Partie 2 : Chapitre 8
Je repris ainsi mon travail, partagée entre une joie temporaire, celle de retrouver le monde extérieur, et la gravité de la situation. Je les écoutais parler derrière le comptoir, s'entretenir d'un sujet qui revenait constamment, un sujet qui rendait leur timbre concerné et inquiet : le front de l'Est.
— « Ich hoffe, ich bin Weihnachten zu Hause. »
Près de la fenêtre, le soldat reposa sur la table cette lettre qu'il venait de lire à deux de ses camarades, un courrier de son frère reçu tardivement qui disait : « J'espère être de retour pour Noël » alors que nous étions au mois de mars.Ces derniers jours, un autre sujet revenait régulièrement : les Allemands parlaient de ces aviateurs alliés, les Britanniques, présents sur le sol français depuis que des chasseurs les avaient abattus. Le problème était qu'on ne retrouvait pas les pilotes, et suspectait la population de les cacher dans l'attente d'une évasion.
— Mademoiselle ! s'écria un soldat près de la porte. Un café avec la crème.
J'acquiesçai et préparai sa commande, ne perdant pas une miette des conversations. J'avais consigné les mots importants, ceux qui résonneraient à mes oreilles comme une sirène d'alarme : Anschlag, Attentäter, Terroranschlag,Deportation, Feuergefecht, Bombe, Bombardierung, Folter, Kriegsgefangene,Repressalien, Repression, Lagerhaus, Widerstandsbewegung, etc. (Attentat, auteur d'attentat, attentat terroriste, déportation, fusillade, bombe, bombardement, torture,prisonnier de guerre, représailles, répression, entrepôt, mouvement de résistance.) Mais ça n'était pas les mots que j'entendais le plus. Dans la bouche des jeunes recrues, c'était régulièrement : meine Mama, meine Familie, meine Stadt, meine Freundin. (Ma petite mère, ma famille, ma ville, ma copine.) Ils parlaient de la guerre, ils parlaient également de leurs souvenirs.
— Voilà pour vous, un café crème.
Le carillon tinta, et la porte s'ouvrit comme je regardais par le carreau en m'essuyant les mains.
— Frau Thomas? s'exclama-t-on. Je ne savais pas que vous travailliez ici !
Je me retournai et reconnus le soldat Matthias, celui qui m'avait accompagnée chez le docteur. Immédiatement, son visage jovial aux joues replètes me fit sourire.
— Que vous est-il arrivé ? fis-je en désignant ce pansement qui recouvrait une partie de son œil gauche.
— Oh, ça ? Ce n'est rien du tout. (Il salua le soldat au café crème et observa sa boisson.) Servez-moi ça, je veux comme lui. (Je hochai la tête.) Puis-je m'asseoir au bar, près de vous ?
— Bien sûr, venez, vous me tiendrez compagnie.
Il acquiesça en souriant, et c'était agréable de parler avec quelqu'un comme lui. Il me faisait rire, il était de ceux qui n'ont peur de rien et disent tout ce qui leur passe par la tête.
— C'est paradoxal, dis-je.
— Quoi donc ?
— Votre caractère, vous travaillez pour la censure.Il éclata d'un rire clair.
— Et puis, ajoutai-je, il y a votre voix.
— Ma voix ? s'exclama-t-il. Qu'y a-t-il avec elle ?
— Vous avez une grosse voix, et pourtant, le visage lumineux d'un enfant.
— On ne m'a jamais dit ça en Allemagne, c'est sûrement parce que vous êtes française ; vous n'y connaissez rien. Tous les Allemands ont une GROSSE VOIX..!
— Ça non, ris-je, c'est un mensonge.
Il m'observa en souriant, avec de petites dents blanches, de petites dents de souris comme celles des enfants, mais parfaitement alignées.
— Allez-vous au bal ?
— De quel bal parlez-vous ? demandai-je.
— La fête villageoise organisée par le Comité des Œuvres de Guerre ; c'est affiché partout.
— Non, je n'ai pas vu.
— Irez-vous ?
— Oh, je ne sais pas, je dois m'occuper de ma petite.
Dehors, sur le champ de foire, un roulement de tambours résonna, appelant les citoyens à se regrouper. Alors, comme à l'habitude, je sortis du café et restai près de la porte afin d'écouter ce qui se disait.
— Avis à la population ! lut un soldat devant la foule. Toute personne du sexe masculin qui aiderait les équipages d'avions ennemis, qui favoriserait leur fuite, les cacherait ou leur viendrait en aide, sera fusillé sur-le-champ.
Le soldat Matthias vint se poster à mes côtés.
— Les femmes qui se rendraient coupables du même délit, seront envoyées dans des camps de concentration en Allemagne !
J'observai le jeune Allemand derrière sa tasse.
— Les personnes qui s'empareront d'équipages ou qui auront conduit par leur attitude à leur capture, recevront une prime pouvant aller jusqu'à dix mille francs !Dans certains cas, cette récompense sera augmentée.
Peu à peu, la foule se dispersa, de ce rythme lent et désabusé. On chuchotait,on baissait la tête, on regagnait ce qu'il restait du quotidien.
— Venez demain, déclara tout à coup le soldat Matthias, vous me ferez plaisir.
Il me rendit sa tasse, et je l'observai se presser en direction de la Kommandantur.
* * *
— Non, je n'ai pas envie d'y aller.
— Tu devrais t'amuser un peu.
Je considérai Ralph de l'autre côté de la table : il écossait tranquillement les pois. Moi, je soupirais, les mains curieusement moites de cette sueur froide qui appartient à l'indécision.
— Et Stella ?
— Il y a tes parents et moi, ne te cherche pas d'excuses.
— Ralph : soldat, nourrice ou cuisinier ?
— Halt die Klappe. (Ferme-la.)
— Ça m'a tout l'air d'être une insulte.
Il me regarda avant d'applaudir.
Ainsi, comme chaque jour de la semaine, je me rendis au café sans savoir si j'irais ou non le soir venu. Je me laissais happer par le travail, par la lecture, comme j'avais toujours su le faire, et bien sûr, j'écoutais les soldats.De plus en plus, leur langue me devenait familière :
— Eine kleine Rothaarige... sehr lecker! (Une petite rousse... Délicieuse !)
Depuis plus d'un quart d'heure, un petit groupe de soldats parlaient de la maison close de Beuville. Ils riaient entre eux, et je devais me retenir pour ne pas faire de même, étant donné que je comprenais quelques petites choses.
— Ja! Mit großen Titten. (Oui ! Avec des gros seins !)
Je nettoyai les tables et passai le balai tandis que dehors résonnaient ces voix,les voix de mes compatriotes. Quelques minutes plus tard, arriva la musique avec la tombée de la nuit ; on chantait Berthe Sylva. Les jeunes soldats quittèrent le café pour se presser à la fête. Je posai le balai et allai m'asseoir un instant, terminant un fond de liqueur dans un verre ; je m'essuyai le front.
— Je peux vous payer à boire si vous voulez.
Je levai vivement la tête pour découvrir le soldat Matthias qui venait d'entrer ;je n'avais pas entendu le carillon à cause de la musique.
— Prise sur le fait, répondis-je. Que faites-vous là ?
— Naja, je viens vous chercher.
— Me chercher ?
— Mais oui, vous n'entendez donc pas cette chanson là dehors ? « On oublie l'ouvrage un instant, on a pas tous les jours vingt ans... »
Je ris en le regardant s'agiter ; il se tenait toujours à la porte.
— Allez, venez ! Rien qu'une chanson, en toute amitié.
Je le regardai poser sa main sur son cœur.
— Bon... d'accord ; laissez-moi le temps de fermer.
Il se mit à valser dans le café.
* * *
Sous les éclats étincelants du champ de foire, ces guirlandes lumineuses perçant la nuit, je dansais avec Matthias au son de l'accordéon. Je ne savais pas sic'était à cause du vin, mais son visage m'apparaissait — somptueux. Il tremblait comme un feu follet, devenant celui d'un autre, celui de Hans.
Il y avait si longtemps que les mains d'un homme ne m'avaient pas tenue comme cela, n'avaient tenu ma taille, ne m'avaient guidée sur de la musique.
Lorsqu'il me raccompagna, je courus sur la route, et lui, trottinait derrière moi, lesté par l'alcool et ces petits gâteaux qu'il n'avait cessé d'engloutir.
— Vous allez trop vite, Béate, attendez !
J'éclatai de rire et entrai dans un champ où l'odeur du feu était encore présente. J'avançai, percevant le rythme cadencé de ses pas dans la terre retournée.
— Langsamer! (Moins vite.)
Je l'entendis rire, et enfin m'arrêtai. Lorsqu'il arriva devant moi, je pris son visage en coupe comme j'observais cette bouche charnue d'un rose très pâle.
— Qu'est-ce que vous faites ? chuchota-t-il.
Je posai mes lèvres sur les siennes, les gardant immobiles de crainte de sceller ce baiser. Ses yeux bleus, grands ouverts, me regardèrent fixement. Je le regardais moi aussi, et l'implorai silencieusement de bien vouloir me pardonner, à lui, et à celui que j'imaginais trouver au fond de ses yeux.
— Je suis marié, souffla-t-il, vous ne voulez pas de moi.
Il me serra dans ses bras comme je me mis à pleurer. Tandis qu'il cherchait à résorber les sanglots qui m'agitaient, ma main parcourut la manche de son uniforme ;cette texture qui filait entre mes doigts, ce drap de laine rêche et épais me donnait l'impression de toucher Hans.
— Excusez-moi, lui dis-je, j'ai le sentiment de vivre morte.
Il me fit taire, appliquant sa main sur ma bouche. Il resserra alors son étreinte,sans rien dire, sans rien faire, et je le crois, sans me juger.
— Ma femme et mon fils me manquent aussi, murmura-t-il contre mon oreille.
— Votre fils ? dis-je en le serrant davantage.
Je fermai les yeux.
— Reynard, il a eu quatre ans le mois dernier.
Nous parlions et demeurions ainsi.
— Quel âge avez-vous ?
— J'ai vingt-trois ans, répondit-il, et vous, quel âge avez-vous ?
Je m'écartai doucement.
— Nous sommes deux idiots, dis-je en me reprenant.
— Vous croyez ?
Je lui souris.
— Merci Matthias, pour tout. (Il hocha la tête.) Venez me voir au café, quand vous voulez ; vous êtes mon ami.
— Je viendrai.
— Passez une bonne nuit.
Nous nous considérâmes une dernière fois avant de nous quitter.
Ainsi, le soldat Matthias et moi, nous vîmes régulièrement. Les instants passés en sa compagnie me réapprirent à vivre en société. J'appris les détails de son enfance à Anklam où il volait des bouteilles de lait sur le chemin de l'école, et où sa grande tante, Edda, lui enseigna le français et le latin à son plus grand malheur. Quant à son adolescence, elle coïncida avec son entrée aux Jeunesses hitlériennes.
Il me montra des photographies de sa mère et de son père, de sa ravissante femme, Klara, ainsi que de leur petit garçon. Il me raconta ce qu'il comptait faire de retour chez lui, car à l'époque, encore, on pensait pouvoir rentrer ; il y avait de l'espoir. Combien de fois les entendis-je, ces phrases ? Lorsque je serai rentré,Lorsque la guerre sera terminée ; « Vous, nous — nous serons libres » disait-il.
— J'étais passionné d'aviation, je le suis toujours, mais.., j'ai échoué au concours de la Luftwaffe. Et vous ? Que vouliez-vous faire lorsque vous étiez enfant ?
— Sincèrement, répondis-je, je ne sais pas. J'ai parfois l'impression que c'est un crime que de vouloir une vie tranquille, de ne pas avoir de grandes ambitions.
— Les ambitions, c'est quelques rêves, et beaucoup de bla-bla. Trouvez-les, ceux qui réussissent, ils ne sont pas nombreux.
— Votre Führer a bien réussi lui pourtant.
— Mais le Führer est le Führer, ce n'est pas un homme.
— Vous le pensez ?
— Bien sûr, et vous le penseriez, vous aussi, si vous aviez eu la chance de le rencontrer. Il nous aime, nous devons le rendre fier.Je le regardai sourire ; que répondre à cela ?
— Il me semble que vous n'appréciez pas le sujet, reprit-il, cela se voit sur votre visage. Parlons d'autre chose.
— Oh, non, je vous en prie.
— Ne mentez pas, vous l'avez dit, nous sommes amis.
Ce fut à mon tour de sourire.
— Eh bien, je songe que vous êtes effectivement paradoxal.
— Encore ? s'exclama-t-il.
— Vous parlez de liberté, pourtant, vous êtes... (il me fixait attentivement,percevant le reproche.) Non, laissez-cela ; parlons d'autre chose, vous avez raison.
— Comme vous voudrez.
Il leva sa tasse et but après avoir trinqué dans le vide.
Lorsque j'ouvris le café le lendemain matin, aucun soldat n'entra, et mon nouvel ami ne vint pas non plus. Si je trouvais cela curieux, je vaquais à mes occupations, et dressais les tables dans un silence retentissant. Comme disait monsieur Flochard : « Sait-on jamais quand la vague s'apprête à vous engloutir ! »
Je songeais à ce rêve que j'avais fait la nuit : Hans m'était apparu sur le quai de la gare, un enfant dans les bras qui n'était pas Stella, mais qui était le nôtre. Tous deux furent soufflés par la force d'une explosion, et l'entremêlement des rails, les débris de verre, me montrèrent leurs visages à travers mille miroirs. Aux premières heures du jour, le songe m'avait collé à la peau comme une sale bête qui ne veut plus vous lâcher, mais passé onze heures du matin, les réminiscences fanèrent.
Peu avant midi, monsieur Flochard entra, le souffle court :
— Partez ! Rentrez chez vous !
— Que se passe-t-il ? m'exclamai-je.
J'approchais, inquiète, et il se mit à regarder par le carreau de la porte.
— Ils arrêtent tous ceux qu'ils croisent en ville ; quelqu'un a fait sauter le hangar, et un gars a cru bon de leur voler un avion ; allez savoir comment.
Il nous enferma à double tour avant de venir saisir mon bras.
— Il faut rentrer chez vous, allez retrouver votre bébé, ils fouillent partout.
— Un avion ? Que vont-ils faire avec ?
— Traverser la Manche pardi ! Tenez, passez par là, dans la ruelle.
Je hochai nerveusement la tête et passai la porte, accrochée à mon sac à main.
— Et vous ? m'enquis-je. Où irez-vous ?
— Je reste ici, dans l'arrière-boutique ; n'allons pas tenter pas le diable.
Sur la bicyclette, mes mains tremblèrent sur le guidon.
— Hâtez-vous ! s'écria-t-il.
Cet ordre sonna mon départ ; je quittai la cour et empruntai la ruelle jusqu'au petit chemin de terre. Les jambes écartelées par le feu de la douleur, j'allai encore plus vite, terrorisée à l'idée d'arriver trop tard, que quelque chose n'arrive.
Je passai devant cette ferme avant la nôtre, la ferme des Huet ; des soldats investissaient la maison, d'autres lançaient des grenades fumigènes par la fenêtre.J'entendis des cris, la force brute de l'allemand comme des coups à la volée.
Arrivée devant chez nous, je dérapai dans les graviers, me relevai pour découvrir l'épaisse fumée échappée de notre ferme. Maman toussait près du puits,petit père était aux prises avec un Allemand.
— Laissez-moi passer, s'exclama-t-il comme l'autre le tenait en joue.
— Stehenbleiben! Pas bouger !
Ce dernier effectua un tir de sommation qui fit brusquement reculer mon père.Je courus jusqu'à lui.
— Où est-elle ? m'écriai-je en le prenant par les épaules. Où est Stella ?
La bouche tremblante et entrouverte, mon père m'observa sans rien dire.
— Ils sont arrivés avec des masques à gaz, commença-t-il en secouant la tête.Ils nous ont fait sortir comme des lapins... Béate !
J'allai au devant du soldat qui releva son masque.
— Laissez-moi passer, mon bébé est à l'intérieur.
J'eus beau le supplier, désespérée, l'homme resta de marbre.
— Ce salopard ne parle pas français... s'écria mon père.
— Mein Baby ist in dem Haus! hurlai-je. (Mon bébé est dans la maison.)
— Nicht näher kommen! RE-CU-LEZ !
Les lamentations de ma mère s'intensifièrent, et le canon du fusil heurta dangereusement ma poitrine.
— Reculez, SCHNELL!
Les mains de mon père me firent battre en retraite. Au même instant, deux soldats sortirent de la maison, créant une ouverture comme l'autre s'écartait. Je me ruai à l'intérieur, happée par le nuage blanc. Le foulard contre ma bouche, je me mis à tousser. J'atteignis l'escalier et entendis les pleurs de Stella. Une forme monstrueuse apparut à travers la fumée, avec ses grands yeux jaunes et cette protubérance métallique.
— Donnez-la moi ! sommai-je après l'avoir frappé.
Le monstre ôta son masque. Découvrant son visage, le choc me fit prendre une profonde inspiration et me fis vomir.
— Ne respire pas, s'écria Hans.
J'essuyai ma bouche ; du sang marquait ma main. Je dus me tenir fermement à la rampe pour ne pas défaillir. Très vite, il porta le masque sur le visage de Stella,puis nous entraîna au bas des marches. Je me sentais partir.
Son bras vint me soutenir comme je ne parvenais plus à avancer.
* * *
À la nuit tombée, je me réveillai ; Siméon était endormi à mes côtés.
— Oh.., souffla maman, te revoilà !
Je tournai la tête avant de la découvrir près du lit.
— Albert, s'écria-t-elle en larmes, elle s'est réveillée !
— Où est Stella ?
Mon père arriva dans un trot de buffle, l'air soulagé.
— Elle est là, répondit ma mère, dans son berceau, tout va bien.
Je me replaçai contre l'oreiller, la gorge me brûlait.
— Où est-il ? demandai-je en me redressant brusquement.
— Qui ? fit doucement ma mère. Qui ça ?
Je lus tout le souci dans son regard.
— Mais le soldat. Le, le.., ânonnai-je, le soldat qui nous a fait sortir.
Mon père fronça les sourcils, Ralph apparut sur le pas de la porte.
— Quel soldat ? L'un d'entre eux nous a donné la petite, un autre t'a déposée dans l'herbe ; ils portaient tous des masques.
— Et ces sauvages sont partis ! ajouta mon père.
Ralph baissa les yeux.
— Je crois que... fis-je. J'ai envie de vomir !
— Siméon, la bassine ! s'exclama ma mère. Siméon !
Mon petit frère sursauta, et machinalement, me tendit le récipient.
— Venez, dit papa à Ralph. Siméon, toi aussi ; laissons les femmes entre elles.
Nous les vîmes décamper.
— Je n'ai rien contre la nausée, s'inquiéta ma mère, je vais appeler le docteur.
— Maman, ça va, ne t'inquiète plus ; je voulais être seule avec toi.
Elle m'observa, et penchée au-dessus de moi, se mit à caresser mes cheveux.
— Qu'y a-t-il, ma chérie ?
— Je l'ai vu... murmurai-je. Il était là... Il nous a aidé à sortir.
— Béate...
— Non ! m'affolai-je. Je le sais.
— Qui as-tu vu ? demanda-t-elle en me prenant la main.
— Tu as toujours voulu savoir, et je ne t'ai jamais répondu ; pourtant, tu l'as toujours su. (J'observai le berceau de Stella.) Tu te souviens de l'officier, celui qui est venu brûler les corps ?
— Bien sûr que je m'en souviens...
— Je l'ai rencontré au début de l'occupation, parfois, je ne sais même plus comment... (Je me mis à rire, puis à sangloter ; maman vint me prendre dans ses bras.) Il était si gentil... Je t'assure, il n'est pas comme eux, je ne suis pas comme eux..! Oh, ma petite maman ! Est-ce que j'ai perdu la tête ?
Elle plongea ses yeux dans les miens sans parvenir à me répondre.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top