61 : Romain

Les étoiles explosaient juste devant ses yeux, l'air tiède lui foutait le visage, grisé par une sorte de béatitude entre la sérénité et le sommeil, il replia ses jambes contre sa poitrine. Il était étrange de voir à quel point il avait changé depuis la dernière fois qu'il s'était assis ici, sur ce pan de toit en compagnie de Paul. Les lumières de la route brillaient au loin, petit point de lumière insignifiantes qui leur permettaient encore de s'accrocher à la réalité. Les branches du grand sapin s'agitaient mollement sous la brise estivale, amenant avec elle les effluves de sève de la forêt voisine. Romain n'avait qu'à fermer les yeux pour pouvoir apercevoir l'enfant qu'il était courant entre les arbres, les poches remplies de trésor dont seul lui pouvait en connaître la valeur. Paul serait aussi là à ses côtés, attrapant de ses petites mains potelées de bambin un vieux ballon, le rapportant plein de fierté à son oncle, souriant au garçon plus timide derrière lui. Il semblait que toute la douceur de son enfance était restée gravée ici, dans cette maison un peu miteuse, perdue dans la campagne entourant la ville. Alors que chaque endroit familier lui était toujours dur à côtoyer, cette petite bicoque avait miraculeusement survécu à l'ouragan qui avait ravagé sa vie. Et bien que tout se reconstruisait désormais sur des bases plus sures, il lui était bon de prendre une pose, entouré de la douceur enfantine dans laquelle baignés les lieux.


Paul avait laissé son t-shirt sur le rebord de la fenêtre, la chaleur d'août le faisant étouffer. Ses cheveux tombaient mollement sur ses pommettes et le garçon à ses côtés regarda, sans vraiment pouvoir le reconnaître, la lumière de la lune glisser sur ses traits. Si Romain avait changé, le jeune homme s'était métamorphosé, tel un papillon il était sorti de sa chrysalide, fabuleux et éblouissant et, bien que totalement différent, plus lui-même que jamais il ne l'avait été. Le timide garçon admirait plus que jamais son ami, lui a qui tout semblait possible, lui que l'on enviait mais que l'on ne pouvait détester face à sa gentillesse. Il comprenait totalement pourquoi Yseult était devenue folle de lui, il n'y avait pas de questions à se poser, Paul était parfait.

Le jeune homme se tourna vers Romain et lui sourit, annonçant une confession imminente. Le garçon lui rendit son sourire et Paul s'étira avant de se laisser tomber en arrière.

-Ok, je dois t'avouer un truc vieux. Tu sais ça commence à faire pas mal de temps que l'on traine avec Yseult, et même si j'avais beaucoup d'a priori sur elle au début, je crois que je l'apprécie bien.

-Tu veux dire que tu l'aimes ? Le taquina-t-il, un rictus amusé au bout des lèvres.

-Bon, je l'aime peut-être un peu plus que bien.

Romain ricana et lui donna une tape dans l'épaule avant de, lui aussi, s'allonger sur les tuiles tièdes. Il observa les étoiles brillaient au-dessus de lui et soupira, joyeux.

-Je te comprends, elle est géniale. Tu devrais lui dire ce que tu ressens.

-Je sais pas. Si jamais je ne lui plaisais pas, tu sais elle a plein de possibles prétendants.

-Je pense que tu n'as pas beaucoup de soucis à te faire, elle te dévore du regard.

Paul s'appuya sur son coude et d'un regard intrigué, une moue amusée décorant ses lèvres, se tourna vers son interlocuteur. Ce dernier lui répondit par une mine taquine accompagnée d'un simple haussement d'épaules. Même s'il se réjouissait d'avoir réussi la quête que lui avait confiée la jeune fille il y a de nombreux mois, Romain était quelque peu angoissé par cette soudaine déclaration. Loin d'avoir peur d'être rejeté, oublié ou de devoir tenir la chandelle, il se demandait juste si son ami pourrait vraiment être amoureux de cet étrange spécimen qu'elle était. Yseult était un être aux mille masques sous lequel se cache un visage atypique, un véritable casse-tête à elle seule, un animal sauvage que l'on devait apprivoiser. Son amour demandait du temps pour être cultivé et révéler à son plus grand jour. Romain avait réussi à gagner sa confiance mais qu'en serait-il du jeune homme ? Si jamais les deux jeunes tourtereaux ne parvenaient plus à s'entendre il lui semblait impossible de pouvoir choisir entre ses deux amis. Il y aurait d'un côté son frère de toujours et de l'autre celle qui l'avait invité à s'affirmer aux yeux de tous. Alors sous le ciel d'encre tacheté de lumière, il préféra ne pas penser à ce possible choix cornélien et préféra écouter les rêveries de Paul à ses côtés. Car la vie semblait si facile dès qu'il ne s'agissait pas de la sienne. 



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