Sept heures.

Le réveil de Jeonghan sonna quatre fois avant qu'il l'éteigne. Il prit trente sept secondes à se redresser, une minute vingt trois à se lever de son lit et quarante sept secondes pour marcher jusqu'à la salle de bain. Il se déshabilla toujours à moitié endormi et rentra sous l'eau brulante de la douche.

Il ferma ses yeux pour apprécier la sensation de l'eau sur son épiderme. Il voulu y rester pour toujours ou au moins un peu plus longtemps, mais il ne pouvait pas. Son travail l'attendait. 

Il se shampouina, se rinça, se sécha en deux temps trois mouvements et passa rapidement un coup de déodorant avant de retourner dans sa chambre. Comme toujours il enfila une chemise blanche qu'il referma jusqu'au dernier bouton puis il mit sa veste bleue marine assortie à son pantalon avant de brosser rapidement ses cheveux noirs.

 En observant son reflet dans le miroir il se fit la réflexion qu'ils avaient bien poussé. Jeonghan avait déjà porté ses cheveux bien plus longs que ça, mais les souvenirs qui venaient au fur et à mesure que ses pointes s'allongeaient lui étaient trop désagréables.

- Je dois les couper...

Il passa dans le salon de l'appartement que Mingyu lui avait loué, rassembla quelques feuilles qu'il enferma dans une mallette, saisit une pomme depuis le comptoir de la cuisine et sorti de chez lui sans oublier de fermer à double tour. L'appartement était bien plus grand que ce qu'il avait imaginé. Quatre-vingt mètres carrés pour une seule personne était un luxe qu'il n'aurait jamais pu se permettre avec son salaire, bien qu'il ne s'était jamais vraiment plaint financièrement.

Parce qu'avant il y avait quelqu'un d'autre.

Parce qu'il arrivait surtout à gérer ses dépenses et qu'il ne se définissait pas comme étant une personne matérialiste. Son appartement à Busan faisait la moitié de celui-ci et il y vivait très bien. Enfin s'il faisait abstraction des fuites d'eau, de la vue sur le mur de l'immeuble d'en face et du chien du concierge qui braillait à trois heures du matin bien sûr. Jeonghan n'avait jamais aimé les chiens. 

À l'exception d'un seul qu'il n'avait pas revu depuis deux ans et neuf mois.

Jeonghan soupira.

Il avait beau se rassurer intérieurement, sa situation personnelle était désastreuse et il fallait qu'il s'y rende à l'évidence. Peut-être qu'avoir accepté ce job allait lui permettre de profiter un peu d'un confort éphémère.

Une fois descendu dans le garage, Jeonghan monta dans sa voiture, aussi louée par la préfecture à sa grande surprise, et parti en direction du commissariat. La radio matinale annonçait une journée plutôt ensoleillée, mais avec des températures assez basses pour un mois de novembre.

Jeonghan avait presque été surpris de constater qu'il se rappelait exactement de la route pour aller jusqu'au commissariat. Il y arriva en seulement dix minutes douze. Le bâtiment n'avait pas changé depuis qu'il était parti. Peut-être une nouvelle couche de peinture pour le rajeunir, mais il restait toujours le même. 

Et les souvenirs qui s'étalaient sur les marches en béton allaient avec. 

Mais Jeonghan n'avait pas le temps de tomber dans la nostalgie, il était là pour une affaire importante.

Voiture garée et mallette dans une main, Jeonghan s'avança au comptoir et se pencha vers la silhouette familière de l'autre côté. 

Boo Seungkwan, en charge de l'accueil du commissariat, était comme tous les lundis matins avachi sur sa chaise en train de lire le journal, un écouteur vissé dans son oreille, émettant sûrement une musique du groupe Twice qu'il affectionnait particulièrement. Il n'avait remarqué ni la présence de Jeonghan, ni que son café allait tomber d'une minute à l'autre s'il ne le rapprochait pas du bord du comptoir.

- Excusez-moi?

- Oh pardon, comment je peux vous- Jeonghan?!

Un sourire en coin fleurit sur le visage de Jeonghan. Bien entendu il n'avait pris la peine de prévenir personne étant donné la rapidité de sa venue. Il était arrivé le jour d'avant qui avait lui même suivi celui de sa rencontre avec Mingyu, c'est pourquoi la réaction de Seungkwan fut de bondir de sa chaise, faisant tomber son café qui heureusement fut rattrapé de justesse par Jeonghan, dieu bénisse ses bons réflexes, et de se précipiter sur lui pour le prendre dans ses bras. 

-  Qu'est-ce que tu fais là? Ça fait trois ans qu'on t'a pas revu et tu reviens ici comme une fleur sans prévenir personne? Pourquoi est-ce que t'es ici? Tu n'est pas en vacances, si? Remarque, vu comment tu es habillé ça m'étonnerait...

- Je suis venu travailler, j'ai une réunion dans cinq minutes.

- Oh ça veut dire que Mingyu t'as recruté pour l'affaire des deux meurtres? Les empoisonnements?

- Oui. Apparemment c'est en lien avec une ancienne enquête.

- Celle du 12 octobre?

- Non. L'autre.

Jeonghan vit Seungkwan retenir son souffle avant d'avaler difficilement sa salive. Seungkwan comme tout le reste du commissariat connaissaient très bien les faits de l'enquête. Et Seungkwan comme tout le reste du commissariat n'avait aucune envie de se les remémorer. Alors le meilleur moyen pour le faire était de changer de sujet.

- Oh... Hum... Alors tu va rester sur Séoul?

- Le temps de l'enquête.

- Au moins, on aura le temps de se voir, non? Ça fait tellement longtemps qu'on s'est pas vus, tu m'as vraiment manqué! J'ai tellement de choses à te raconter, tu ne vas pas en revenir. Il faudra que je te présente quelqu'un aussi... D'ailleurs c'est moi ou tu as perdu du poids? T'as les joues vachement plus creusées qu'avant.

Oui, il avait perdu du poids. Beaucoup trop d'ailleurs.

- Non, c'est juste une impression, ne t'en fais pas.

Seungkwan le toisa de haut en bas. Il n'y croyait pas vraiment vu sa réaction. 

- Mh. J'espère bien. T'as interêt à manger à midi, t'es flic, il te faut du muscle. Là tu ressemble à un cadavre Jeonghan.

- Je sais, merci pour le compliment, répondit-il ironiquement. Et quand bien même j'ai vraiment hâte que tu me racontes tout, ma réunion va commencer et ça serait très déplacé d'arriver en retard alors que c'est mon premier jour. 

- C'est pas faux... Je te laisse y aller alors, mais on en reparle plus tard, d'accord?

Jeonghan le salua une dernière fois avant de prendre l'ascenseur jusqu'au troisième étage. La quatrième salle à gauche au fond du couloir, dont les parois vitrées laissait entrevoir que plusieurs personnes étaient déjà présentes lui paraissait soudainement plus imposante que dans ses souvenirs. 

Peut-être était-ce à cause de toutes les horreurs que cette salle avait contenu durant les treize années qu'il avait passé au commissariat. Il en avait encore les images gravées dans sa mémoire.

Des corps ensanglantés, des têtes décapités, des membres détachés, des organes arrachés, des peaux calcinées et encore tout un tas de cas aussi macabres les uns que les autres. Mais c'était son métier et c'était lui qui avait fait le choix de l'exercer. Alors il ravala son malaise et toqua à la porte. 

Il fut accueillit par les expressions surprises de ses collègues. À l'exception de Hong Jisoo, son meilleur ami, il n'avait prévenu personne de son retour.

- Jeonghan?

Quand bien même un grand nombre des personnes présentes dans la salle voulurent prendre de ses nouvelles et le questionner sur son arrivée inattendue, ils adoptèrent tous un comportement professionnel et se concentrèrent sur leur réunion. Il y avait bien plus urgent à faire.

Mais parmi toutes les personnes présentes dans la salle, Jeonghan remarqua un visage qu'il n'avait jamais vu auparavant. "Surement celui qu'ils ont embauché après mon départ" pensa-t-il.

- Bonjour Jeonghan, merci d'être venu sous un délai aussi court, ta présence nous est des plus précieuse. Assied-toi je t'en prie.

Mingyu avait pris la parole depuis le bout de la table. Un lieu que Jeonghan avait été habitué à voir occupé par quelqu'un d'autre que lui. Travailler sous sa direction ne l'enchantait pas mais plus vite il allait terminer cette enquête, plus vite il allait pouvoir quitter cette situation. 

- Je sais que la présence de Jeonghan vous surprend mais vous aurez tout le temps d'en parler plus tard. Pour l'instant nous avons des affaires plus urgentes à régler. Premièrement est-ce que tout le monde est bien là?

Comme une maudite coïncidence, la porte s'ouvrit au même moment. Et Jeonghan arrêta de respirer pendant quelques instants.

Une carrure svelte, chemise bien repassée ornée d'une cravate anthracite assortie à son pantalon et sa veste, cheveux négligemment passés au gel pour les faire discipliner ne serais-ce qu'un peu et un visage dur que le policier ne peina pas à reconnaitre. Le visage de Seungcheol, ses yeux noirs entourés de cernes et la mâchoire carrée rasée à la vas-vite, semblait plus que jamais déformé par la fatigue.

Un flash frappa Jeonghan.

Un coup de fil dans un restaurant. Une course précipité en taxi. Un enterrement. Des pilules de prozac entassées dans une baignoire. Des cris. Des pleurs. Des lèvres. La cour d'appel. Une bague et un formulaire de demande de divorce.

Jeonghan avait une soudaine envie de vomir.

- Désolé pour le retard, traffic- 

Seungcheol avait finit sa phrase en croisant le regard de Jeonghan. De toutes les personnes, c'était la dernière qu'il s'attendait à voir ici. 

- Compliqué...

Jeonghan vit sa bouche s'ouvrir, dans l'espoir de dire quelque chose, mais aucun son ne sorti. Il fronça inconsciemment ses sourcils avant de prendre place sur une chaise, bien évidemment en face de celle de Jeonghan, dans un silence de mort.

Ironique, vu le contexte dans lequel ils se trouvaient tous.

Jeonghan remarqua que Seungcheol essayait de croiser son regard, comme pour prendre la température entre eux, mais il ne fallu qu'un reflux désagréable dans sa gorge pour que Jeonghan tourne la tête vers Mingyu.

Personne n'osait dire quoi que se soit. Ils connaissaient tous la raison du malaise qui planait dans la pièce, à part peut-être la nouvelle recrue. Et ce fait rendait Jeonghan encore plus mal à l'aise. Il sentait les regards de ses collègues sur lui et il détestait cette sensation au plus haut point.

Sept secondes de silence. Sept secondes de trop.

Mingyu se racla la gorge pour récupérer l'attention sur lui. C'était sûrement la première fois de sa vie que Jeonghan lui en fut reconnaissant.

- Bon, maintenant que tout le monde est là, on va pouvoir commencer notre réunion. Je vais vous faire passer les dossiers avec tous les rapports comme ça vous pourrez suivre.

Il fit passer la pile de feuilles avant d'allumer le vidéo projecteur présent dans la pièce et lança un diaporama.

- Je sais que vous êtes déjà tous au courant, mais je vais refaire un petit topo histoire qu'on soit tous sur la même longueur d'onde. Il y a trois jours, on a découvert deux femmes mortes chez elles. La première est Park Yseul, une femme de trente-huit ans, employée dans une banque, qui a fréquenté le même lycée que Jeonghan. Sa meilleure amie l'a retrouvée morte chez elle, au pied de son lit, aux alentours de dix huit heures vingt. Pas de trace de lutte ce qui élimine la possibilité d'une attaque physique. Elle avait des antécédents pathologiques; elle était atteinte de diabète depuis l'age de treize ans alors on a d'abord cru à un déficit d'insuline dans le corps, mais d'après son médecin traitant elle y accordait une grande importance et suivait son traitement de manière assidue donc encore une fois nous avons éliminé cette possibilité. 

Sur l'écran, on pouvait voir la photo d'identité de la jeune femme puis à côté, son corps retrouvé dans sa chambre. Jeonghan était presque ravi de la voir simplement morte allongée par terre et non pas décédée d'une manière bien plus morbide. Il y avait à peine un mois de cela il investiguait sur une affaire de tueur en série qui démembrait ses victimes avant de les stocker dans de petites boites. Les images de l'autopsie lui avaient retourné l'estomac.

- La deuxième victime est Seok Jiyeon âgée de soixante dix sept ans. Retraitée depuis maintenant onze ans elle travaillait en tant qu'institutrice dans le même lycée que fréquentaient Park Yseul et Jeonghan. Pas de mari ni d'enfants. On l'a retrouvée morte chez elle le lendemain matin à huit heures, quand son infirmière à domicile est venue lui rendre visite. Elle était sur son canapé, la télévision encore allumée. Elle souffrait de problèmes cardiaques depuis peu alors on avait éliminé la possibilité d'un meurtre. On a renvoyé les indices récoltés au labo et Minghao est revenu avec les résultats aujourd'hui. Minghao je te laisse la parole.

Minghao était quelqu'un que Jeonghan avait toujours apprécié. Le jeune homme, grand, mince, lunettes posées sur son nez, avait toujours fait preuve d'un professionnalisme que Jeonghan admirait. Il faisait partie de la police scientifique, surement l'un de leur meilleurs effectifs. Mise à part sa passion morbide pour la taxidermie, c'était un élément irréprochable.

- Tout d'abord il faut savoir que nous n'avons rien trouvé avec l'autopsie de la première victime. Elle avait l'air en parfaite santé, mise à part son diabète. Nous avons interrogé son amie qui l'a retrouvée et on a réussi à tirer quelques informations. On sait que la victime est sortie de chez elle dans les alentours de quinze heures et demi et est revenue vers dix sept heures et quart grâce aux caméras des surveillance de son immeuble. Si on suit ces informations on peut relativement retracer sa version des faits. Quelques minutes après être rentrée elle envoie un message à son amie comme quoi elle ne se sent pas bien et qu'elle a des maux de tête et des nausées et encore quelques temps après qu'elle se sent affaiblie. Elle ne répond plus pendant une demi heure ce qui inquiète son amie qui va sur place et qui s'affole en voyant qu'elle ne répondait pas à l'interphone. Heureusement, ou pas, elle a un double des clés et quand elle entre dans l'appartement elle la retrouve morte. 

Jeonghan grimaça. Il avait assez d'experience pour se douter de la réaction de la femme en retrouvant son amie. Prévenir les proches était sûrement la chose que Jeonghan détestait le plus dans son métier.

Parce qu'il avait déjà été à leur place.

- Elle n'en savait pas plus que ça, ni ou elle était sortie durant la journée, ni ce qui avait pu causer ça. Seokmin a analysé les données de son téléphone et on a pu traquer sa localisation GPS. Elle s'est rendue dans un parc et y est restée pendant une heure et quart avant de rentrer chez elle. Pas de dépenses sur sa carte banquaire ni de message envoyés à qui que se soit à ce moment là. 

Une jeune femme sortie dans un parc et morte à son retour. Une situation très peu anodine. Mais Jeonghan savait que quelque chose de bien plus complexe se cachait derrière cette affaire. Sinon, il n'aurait pas été là en ce moment même.

- Et la deuxième victime?

- J'y viens. Au niveau de l'autopsie nous n'avons rien trouvé non plus mais en débarrassant la maison on a retrouvé une boite de gateaux sur la table basse. Faits maison, dans un tupperware banal sans étiquette. Je les ai analysés au labo et j'y ai retrouvé de la tetrodotoxine. Pour faire simple c'est une toxine mortelle que l'on retrouve dans certains animaux marins, notamment le poisson-globe qui est très apprécié dans le domaine culinaire. Si on enlève les parties toxiques il peut être mangé sans aucun risque, mais il y a des lois qui stipulent qu'une formation de trois ans est nécéssaire pour obtenir un certificat de préparation du poisson, donc pas tout le monde n'a l'autorisation de le cuisiner.

- Donc on a affaire à un chef cinq étoiles?

- Ou quelqu'un qui s'est procuré cette toxine sur le marché noir. C'est très facile à faire d'ailleurs. Donc deux possibilités. Toujours en est-il qu'elle a la faculté de se rendre très peu visible à l'autopsie lorsqu'ingérée.

- C'est donc pour ça que vous n'avez rien trouvé dans les corps des victimes... Mais comment est-ce qu'on est sûr que les deux victimes sont mortes de la même cause si on n'a aucune preuve pour la première? Demanda Jeonghan.

- Les symptômes qu'elle a ressenti avant sa mort correspond aux effets de cette toxine. C'est un poison qui agi entre quelques minutes jusqu'à quelques heures pour tuer ses victimes selon la consommation et le grammage, leur provocant des nausées, maux de tête, paralysie musculaire et asphyxie entre autre. Entre le temps où Park Yseul est sortie de chez elle et le moment où elle est rentrée, elle a mangé quelque chose contenant la toxine qui l'a tuée. Quand à Seok Jiyeon, il a juste fallu qu'elle mange les gateaux. Les morts on donc été estimées vers dix huit heures pour Park Yseul et vingt heures et demi pour Seok Jiyeon. 

Un silence plana sur la pièce tandis que chaque personne analysait le dossier avec minutie. Les yeux de Jeonghan s'étaient posés sur un paragraphe qui était encadré en rouge. La raison pour laquelle il était ici.

- Et les initiales? Demanda le nouveau.

Tous les regards passèrent de lui à Jeonghan. Il ne savait pas. Le reste de ses collègues, si. Jeonghan vit Mingyu déglutir avant de se lever de nouveau. 

- Bon. On va rouvrir une plaie, mais c'est nécéssaire si on veut avancer. Comme vous pouvez vous en douter, on n'a pas fait venir Jeonghan juste pour qu'il soit avec nous. On l'a fait venir parce qu'on a découvert que ces meurtres sont en lien avec l'affaire de la décapitation d'il y a quatre ans.

Jeonghan dû fermer les yeux quelques instants pour retenir un reflux dans sa gorge. Il essaya du mieux qu'il put de ne pas se remémorer la tête décapitée de Minhyuk.

- Je ne vais pas vous montrer les photos parce que...

Parce qu'ils ne tiendraient pas. Ils avaient tous connu Minhyuk. Ils avaient tous été traumatisés par l'affaire.

- Parce qu'on a pas de temps à perdre. Pour faire un petit résumé, il y a quatre ans, Jeonghan a reçu un colis sur le palier de son appartement avec la tête de son ancien colocataire. Ses initiales étaient gravées au couteaux sur son front. L'affaire n'a jamais été classé puisque les pistes qu'on avait se sont avérées fausses et on n'en a jamais eut d'autres. En plus de ça l'affaire du 12 octobre s'est enchainée puis Jeonghan est parti à Busan après...

Après le divorce.

- Après l'affaire. Hum. Mais donc, pour revenir à notre enquête, le seul indice que nous avons retrouvé sont de nouveau les initiales de Jeonghan marquées au Sharpie sur le fond du Tupperware. Ce n'est clairement pas un oubli de la part du meurtrier, plus une signature. Il voulait qu'on le voit. Le truc c'est que pour l'instant c'est notre seul indice donc il va falloir creuser dans les archives et rouvrir l'enquête.

Tous les regards de la pièce divaguaient entre Jeonghan et Mingyu. L'atmosphère était pesante mais comment ne pouvait-elle pas l'être?

- Et on a aucune empreinte sur le tupperware?

- Aucune. Le tueur à dû utiliser des gants. Il a prit ses précautions.

- Aucun cheveux, morceau de peau morte? Rien qui ne contienne son ADN?

- Non plus. On a passé l'appartement au peigne fin.

- Et pas de caméra de surveillance dans l'immeuble de la deuxième victime?

- Non, le bâtiment est ancien. Pas de témoignage des voisins, personne n'a entendu quoi que ce soit. Elle n'avait pas de voisin de palier.

Mingyu n'avait pas menti lorsqu'il avait dit qu'ils n'avaient aucune piste pour l'instant. De quoi bien commencer l'enquête. Jeonghan savait qu'il allait passer des heures entières dessus et ça ne le ravissait pas du tout.

- Bon. On a lancé un appel à témoin au niveau de Park Yseul pour voir si quelqu'un l'aurait possiblement vue accompagnée de quelqu'un dans le parc durant la journée. Pour l'instant les seuls points communs que l'on a trouvé aux victimes sont qu'elles sont toutes les deux de sexe féminin, qu'elles étaient dans le même établissement scolaire -l'une en tant qu'enseignante et l'autre en tant qu'élève- et qu'elles connaissaient Jeonghan, mais pas forcément en bien.

Tous les regards se tournèrent vers lui. Il déglutit. Il espérait ne pas avoir à ressortir des dossiers d'harcèlement scolaire qu'il avait subi durant ses années de lycée.

- Quoi qu'il en soit, je vous mets en équipe pour cette affaire et on cale une réunion dès qu'il y a du nouveau. Jisoo, tu t'occupes du rapport et Jeonghan, reste tout de même prudent. On ne prend pas de risque. Vous pouvez disposer.

Jeonghan put à peine poser le pied hors de la salle que ses collègues se ruèrent sur lui. Il n'avait pas revu une majorité d'entre eux depuis bientôt trois ans. Mise à part Jisoo, l'autre personne qu'il avait revu à plusieurs reprises depuis son départ était Kwon Soonyoung. Un type coriace sur le terrain mais avec une personnalité pour la moins chaotique. Trop nombreuses étaient les fois où il avait frôlé le licenciement à cause de son tempérament et de ses actions irréfléchies. Soonyoung avait tendance à agir avant de recevoir les ordres et subir les conséquences plus tard. Si ce n'était pour ses autres qualités indispensables au commissariat, Jeonghan ne l'aurait pas revu pendant un long moment. Mais à l'heure actuelle il était toujours au commissariat et lui et Jeonghan se croisaient souvent lorsqu'il remontait à Séoul.

Pour visiter une tombe et une chambre d'hopital.

- Ça fait du bien de te revoir parmi nous Jeonghan.

Il y avait une teinte de tristesse dans sa voix. Soonyoung était sûrement très heureux de le revoir, mais pas dans ces conditions là. Il savait mieux que quiconque ce que sa présence signifiait.

- Le plaisir est partagé. Pas trop dur de travailler avec Mingyu?

Soonyoung lâcha un rire sarcastique. Il avait autant de respect pour Mingyu qu'il n'en avait pour un cafard. Une affaire d'humiliation publique qui remontait à plusieurs dizaines d'années et qui s'était transformée en rivalité permanente entre les deux individus. Et entre le tempérament de Soonyoung et celui de Mingyu, les étincelles volaient souvent dans les couloirs du commissariat.

- M'en parles même pas. Trois ans que je travaille sous cet imbécile et j'ai envie de m'arracher les crâne tous les jours. Mais bon, on fait avec et j'ai Wonwoo avec moi pour me soutenir, ça fait le taf.

Jeon Wonwoo était à l'exact opposé de son coéquipier. Calme et posé, c'était un type qui agissait rapidement et efficacement. Et bien souvent c'était aussi celui qui sortait Soonyoung des situations fâcheuses dans lesquelles il se mettait. Mais leur différences faisaient d'eux un excellent duo et surtout des acolytes de choix pour Jeonghan. Une aubaine que Mingyu les ai choisi pour enquêter avec lui.

- Je m'en doutais. Et toi Wonwoo? Tout va à peu près bien?

- Je n'ai rien de quoi me plaindre. Ça me fait plaisir de te revoir. Mingyu nous avait prévenu que l'affaire était en lien avec celle d'y a quatre ans, mais quand il a parlé de te recontacter je pensais qu'il voulait parler par messages, pas qu'il allait te ramener jusqu'ici.

- Crois moi, si j'avais eut le choix, je ne serais pas ici aujourd'hui. Faut croire qu'il a encore utilisé ses techniques d'abruti.

- Ça, il n'arrêterais jamais. Mais on est là si jamais tu as besoin de quoi que ce soit.

- Merci.

Wonwoo passa une main affectueuse sur l'épaule de Jeonghan en lui affichant un sourire. Jeonghan avait toujours admiré ce calme chez Wonwoo. Les enquêtes dont il s'occupait ne semblaient pas l'affecter plus que ça. C'était quelqu'un de très privé et qui semblait digérer la vie de policier mieux que quiconque au commissariat. Jeonghan, lui, sentait que plus les années passaient, plus il coulait à cause des horreurs dont il avait été témoin au cours de ses enquêtes.

Il voulu se tourner vers Jisoo pour lui adresser deux mots avant de partir, mais il semblait déjà occupé avec quelque d'autre. Et ce quelqu'un d'autre, Jeonghan ne le supportait pas.

C'était Lee Seokmin, de l'informatique. Lee Seokmin, le gars toujours jovial, positif et charismatique. Le genre de type qui aidait les grand-mères à porter leurs courses, qui discutait toujours avec les vendeurs du supermarché et qui apportait des viennoiseries le matin. Mais malgré toutes ces qualités, il avait quelque chose qui dérangeait Jeonghan.

Peut-être parce qu'il passait trop de temps avec Jisoo. Tellement de temps que Jisoo n'avait pas été là pour lui quand il l'aurait voulu et tout ça parce qu'il était avec Seokmin en train de boire un verre en terrasse ou dieu sait quoi.

Jeonghan avala sèchement.

- D'ailleurs, il faut qu'on te présente Junhui! Jun, tu veux bien venir? Fit Soonyoung.

Jeonghan observa avec curiosité la nouvelle silhouette qui apparut dans le couloir accompagné de Minghao. Un homme, surement plus jeune que lui, grand et vif lui tendit la main. La poignée qu'il s'échangèrent satisfit Jeonghan.

- Bonjour, je suis Wen Junhui. J'ai beaucoup entendu parler de vous.

- C'est vrai? En bien j'espère? Et on peut se tutoyer je pense.

- Ah oui, bien sur. J'ai entendu dire que tu étais parmi les meilleurs enquêteurs de la capitale.

Jeonghan eut envie de rire. Ce n'était pas la première fois qu'on lui avait fait la remarque mais la dernière fois qu'il l'avait entendue remontait à bien loin. Dans les débuts de sa carrière il avait été d'une assiduité remarquable qui lui avait valu bien des compliments, mais aujourd'hui il était bien loin de l'enquêteur qu'il était auparavant.

- C'est gentil, mais c'est un peu me lancer des fleurs... Tu es arrivé récemment?

- Ça doit faire un an et demi je crois? Je viens de Shenzhen en Chine, j'ai décidé de voir du pays et j'ai pu obtenir un poste ici.

- Je vois. Enchanté de faire ta connaissance alors. Bon, ce n'est pas pour vous fuir mais je dois encore aménager mon bureau alors si vous le permettez je vais m'éclipser un peu. On pourra déjeuner ensemble si vous voulez.

- Avec grand plaisir!

Après une dernière salutation, Jeonghan s'en alla en direction de l'ascenseur. Il avait abandonné toute tentative de communication avec Jisoo qui avait l'air bien plus absorbé par sa discussion que par son arrivée. Certes ils s'étaient parlés au téléphone pendant deux bonnes heures la veille, mais il s'était attendu à une réaction plus directe de sa part.

Alors il s'en alla et entra dans l'ascenseur. Mais au moment où les portes allaient se fermer, un pied s'interposa entre les portes métalliques. Jeonghan ne savait pas quelle émotion ressentir en voyant que la personne qui avait retenu l'ascenseur n'était autre que Seungcheol. 

- Quel étage? Demanda-t-il.

- Sixième.

Jeonghan appuya mécaniquement sur le bouton et fixa les portes d'acier. L'ascenseur lui semblait anormalement lent et il priait pour que celui-ci monte plus rapidement. Le silence pesait atrocement lourd.

Dès qu'il entendit le bip annonçant le cinquième étage, il sorti hâtivement de l'ascenseur. Mais au moment de partir, la main de Seungcheol attrapa son poignet.

- Jeonghan...

- Lache moi, s'il te plait.

Seungcheol desserra seulement l'étreinte sur son poignet et cela agaça Jeonghan au plus haut point. Il n'avait pas envie d'hurler dès son retour.

- Seungcheol.

Jeonghan le vit soupirer avant de finalement céder et lâcher son poignet.

- Écoute, je...

- Si tu veux me dire quelque chose, trouve-toi un meilleur moment. Je suis là par pur motif professionnel. Dès que je finis cette enquête je me casse d'ici et tu me revois plus jamais, comme ça ça ne posera aucun problème à qui que ce soit. Entendu?

- Jeonghan, s'il te plait...

- Quoi?!

Jeonghan se rendit compte à quel point il venait de parler fort. Il n'y avait pas beaucoup de monde dans le couloir, mais sa voix suffit à en faire retourner plus d'un. Et en plus de ça il bloquait l'ascenseur.

Il souffla lentement et se ressaisit.

- Cinq secondes.

- Hein? De quoi tu...

- Quatre...

- Jeonghan, attend, je...

- Trois... 

- S'il te plait...

- Deux...

- Est-ce que tu vas bien?

Tout d'un coup Jeonghan fut pris d'un acouphène. C'était comme si tout avait disparu autour de lui et qu'un son suraigu lui transperçait les tympans. Seule la question de Seungcheol résonnait dans sa boîte crânienne. Il n'arriva même plus à compter les secondes qui s'écoulaient en silence. Il sentait juste la vitesse avec laquelle ses larmes lui étaient montées aux yeux et comment elles menaçaient de s'écouler d'un instant à l'autre s'il décider de cligner. 

Il ne trouva qu'un seul mot à répondre à un Seungcheol de plus en plus flou.

- Enfoiré.

Puis les portes de l'ascenseur se refermèrent. 

***

Boo. :) 

Voici le premier chapitre, j'espère qu'il vous a plu et qu'il vous a bien mit l'eau à la bouche hehehehe

J'ai pas grand chose à vous dire pour l'instant comme c'est juste le début mise à part que si jamais vous avez des théories, sentez vous libre de les partager, ça peut s'avérer rigolo qui sait? ;)

En attendant le prochain chapitre, prenez soin de vous et je vous dis à bientôt!

- Dru :)