66 : Yseult
Respirer. Souffler. Respirer.
Immobile devant son miroir, Yseult défroissa son chemisier , plaçant correctement son col, une , deux , trois fois. Elle était si nerveuse qu'elle avait l'impression que tout son corps s'était retourné contre elle. La nausée l'avait prise dans la matinée, son estomac semblait s'être transformé en contorsionniste et ses mains fébriles laissaient tout échapper.
Qui aurait pensé qu'en ce pauvre mercredi de fin d'août l'un de ses désirs le plus fou allait se réaliser ?
Sa première sortie seule avec Paul la terrorisait. Il lui semblait qu'elle avait pu imaginer tout les scénarii possibles et imaginables toutes aux longs de ces longs mois. La peur que la réalité soit bien décevante face à toute ces fantasmes lui laissait comme un caillou au fond de l'estomac. Elle avait peur de voir tous ces rêves brisés d'un coup.
Respirer. Souffler. Respirer.
Elle lissa lentement ses cheveux, les plaça derrière son oreille avant de les remettre à leur place initiale. Son cœur tambourinait si fort dans sa poitrine qu'elle avait l'impression de pouvoir presque l'entendre. Vérifiant une dernière fois le contenu de son sac, plus pour se rassurer que par réel besoin d'une énième observation, Yseult sortie de l'appartement, le corps lourd d'appréhension.
*
Les comédies romantiques l'avaient toujours fait rire. Bien que comme tous, elle avait espéré un jour pouvoir rencontrer l'amour de sa vie, le quotidien familial avait rapidement terni ces attentes d'amour véritable. Cette passion dévorante, ces coups de foudres et ces courses-poursuites à l'aéroport lui avaient toujours semblé comme de petites légendes enfantines dont on vous conte l'existence afin de vous cacher la morne réalité.
Elle souriait toujours, amusée, lors de cette scène où, à peine l'héroïne franchit la porte du café que son prétendant, comme lors d'une apparition divine, relève la tête, le regard perdu dans l'admiration profonde de sa dulcinée.
Aujourd'hui, tout était un peu différent, la porte eut un peu de mal à s'ouvrir, le prétendant se trouvait bien évidemment dos à l'entrée et la dulcinée mit quelques minutes à le reconnaître parmi les tables. Loin de la démarche pleine de grâce digne de celle de Julia Roberts dans Coup de foudre à Nothing Hill, Yseult se faufila entre les chaises, son sac collé fermement contre son ventre pour gêner le moins possible, des petites excuses s'échappant de ses lèvres pour demander aux personnes de se décaler légèrement. Arrivée à la hauteur de Paul, elle bénit intérieurement ce dernier de s'être mis de dos, évitant ainsi la vue de cette piètre arrivée. Tirant la chaise vers elle, la jeune fille s'assit, sous le regard du jeune garçon en face d'elle, un sourire timide aux lèvres, le saluant d'un coup de tête.
Ils ne se parlèrent pas immédiatement, le bruit ambiant du café comblant la discussion pour eux, Yseult prétendant s'intéresser à son choix de boisson afin d'éviter toute gêne due à cette absence de discussion. Les doigts de Paul pianotaient nerveusement contre la table , son interlocutrice tordait les sien sous la table. Il y avait entre eux cette atmosphère pesant, presque aussi lourde que la chaleur de l'été, vous étouffant et vous collant à la peau. Il ne s'agissait ni de désir, ni de tous autres sentiments positif, juste un état de doute profond, attendant de la part de l'autre le moindre signe sur la façon d'aborder ce moment.
-C'est sympa de ta part d'être venu bien que Romain et Charles aient annulés, souffla finalement Paul, sa voix légèrement enroué comme pour témoigné de la peur qui l'habitait soudainement.
-C'est la moindre des choses.
Le jeune garçon hocha la tête et ne rajouta rien. Yseult se mordit l'intérieur de la joue. Comment se faisait-il que malgré les millions de scénarii mainte et mainte fois répétés dans sa tête , aucun ne pus l'aider à se sortir de cette situation embarrassante. Son cerveau semblait incapable d'aligner deux pensées cohérentes à la suite, son esprit était seulement embrumé par le bruit sourd du café. Les minutes semblaient s'allonger comme des heures quand soudain, la musique d'ambiance se révéla à la jeune fille comme un éclair de géni.
-As-tu entendu que Lenny Kravitz prévoyait de sortir un nouvel album ?
Le visage de Paul sembla s'illuminer et un sourire franc s'étala sur ses lèvres, Yseult se maudit intérieurement de trouver ces dernières attirantes et détourna les yeux, ses joues arborant une légère teinte de rouge. Le temps semblait jouer au gymnaste, après s'être allongé de tout son long, il semblait actuellement s'amuser à se contorsionner. Les deux jeunes amis étaient perdus dans leur conversation animé, ponctuer de rire, de blagues et de légers compliments. Sous la table, leur genoux s'entrechoquaient parfois, leur faisant détourner les yeux, piquant du fard cachés à l'abris de leur cils. Ils étaient plonger dans leur petite bulle de joie et de douceur, comme si soudain un nouvel espace temps s'était créé pour eux. Les yeux du jeunes s'arrêtaient souvent sur la courbure des lèvres de sont interlocutrice, analysant la moindre arabesque, leur teinte rosée et leur voluptuosité. Yseult le remarqua lorsque son regard s'attarda un peu trop longtemps, portant sa serviette à ses lèvres pour s'essuyer, elle espéra que ce regard insistant n'était pas du à une goutte de thé glacée coincé dans ses commissure ou à une bavure de son rouge à lèvre.
-Qu'est-ce qu'il y a ? Lui demanda-t-elle, alors qu'il se frottait la nuque gêné.
Paul la fixa quelque instant, contrit et Yseult l'invita à se confier en lui lançant un regard complice. Et alors, comme si le jeune homme s'avouait finalement battu au jeu de séduction qu'ils menaient depuis plusieurs heures, il posa on coude sur la table, lovant son menton dans sa main, ses iris plongeaient dans ceux de son interlocutrice, il lui dit, sans détourner le regard :
-Est-ce que je peux t'embrasser ?
La question la frappa comme une vague, ou plutôt comme un tsunami. Bien qu'elle n'en laissa rien paraitre, son cœur fit un bon dans sa poitrine et son esprit devint blanc. Jamais , jamais elle n'avait imaginé que l'on puisse posé une telle question, que l'on puisse se mettre dans un tel état de vulnérabilité. Paul venait de lui jeter une partie de son égo et de son cœur à ses pieds, lui laissant le choix de l'accepter ou de l'écraser. Yseult en fut d'avantage charmée par la démarche, son cœur se gonflant face au courage caractéristique du jeune homme. Elle posa à son tour son coude sur la table, prenant la même position, le défiant, face à face. Les lèvres si proches des siennes mais pourtant toujours si loin, elle répondit, presque dans un soupir après avoir levé les yeux au ciel, feignant la réflexion :
-Je crois que tu peux.
Paul sourit et les paupières d'yseult se fermèrent. Comme l'on plonge lentement dans un bain d'eau tiède, les lèvres du jeune homme se posèrent sur les siennes, légères comme un papillon, faisant parcourir un frisson le long de son échine. Le monde venait simplement de changer par ce simple geste, un évènement tant attendu par la jeune fille qui ne pouvait qu'emplir son cœur de joie. Le passé, le futur, rien ne l'inquiété car à cet instant même, elle était seulement, et tout simplement heureuse.
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