57 : Ivan

Flottant, porté par la marée humaine qui l'entourait, les lumières multicolores glissaient le long des corps ondulant sur la musique. Le battement des basses vibrait dans son corps, le traversant de part en part, rythmant ses pas. Il n'y avait plus aucun repère et Ivan retrouvait cette même exaltation au milieu de ces silhouettes inconnues. Tous perdaient leur personnalité sous ces néons, l'on devenait celui que l'on rêvait. Les corps luisaient, s'enlaçaient, se séparaient, le tout dans une telle grâce qu'ils semblaient régi par un instinct purement animal. L'alcool commençait à lui monter à la tête, entourant sa vue d'un halo trouble, plongeant ses pensées dans un nuage de coton. Les joues rougis, un sourire niais patinant ses lèvres, ses démons intérieurs semblaient être restés sur le palier de la porte. Ce soir il n'était qu'un jeune garçon comme ceux de son âge, il n'existait plus aucune trace de douleur.

Il fendit les silhouettes mouvantes et rejoignit les extrémités de la pièce. Au centre, les danseurs formaient comme un piège se refermant autour de vous, vous invitant à céder à tous les excès de la fête, le jeune homme préférait la stabilité des murs blancs dont la fraicheur apaisait son épiderme brûlant perlé de sueur. Ses cheveux blonds tombaient mollement sur ses yeux dont les iris fades perçaient dans l'obscurité. Déclinant la proposition d'une jeune femme venant juste de l'accoster, il appuya son dos contre la surface de plâtre afin de reposer ses jambes douloureuses. C'est alors qu'il le vit, dans un flash de lumière, comme frappé d'un éclair. Ses cheveux auburn venaient caresser les angles de sa mâchoire carrée, son regard d'un vert perçant l'avait piqué, ses yeux ne dévisageaient pas la personne juste devant lui, non ils le fixaient, avec une telle intensité qu'il s'en surprit à frémir. Tout était trouble, lent, comme plongé à des kilomètres sous l'eau. Le mélange d'alcool et de fatigue anesthésiait son cerveau, lorsqu'il s'avança vers lui, les corps flous pressant contre le sien, il eut l'impression que le temps se ralentissait, s'étirant à la manière d'un élastique. D'un sourire décorant ses lèvres charnues, le jeune homme accueilli Ivan venant à sa rencontre, la jeune femme alors posté devant lui se retourna un bref instant vers celui venant interrompre leur conversation, et prétextant aller chercher un vers, s'éclipsa. Il régna entre eux un silence étrange, dans lequel flottait une extrême curiosité, ils ne voulaient pas se découvrir immédiatement, préférant s'observer et tenter d'imaginer l'autre. Puis d'un seul coup, son sourire s'élargit davantage et le jeune présenta sa main devant lui.

-Arthur, enchanté.

-Ivan, de même. Nous nous sommes déjà croisée quelque part ?

-Je travaille dans un café près de la faculté où j'étudie, tu as déjà dû me voir là-bas, il n'y a pas mal de jeune.

Lentement, le jeune homme se laissa glisser contre le mur, juste à côté de lui. Dans l'obscurité, il détailla des yeux le visage d'Arthur, les lumières colorées mettant en valeur sa mâchoire lorsqu'elles l'effleuraient lentement. La jeune femme qui l'avait quittée quelques minutes plus tôt apparu de nouveau, trois verres à la main, se frayant un chemin au milieu des gens. Ivan aperçue alors deux yeux bruns qui l'observaient avec insistance, ce regard échangé avec cette inconnue n'échappa pas à son interlocuteur.

-Un vrai aimant à femme pas vrai ? Le questionna-t-il en rigolant. Tu dois faire de sacré ravage avec ton physique d'athlète et ton visage de prince charmant.

-Pas vraiment, je n'ai pas trop ces idées-là. Puis je vois que tu ne te débrouilles pas trop mal non plus, répondit-il en désignant d'un coup de tête la femme leur rapportant des boissons.

-Audrey ? Non, pas vraiment le genre à s'enticher de mec comme moi, ou même comme toi. Par contre, celle qui t'espionne semble se décider à t'approcher.

Lançant quelque regard indiscret, la brune l'observait du coin de l'œil puis chuchotant quelques paroles à son amie, sembla en plein dilemme. Le jeune homme essaya à chaque fois d'éviter son regard afin qu'elle se décourage, détestant essayer de gentiment leur faire comprendre qu'elles ne l'intéressaient pas. Lorsqu'elle se mit à se diriger vers lui d'un air décidé, il soupira lourdement et Arthur rit à ses côtés. D'un léger coup de coude il attira son attention et plongeant son regard dans le sien, chuchota en souriant :

-J'ai une technique pour les éloigner sans problème le temps d'une soirée. Tu me fais confiance ?

Ivan opina d'un air intrigué et lentement le jeune homme passa sa main sur sa joue. Lui faisant lentement pivoter la tête, il déposa un bref baiser à la frontière de ses lèvres avant de vite s'écarter. Un peu confus, Ivan le dévisagea puis voyant qu'il lui indiquait la jeune femme d'un coup de regard, se détourna vers elle. Il ne put apercevoir que sa nuque se faufilant vers ses amies, sous le regard compatissant de quelques-unes d'entre elles. Il se surprit à éclater de rire lorsqu'il croisa de nouveau les yeux d'Arthur, l'homme en fit de même et tous deux partir dans un fou rire incontrôlable. Audrey, arrivant enfin à leur hauteur, les regarda en souriant alors que des larmes de joie commençaient à perler le long de leurs paupières.

-Eh bien, je vois que vous vous amusez bien ici. Qu'as-tu dit à ce pauvre blondinet pour qu'il rigole autant ? Interrogea-t-elle son ami en lui tendant un verre.

-Je lui ai montré ma technique imparable pour empêcher son aimant à demoiselle de faire effet.

La jeune femme rigola à son tour et lui donna un coup dans l'épaule en le traitant d'enfant infernale. Après de brèves présentations, elle tendit un verre à Ivan et lança la conversation. Le jeune homme se sentit alors étrangement à l'aise entre ces deux inconnus, discutant, rigolant, il avait parfaitement l'impression de se fondre dans leur duo, comme si sa présence y était déjà incorporée. Arthur le fascinait par ses discours, ses envies, ses attitudes, il y avait une langueur juvénile qui emplissait tout son corps, faisant briller ses pupilles de malice et son sourire de joie. Ils semblaient tous trois coupé du monde. Il régnait dans leur univers, une douceur, une joie de vivre qu'Ivan ne connaissait pas. Un mélange d'espièglerie et de chamaillerie, des regards complices et des blagues médiocres, il semblait qu'ici le jeune homme n'avait pas besoin d'enfiler son masque car le sourire qu'il leur affichait été réel. Et celui d'Arthur, en écho au sien, faisait apparaître dans sa poitrine une sensation étrange.



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