Il rentra rapidement dans la bibliothèque en baissant la tête et s'engouffra dans le rayon psychologie , l'un des moins fréquentés du bâtiment. Il se laissa tomber sur le sol et respira bruyamment , sa poitrine se soulevant à un rythme irrégulier. Il grimaça en étirant son bras droit et rejeta sa tête en arrière. Il avait couru aussi vite qu'il pouvait depuis qu'il avait bousculé Yseult. Il espérait de tout son cœur qu'elle ne l'avait pas reconnu , que se passerait il s'il se mettait une fille comme elle à dos ?

D'un revers de manche , il essuya son front perlé de sueur et porta son regard sur les vieux ouvrages. Même s'il n'aimait pas lire , la bibliothèque était un peu son refuge , il se sentait protégé près de ces livres moisies , avec l'extravagante petite bibliothécaire. Il aimait bien son sourire , son visage pâle qui disparaissait derrière ses cheveux en bataille , ses vêtements colorés et amusants. Puis cet endroit était l'excuse parfaite pour rester le plus tard possible loin de sa maison. Jamais ses parents ne se plaindraient qu'il reste trop longtemps à la bibliothèque et sa petite sœur , Emma , n'aimait pas les vieux bâtiments.

Romain ouvrit son sac et sortit son agenda. Il étala ses cahiers sur le sol et commença à travailler en réfléchissant. Le garçon détestait tout ce qui se rapprochait de près ou de loin à sa famille. Pas qu'il la haïsse , loin de là , mais depuis deux ans , depuis le jour où sa sœur et lui se fit percuter par un motard , il détestait rentrer chez lui. Romain n'aimait pas ce jour , il voulait l'oublier , il détestait cette date : le neuf mai . Mais elle toujours là , tapie dans son esprit et le visage défiguré de sa petite sœur ne faisait rien pour arranger ça. Son profil droit , à jamais recouvert de ces cicatrices , à chaque sourire la douleur lui rappellerait , elle aussi ,ce jour et que tout est de la faute de son grand frère. Romain ferma les yeux pour se reconcentrer alors que des images affluées dans son esprit , il se rappelait de tout , de chaque détail , de chaque bruit. Le même film se déroulait depuis ces deux années dans sa tête et il avait toujours cette fin tragique. Les visites chez la psychologue ne changeaient rien , elles ne l'aidaient pas à oublier ou à déculpabiliser. Alors , il se soignait à sa façon , en créant de nouvelles cicatrices mais ça personne ne le savait.

Il s'allongea sur le sol et écarta ses bras. Ici , il se sentait protégé , seul. Il ne pourrait plus jamais faire de mal à personne. Il ne voulait plus jamais culpabiliser pour quelqu'un ou blesser un ami , alors pour ça il se terrait dans le silence et s'enfermait dans sa carapace. Il ferma les yeux et essaya de sourire , là , au milieu des rayons sur le vieux parquet de la bibliothèque.

Telles étaient les peurs de Romain.