

Je relevai la tête, surprise de le voir aborder le sujet. 

— Tu devrais faire gaffe avec tes Allemands, reprit-il comme je ne répondais pas. Ils font ça pour sauver leurs miches... Ils en ont rien à foutre qu'on crève. Quand la guerre retournera à leur avantage, tu verras : auf Wiedersehen

Il me considéra un instant, et avec un insolent sourire, tendit le bras droit avant de s'enfoncer dans la forêt. 


Quelques semaines plus tard, en décembre 1943, nous apprîmes la venue en France du maréchal Erwin Rommel. Hitler l'avait expressément nommé inspecteur des fortifications du mur de l'Atlantique. Il devait vérifier si ledit mur était capable de résister à une attaque qu'on disait toujours imminente. Celui-ci jugea les défenses tout à fait dérisoires, et ordonna d'accélérer les travaux afin de renforcer le mur. On ajoutait des positions, des bunkers, des pieux, les fameuses asperges de Rommel,dans les champs à l'arrière et sur le littoral. 

Les nouvelles allèrent vite, et filtrèrent tout aussi rapidement par le biais de notre réseau. L'information fut relayée le soir même par la BBC. Une erreur, sans doute, puisque les Allemands écoutaient la radio avec beaucoup d'attention ; ils cherchaient à intercepter des messages en lien avec le débarquement. 

Le lendemain, au détour de la place, je surpris l'Hauptsturmführer Diederich en compagnie d'un homme que je ne connaissais pas. Sur les marches de la Kommandantur, le premier s'exprimait avec beaucoup d'agitation : « Comment peuvent-ils possiblement savoir ça ? Je vous dis qu'il y a un traître parmi nos rangs. » 

Ses mains s'élevaient, décrivant sa nervosité. Il était irrité par le manque d'intérêt dont faisait preuve son interlocuteur. 

Au bas des marches, celui-ci lui donna congé dans un salut inconsistant. 

— À qui s'adressait-il ? demanda Hans. 

J'allumai la lampe à huile, et la cuisine se dota d'ombres dansantes comme le tambour d'un zootrope. 

— Je ne saurais dire, répondis-je, mais il était gradé et assez vieux. 

Ralph entra dans la pièce. 

— L'homme dont tu parles, s'enquit-il, il est de la SS ? 

— Je ne crois pas, du moins je n'ai vu aucun écusson. 

Hans posa son paquet de cigarettes sur la table et craqua une allumette : 

— Que fait-il avec un officier de la Wehrmacht ? Il nous déteste. 

Ralph et moi, nous considérâmes en silence. 

— Peut-être qu'il faudrait faire plus attention... proposa ce dernier. 

— Hors de question, récria Hans, on continue. 

Ralph se laissa glisser dans sa chaise.Je sondai Hans du regard. 

— Peut-être qu'il a raison, fis-je. L'avion, c'est un gros coup. 

Hans se leva, et son poing fermement serré alla plusieurs fois marteler la table.Il retenait sa colère, je le savais à la manière qu'il avait de se tenir, à son regard résolu qui ne pouvait admettre aucune faiblesse. 

— Tu préfères que j'aille gazer des vieillards, des femmes et des enfants ? 

Comme s'il m'avait porté un coup, je le fixai, muette et ahurie. 

— Parce qu'on arrête tout, reprit-il, et je prends le prochain train. Je ne peux plus être Allemand, et malgré ce que tu dis, les Français ne nous accepteront pas. Tun'as qu'à voir ton frère : il nous tolère uniquement parce qu'on est utile. Tu as vu comme ils nous regardent ? Comme il regarde notre fille ? Ils ne font aucune différence, Béate. Quand le débarquement aura lieu, nous serons enfermés ou fusillés avec les autres. On n'est plus personne... Je refuse de tout perdre pour rien ! 

Ralph se leva, lui murmura quelque chose lorsqu'on frappa à l'arrière. 

— Je vais ouvrir... ânonnai-je, soulagée de pouvoir quitter la pièce un instant. 

Je ravalai mes larmes dans le cellier, tâchant de reprendre un peu de consistance. Matthias et Einer apparurent sur le seuil, deux ombres grises dans le bruissement hivernal de la campagne en berne. 

— Personne ne vous a suivi ? 

Ils entrèrent rapidement en secouant la tête. 

— Bonne année, les saluai-je, nous ne nous sommes pas vus depuis. 

Matthias afficha un grand sourire comme il me répondit, et Einer, fidèle à lui-même, se contenta d'opiner nerveusement. 

— Matthias, fis-je en me dirigeant vers l'une des étagères, vous voulez-bien m'aider avec ça ? (Sans savoir de quoi il encourait, il acquiesça.) Allez-y, Einer, repris-je, ils sont dans la cuisine. 

Einer entra dans la lumière, et disparut dans cet espace qui séparait le cellier du reste de la maison. Posté à ma droite, Matthias observait l'étagère vide. 

— Mein Gott... souffla-t-il, les poings contre ses hanches. Quelle opulence. 

— N'est-ce pas ? répondis-je, cependant incapable de lui sourire. 

— Vous ne m'avez manifestement pas appelé pour l'une de vos défuntes bouteilles. Qu'avez-vous ? Vous semblez triste. 

— Comment va votre femme ? 

— Ma femme ? répéta-t-il. Elle va bien, mais je doute que vous ayez chassé Einer pour me parler d'elle. 

— Non, en effet, c'est que je ne sais plus tellement quoi dire. 

Il se tourna légèrement de côté pour mieux me faire face. 

— Allons... Dites-moi. 

Je levai les yeux et trouvai son regard interrogateur. Ce regard me fit tourner la tête. 

— J'ai peur, avouai-je, qu'il vous arrive malheur à tous. Hans a dit des choses ce soir... Je sais qu'il a raison. Vous autres, vous semblez ne rien éprouver. 

Un sourire gouailleur éleva les coins de sa bouche. 

— Avez-vous vu Einer ? La peur suinte par tous ses pores ! En chemin, je me suis même dit que si la peur avait une odeur, nous serions déjà aux arrêts. 

— Laissez-le tranquille, le pauvre..! 

Malgré tout, il parvint à me soutirer un sourire discret. 

— Vous vous trompez Béate, déclara-t-il avec un regard lumineux qui me parut être habité, nous avons peur. Nous avons peur... répéta-t-il. J'ai peur de ne jamais revoir ma femme, notre famille, j'ai peur de ne jamais rentrer chez moi. Vous savez,je n'ai jamais autant maudit quelque chose que cette guerre. 

— Que ferez-vous, fis-je comme ses yeux brillaient, lorsque vous rentrerez ? 

Il eut un sourire doux apercevant la manœuvre et répondit : 

— Embrasser les pieds de mon fils qui tiennent dans ma main ; enfin, qui tenaient ! comprit-il dans un rire attristé. Faire l'amour à ma femme, lui faire des enfants. Oh.., souffla-t-il, excusez-moi. 

— Pas de besoin de vous excuser. 

— D'ailleurs, reprit-il en me désignant, toutes mes félicitations ! 

— Hans vous l'a dit ? demandai-je, un brin surprise. 

— Pas du tout, répondit-il, je l'ai vu dans vos yeux. 


Nous passâmes les semaines suivantes à organiser l'évasion de pilotes anglais qui s'étaient écrasés dans un champ. Durant des jours, la Wehrmacht lança activement ses soldats à la recherche des deux hommes. Ils fouillèrent partout en ville, puis dans nos maisons, dans les caves, jusque dans les écuries et les étables. 

Ils saccagèrent tout sur leur passage, enragés, et mirent malheureusement la main sur des choses qui ne concernaient pas leurs recherches. Un homme fut fusillé au courant du mois, une jeune femme, déportée au camp de Ravensbrück. 

Le 29 janvier 1944, les deux pilotes s'envolèrent pour l'Angleterre dans un biplace de la Luftwaffe. Incroyable coup de chance, ni les canons antiaériens allemands, ni la DCA anglaise, ne broncha. Sans encombre, les deux hommes se posèrent outre-Manche, mais durent toutefois expliquer la raison de leur accoutrement une fois arrivés là-bas. En effet, ils portaient l'uniforme allemand... 

À partir de là, les Allemands semblèrent se tenir dans un perpétuel état d'alerte. En mars 1944, quatre nouvelles divisions arrivèrent dans le Calvados afin de palier à ce fameux débarquement dont on ne voyait pourtant pas la queue. Fort heureusement, pas grand monde chez nous. 

Les problèmes dus au ravitaillement se firent sentir. Plus de céréales, car les chemins de fer furent monopolisés pour le transport d'hommes, d'armes, et de munitions. Il y eut également davantage de réquisitions concernant les moyens de transport, si bien qu'un jour, deux soldats vinrent à la ferme et emportèrent Maréchal avec eux. Il me sembla alors que mon père venait de livrer son dernier souffle. 

Suivirent d'autres types de réquisitions : les pneus, des chambres à air et des batteries automobiles. « Plus d'argent » disait mon père, « plus de viande, plus rien,mais les opéras et les opérettes, ça..! Il y en a, et à foison ! » Il ne pouvait s'empêcher de lire les journaux, s'énervant chaque jour davantage devant l'illogisme de la guerre. « La Bohême ! Le Petit Duc ! » énumérait-il, « Messieurs, Dames ! Un p'tit coup d'Rigoletto peut-être ? Vive la France ! Oh, vive la France ! » 

À la fin du mois de mars, je me rendis en ville afin de rendre notre vieux récepteur radio ( du moins l'un d'entre eux.) À compter du 1er avril, la possession ou la vente de postes de TSF, si l'on n'était pas Allemand, devenait interdite. Le motif annoncé fut le suivant : « La nécessité d'assurer la sauvegarde des troupes d'occupation dans une région menacée d'invasion étrangère. » 

Le 28 mars 1944, j'entrai donc dans la Kommandantur de Colleville, portant le poste à bout de bras dans son imposante valise bleue à striures. 

— Que faites-vous ? s'exclama le secrétaire comme je posai un peu bruyamment mon barda sur son bureau. 

— Je viens déposer mon poste. 

Je le considérai, penaude, comme il se leva d'un bond pour s'écrier : 

— CE N'EST PAS ICI ! 

Une main contre mes reins, j'expirai afin de reprendre mon souffle. L'autre observa mon ventre arrondi sans compassion. Il retourna la valise pour en vérifier le contenu, car à l'époque, les Allemands avaient grand-peur des engins explosifs. 

— Mais c'est écrit sur les affiches, repris-je, il faut se rendre à l'hôtel de ville. 

— C'est la Kommandantur, ici ! 

— C'est vrai, mais c'est tout de même l'hôtel de ville... 

— RAUS! (Dehors) hurla l'autre, prenant cela pour de l'impertinence. 

Dans un bruit tonitruant, il jeta la valise à terre. Plusieurs hommes se retournèrent dans le hall, lançant un regard commun dans ma direction. Je me baissai rapidement, ramassai les morceaux du poste lorsque je vis son pied, envoyer au loin l'un des éléments. Je reculai, par réflexe, plaquai une main contre mon ventre. 

« Schnell! » braillait-il en me malmenant, « Schnell! Los! » 

Comme je fermais la valise, j'entendis la voix de Matthias arriver derrière moi.Il attrapa mon poignet et m'aida à me relever. 

— Mademoiselle est une collaboratrice très utile ! s'exclama-t-il. 

L'autre le considéra bêtement avant de froncer les sourcils. Il se mit à parler en allemand, très rapidement, avec un accent si particulier que je ne pus comprendre. 

Matthias le salua avant de prendre la valise et de m'entraîner vers la sortie. 

Marsch! (en avant) chuchota-t-il en se pressant. Ce n'est pas ici qu'il faut venir, c'est dans l'annexe de la mairie, la salle des fêtes. 

Nous atteignîmes la sortie, mais arrivés sur la première marche, quelque chose explosa, et le souffle nous propulsa à terre. À cet instant, deux choses existaient : ce sifflement douloureux dans mes oreilles, et la main de Matthias qui serrait la mienne. 

Lorsque l'étouffante fumée se dissipa, je vis des flammes s'échapper d'une voiture. Au bas des marches, deux SS couraient sur le pavé comme des torches humaines, noires et hurlantes. Un homme arriva derrière nous, puis traversa le nuage gris. D'un pas très sûr, il marchait, et arrivés près des deux torches, leur colla une balle dans la tête. Le Diable apparut, je vis ses yeux luire dans la poussière, jeter autour de lui le fol éclat de la rage. Le scélérat appela ses hommes, et très vite,ceux-ci vinrent le rejoindre sur la place. Au pas de course, une dizaine de SS nous dépassèrent ; l'un d'entre eux donna un coup de pied dans la valise. Matthias et moi,nous recroquevillâmes afin de ne pas être écrasés, puis abandonnâmes les marches. 

Planqués au coin de la rue adjacente, nous les observâmes avec effroi, former les rangs comme de nouvelles détonations retentirent sur le champ de foire. On tirait depuis l'un des bâtiments. Comme nous, ils s'aperçurent très vite d'où provenaient les tirs. Un homme tomba dans un hurlement succinct, défenestré, et la fusillade alla se poursuivre dans le hall de l'immeuble. Nous les vîmes entrer comme de grandes fourmis noires dans cet orifice fait d'explosions, de fumée et de cris. Je restais paralysée contre le mur, incapable de quitter la scène des yeux. 

— Béate, s'écria Matthias, venez ! 

Nous nous mîmes à courir dans la rue comme deux beaux diables, et je me demandai : pourquoi court-il ? La raison, c'est qu'il avait aussi peur que moi, si ce n'est plus. Plus, car il les connaissait mieux que personne, mieux que nous autres en tout cas, mieux que moi, mieux que mon frère, mieux que tous les maquis du monde. 

Il était né parmi eux, comme un homme parmi d'autres auxquels on se fie et prend naturellement pour modèle. Je pensai alors aux fruits, même les plus sains ont du mal à résister à la pourriture lorsqu'elle est proche. Il me semble qu'il en va de même pour nous. La haine, la bêtise et la violence sont comme une traînée de poudre, elles entraînent des réactions en chaîne d'un individu à l'autre, qui reproduit et reproduit, et reproduit, jusqu'à rendre ce schéma complètement conforme et légitime, ici, héroïque, patriotique. Formatage, matraquage intellectuel en bas âge,qu'aurais-je fait, si je t'avais connu ? Dans mon pays, je sais que je t'ai subi. On te subit partout, mais jamais de la même manière, jamais dans le même but. Aime ce que je te dis, déteste ceux que je t'ordonne, et sois mon bon citoyen... 


* * * 


Le sifflement ne s'atténua pas, il empira pour devenir une terrible migraine qui me jeta au lit près de deux jours. M'était venue la peur que quelque chose puisse être arrivé au bébé. J'étais comme ça, je pensais comme ça, sans interruption, énervée,mais aussi exténuée, avec l'impression constante de manquer d'air. 

Dans mes rêves, je voyais ce que nous avions vécu, ce que j'imaginais se produire. Il y avait des corps — l'homme défenestré : son cri si bref était devenu interminable. Je rêvai que les Allemands nous avaient jetés dans des boites pleines de punaises et de clous. Ils nous disaient de rester là, de ne pas bouger, qu'ils allaient nous classer, nous tasser, un par un, et qu'après, on pourrait rentrer chez nous. 

— Je ne veux plus que tu sortes, annonça Hans dans la chambre. 

— Ecoute-moi, j'ai un mauvais pressentiment. 

Liebchen, il faut que tu te calmes. 

— Non, m'exclamai-je en touchant son visage, tu ne comprends pas. Je parle de nous. Quelque chose de terrible va arriver ! Si tu pars, dis-je en larmes, si tu pars... 

Je pleurais sans force ; Hans me serrait dans ses bras, mais je pouvais sentir la perte, l'absence, comme à la veille de son départ pour Berlin

Ses mains vinrent essuyer mes joues, ses doigts, ceux d'une mère mouchant le nez de son enfant. Il ne me croyait pas, tout cela n'était qu'impressions, des peurs inconsistantes de femme enceinte. Il disait que les hormones me faisaient imaginer le pire. Au diable les pressentiments, « rien ne va arriver. » 

— Béate... Tu fais peur à Stella. 

Tenant fermement son doudou, (un grand mouchoir rose), elle alla enfouir son visage contre le flanc de son père. Je me calmai en l'entendant sangloter, me redressai sur le lit avant de saisir sa main. 

— Tu me chantes une belle chanson ? demandai-je. 

Elle fit non de la tête, blottie contre Hans. 

Wir sollten ein Lied singen, chuchota-t-il penché sur elle, für Mama, oder? ( On devrait chanter une chanson, non ? Pour maman.) 

Elle leva les yeux sur son visage comme il se mit doucement à entonner cet air que j'aimais tant, cet air qui m'attendrissait aux larmes : 

« Parlez-moi d'amour, redites-moi des choses ten-dres...Votre beau discours, mon cœur n'est pas las de l'enten-dre...Pourvu que toujours, vous répétiez ces mots suprêmes : » 

— Je vous ai-me... chanta-t-elle avec lui. 

https://youtu.be/rIAQWr34De0

(Parlez-moi d'amour, chanson écrite et composée par Jean Lenoir, interprétée en 1930 par Lucienne Boyer. )

* * * 


Bientôt, on ne parla plus d'amour. 

Le 9 avril 1944, cinq membres de la résistance furent arrêtés au-dessus du café lors d'une rafle. Monsieur Flochard et sa femme furent fusillés à leur côté au matin du 11 avril 1944 ; les enfants qu'ils cachaient chez eux furent déportés à l'est. 

Quelques jours plus tard, vint le recensement des jeunes de la classe 44. Parmi ceux nés du 1er janvier au 31 décembre 1925, certains allèrent grossir les rangs de la forêt. Pour tous les autres, on assista au spectacle quotidien de la désolation, où les mères pleurent leurs fils devant des soldats qui n'y entendent rien. Avec l'aide de la Milice française, on les envoya en Allemagne comme des bêtes à l'abattoir. 

Ce fut le retour des bombardements, plus violents cette fois. Le Calvados fut déclaré zone de combat, et partout, des maisons, des familles entières, tombèrent sous le feu allié. Je voulus envoyer Stella en Angleterre, mais aussi savais-je que c'était encore plus risqué que de la garder près de nous. Nous ne dormions plus et vivions au rythme terrifiant des alertes. On allait se cacher dans les caves, sous les tunnels, et on priait pour que le tout tienne. Hans passait de moins en moins de temps à nos côtés, le colonel le mandant nuit et jour afin de parer aux attaques et au débarquement devenu inévitable. Profitant du chaos, le maquis fit dérailler un train,bloquant le trafic ferroviaire durant des jours et mettant l'armée allemande à mal. 

Lorsque vint l'accalmie, des membres de la défense passive vinrent nous aider à déblayer les rues et à extraire les victimes des ruines. On inhuma les nôtres, les Allemands eurent cette fois leurs propres morts. Durant plusieurs jours, il n'y eut plus rien, plus de coups bas, plus de fusillades, plus d'arrestations, rien que des Hommes abattus. Une cérémonie se tint à l'église, les Allemands nous laissèrent entrer. Hans fut lui-même touché par la perte de l'un de ses camarades, et comme moi, alla s'y recueillir. Je l'y revis donc après plusieurs jours d'absence. Dans l'église, le clivage existait bien, les Français d'un côté et les Allemands de l'autre. Pourtant, certains parlaient un peu. Un très jeune soldat et un vieillard conversaient près de la porte,une femme venue se joindre à eux. D'autres se regardaient en chiens de faïence, et d'autres encore, semblaient n'y attacher aucune importance. 

Je trouvai Hans sur un banc près de la nef et osai m'asseoir près de lui. À sa gauche, un soldat me considéra sans grand intérêt avant de remarquer mon ventre ;aucune robe, aussi vaporeuse fut-elle, ne pouvait plus le cacher. Il détourna les yeux,puis se signa avant de quitter notre banc. 

— Je lui ai fait peur... murmurai-je. 

Doucement, Hans tourna la tête, me dévoilant entièrement son visage et un sourire. Derrière nous, j'entendis des chuchotis, des frémissements de bonnes femmes, des murmures... La Bête en train de se réveiller. 

J'embrassai sa joue, puis posai ma tête contre son épaule. Alors, les chuchotis s'intensifièrent, puis comme tout, ils se turent tout à fait. 

— Je t'aime, l'entendis-je murmurer, für immer (pour toujours.) 

Sur mes genoux, je serrai doucement sa main. 

— La prochaine fois que j'entrerai dans une église, ce sera pour me marier. 

— Avec qui..? Souffla-t-il d'un air faussement surpris. 

Je lui pinçai discrètement le flanc, convoquant chez lui un sourire. 

À côté de nous, quelqu'un vint s'asseoir un peu brusquement : 

— Dieu peut nous faire de telles révélations... 

Je tournai la tête pour découvrir à ma droite la hyène policée, un monstre qui jouait à l'Homme : l'Hauptsturmführer Julius Diederich. 

 Heil Hitler, Oberleutnant. » 

Hans se redressa, serrant davantage ma main qu'il ramenait à lui. 

— Hauptsturmführer, répondit-il sèchement, nous partions. 

Je me levai à sa suite, terrorisée par l'Autre qui se mit à nous suivre. 

— Dans ce cas, répliqua-t-il très avenant, permettez-moi de vous reconduire.Cela fait si longtemps que je ne vous ai vu. C'est curieux, n'est-ce pas ? dit-il en s'adressant à Hans. Vous et moi, nous croisons toujours dans des églises. Comment s'appelait-elle déjà, celle que vous aviez brûlée en Pologne

Comme il ralentit dans l'allée, Hans lui jeta un regard en biais. 

— Vous savez, continua l'autre, une main sur mon épaule, nous nous sommes connus enfants, nos parents étaient de grands amis. Tu te souviens, Hans,Kristallnacht? (Nuit de Cristal - pogrom (attaques et pillages) contre les Juifs qui se déroula en Allemagne dans la nuit 9 au 10 novembre 1938 et le jour suivant. ) Il n'y avait pas de soldats, mais toi, tu y étais quand même... Tu savais ce qui était bon pour ton pays. 

Sur le parvis, Hans se retourna en s'approchant dangereusement de lui. 

Ich weiß was du versuchst zu tun. (Je sais ce que tu essaies de faire.) 

— Pourquoi en allemand ? répliqua Diederich. Ça n'est pas très poli. 

D'un regard, il me désigna, puis ils se jaugèrent avec défiance, dressés l'un contre l'autre dans un silence orageux. Diederich me considéra à nouveau avant de partir d'un rire sourd. 

— Quelle indécence ! s'exclama-t-il. Tu ne lui as rien dit ? 

Je sondai Hans du regard, sa bouche s'entrouvrit sur un silence blanc. 

— Pauvre Mademoiselle... Sa langue, rouge, passa sur sa lèvre inférieure. Plus de princes, des nazis partout. J'en étais sûr... J'en étais sûr ! répéta-t-il d'un air désopilé. Que de beaux bâtards pour repeupler la France qui se vend pour un bout de pain. Tu veux mon avis ? Il faudrait saigner ces porcs avant qu'ils naissent. 

— Hans, fis-je en touchant sa main, nous devons partir. 

Celui-ci m'observa, désarçonné, et Diederich revint à la charge. 

— Mademoiselle, dit-il en ôtant sa casquette, tous mes vœux de bonheur. 

Il sourit, puis s'en retourna dans l'église. 


* * * 


— Là, ma chérie, ne pleure plus. 

J'allai retrouver Stella dans le couloir. J'approchai d'elle, ses yeux observèrent la flamme de la bougie, cette lueur tremblante qui éclairait son visage et cette grosse larme perdue sur sa joue rose. D'une main, je caressai ses cheveux brillants comme des fils d'or et de soie, puis la ramenai contre ma hanche. 

Dans l'obscurité, j'aperçus Ralph venir avec un chandelier. 

— Encore une coupure de courant, déplora-t-il près de l'escalier. 

Nous allâmes le rejoindre comme Stella sanglotait contre ma cuisse, effrayée par ce qui se cachait dans le noir. 

— Faut pas pleurer petite fille, lui dit-il avec un regain d'accent allemand. 

Elle le considéra avec de grands yeux humides ; ses lèvres charnues tremblaient encore un peu. 

Ich habe Angst... chuchota-t-elle en se tenant à ma jambe. (J'ai peur.)

— On va rejoindre grand-mère et grand-père, répondis-je, d'accord ? 

Elle acquiesça doucement, et Ralph la porta dans l'escalier afin que je puisse descendre sans encombre. Nous allâmes rejoindre mes parents dans la salle à manger où ma mère avait allumé une dizaine de bougies, des lampes, et mon père, près de la cheminée, achevait de nourrir un feu. 

Es ist Weihnachten! s'écria Stella en se ruant dans la pièce. 

— Quoi ? demanda maman. Qu'est-ce qu'elle dit ? 

— Elle pense que c'est Noël, expliqua Ralph. 

Nous la vîmes décrire un petit cercle autour de la table avant d'aller rejoindre Siméon sur le tapis. Il jouait aux cartes près de mon père. 

— Va-t-on bientôt pouvoir passer à table ? grommela ce dernier, donnant quelques coups de tison dans les braises. 

— Toi, alors, le reprit ma mère, tu n'es jamais content.Il fit un clin d'œil à Stella. 

— Content ? Avec ce qu'on mange ? 

— Tu n'es qu'un ventre, rétorqua-t-elle. 

— Ah, ça, ça ne risque pas ! 

Ralph me considéra, un sourire dans le regard, les enfants partirent d'une risée tandis que ma mère ronchonnait (à juste titre) dans la cuisine. 


Hans revint à la ferme ce soir-là, il rentra après dîner et nous joua du piano. 

Nous nous amusions à reconnaître des airs, ceux qui ne pratiquaient pas durent chanter quelque chose. Nos voix de crécelle provoquèrent quantité de rires, et pas seulement de la part des enfants. Plus tard dans la soirée, après les avoir couchés,l'accablante réalité revint pourtant régir nos conversations. 

— Les affreux ! s'exclama mon père. Vous savez comment on les appelle ? 

— Qui ? demanda Ralph qui s'était perdu dans son verre. 

— Mais la Feldgendarmerie ! Vous suivez ou non ? 

Ja, ja.., mais c'est votre liqueur, comment vous dîtes ? Gnôle

Hans se pencha sur moi en riant. 

— Tu vas les empoisonner avec ta gnôle, intervint maman. 

— Je peux finir, oui ? reprit mon père. Donc, la Feldgendarmerie, comment qu'on les appelle ? Hein ? 

Hans secoua la tête, et Ralph eut un hoquet. 

— Comment ? demanda Hans. 

— Les chiens de garde ! À cause du collier qu'ils portent. 

— C'est pas un collier, répliqua Ralph, c'est un Ringkragen, un hausse-col. 

— Un hausse-col, fit mon père dans un rire, un hausse-col ! répéta-t-il. C'est bien des mots pour pas-grand-chose ça, mon garçon. 

— Qu'est-ce qu'ils ont fait ? demandai-je. 

— Ils ont arrêté les prostituées de Beuville ce matin, répondit Hans, pour vérifier leur état de santé et leur identité. 

— Quoi, rebondit mon père avec cynisme, ils n'ont pas leur quota de Juifs ? 

— Albert... le réprima maman. 

— Laissez, reprit Hans, votre mari a raison. Ils cherchent, ils fouillent, et le fait que nous soyons en train de perdre la guerre semble les motiver encore plus. 

— Mon vieux, votre race est increvable. 

Hans acquiesça, puis posa son verre sur la table. 

Un silence. 


* * * 


Je contemplais, absorbée, les lueurs rousses, danser sur le miroir de notre chambre. Assise près du bougeoir, sur le petit fauteuil jaune, je dégrafais mes bas. Je pouvais sentir son regard posé sur moi, depuis le lit, son regard comme une lointaine caresse, une promesse d'amour. 

Penchée en avant, bataillant avec mon ventre bien haut, je défis la première jambe et me mis doucement à soupirer. 

— Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquièta-t-il. 

— Viens m'aider, lui dis-je, au lieu de te rincer l'œil... 

— « Rincer l'œil », répéta-t-il en se levant, je ne connais pas cette expression. 

— Peut-être, mais je suis certaine que tu la comprends. 

Sans répondre, je le vis sourire tandis qu'il approchait, de ce sourire à moitié moqueur, à moitié attendri. Près de moi, sa main dénuda mon épaule, et ses lèvres trouvèrent doucement ma peau. Je me tournai pour l'embrasser, admirant les ombres chatoyantes sur son visage marqué par la guerre ; comme tous les autres. 

Combien d'années étaient venues piller sa jeunesse ? Combien de rides vandalisaient son front ?Combien de traces bouleversantes ? 

Parfois, quelle dureté pouvais-je lire dans son regard, quelque chose comme un mur qui vous jetait à la porte. 

— Quoi..? souffla-t-il en faisant glisser mon bas. 

— Qu'est-ce que tu veux dire ? 

— Tu penses à quelque chose, ma chérie. 

Il s'arrêta à ma cheville, agenouillé sur le tapis. 

— Ne puis-je pas penser et me taire ? 

— C'est parfois dangereux de se taire, douloureux. 

Je le regardai embrasser mon genou. 

— C'est vrai, murmurai-je, ce que Diederich a dit ? 

Dans ses yeux, je lus de l'inquiétude et de la honte, sans doute ma propre déception. Alors, il acquiesça en silence, me fixant avec gravité ; il attendait une réaction qui ne venait pas. 

— Tu ne dis rien ? demanda-t-il. Rien du tout ? 

Je secouai la tête. 

— Tu es ton propre enfer Hans, tu n'as pas besoin de moi. 

— Et maintenant ? 

— Maintenant ? répondis-je. Rien de plus, rien de moins. 

Il me regarda encore un peu, puis ôta finalement mon bas. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top