49 : Romain

Interpellé, il se tourna vers la personne ayant toqué et sourit à sa mère dont la silhouette se découpait dans l'encadrement de la porte.

-Je peux te parler quelques instants ?  

Il hocha la tête et elle referma doucement la porte derrière elle. Tout comme sa grand-mère, sa mère avait toujours des gestes très doux et mesurés. Sans trop savoir quoi dire, elle s'approcha de lui en posant ses yeux sur la pièce un peu dérangée et s'assit à demi sur le lit. Le garçon, sachant parfaitement de quoi elle voulait discuter, attendit quelques instants avant de prendre la parole.

-Tout va bien maman, je vais très bien.

-Tu n'es pas obligé d'aller au lycée aujourd'hui mon ange, répliqua-t-elle d'un air inquiet.

-Maman, ça fait deux ans, j'ai fini par tourner la page. De toute façon je ne peux plus rien y faire donc je suis bien obligé d'avancer.

Bien qu'il déteste mentir à ses parents, le visage apaisé qu'elle lui afficha, lui confirma qu'il fallait mieux dire les choses ainsi. Elle lui sourit et se leva afin de le serrer fortement dans ses bras. Alors le visage dans ses cheveux aussi noir que les siens, comme plusieurs années auparavant où il était encore tactile, Romain profita de cette étreinte. Il sentit alors une larme couler le long de son cou et la poitrine de sa mère parcourut de tressautements contre la sienne. Après s'être essuyé les yeux d'un geste un peu gauche, elle prit son visage dans ses mains et lui sourit timidement, sa bouche formant une moue comme pour retenir des sanglots.

-Je suis si fière de toi mon ange, si fière que tu ais réussi à passer au-dessus de tout ça. Je sais à quel point c'est dur. Tu ne peux pas savoir à quel point je suis heureuse que vous soyez encore ici, avec ta sœur. Tu ne peux pas savoir à quel point je suis chanceuse de pouvoir voir votre sourire chaque matin.

Alors que les larmes roulaient de nouveau le long de son visage, le cœur de Romain se serra face à cette tristesse et il la prit une nouvelle fois dans ses bras pour l'apaiser. Contre lui elle éclata en sanglots, marmonnant à quel point elle était désolée. Totalement désemparé face à cette douleur montrée au grand jour, il ne put que lui caresser le dos, ne sachant quoi faire d'autre pour la consoler.

-Maman, ce n'est pas ta faute, loin de là.

-J'aurais dû être là pour vous, j'aurais dû être là pour protéger mes enfants, pour empêcher ça. Je n'ai rien pu faire, je n'ai rien su faire.

-Tu ne pouvais pas, personne ne pouvait sauf lui ou moi.

*

Cela peut paraître futile et idiot, mais il est incroyable comme dans notre inconscient, qu'on le veuille ou non, les anniversaires sont importants. Ces preuves du temps qui passe, alors qu'un jour de plus ou de moins ne devrait rien changer, ces dates qui nous marquent et nous rappellent quand notre vie a été bouleversée pour n'importe quelles raisons, bonnes ou mauvaises.

C'est donc pour ça qu'en ce neuf mai, Romain avait l'horrible impression que le mot coupable était gravé sur son front. C'était comme si sa culpabilité débordait de tous les pores de sa peau, comme si ce matin dans le journal l'on avait raconté sa faute, son horrible erreur. Il n'avait pas eu le courage d'affronter le regard de sa sœur ce matin-là, surtout après la conversation qu'il avait partagée avec sa mère. Il fut si soulagé de pouvoir aller au lycée, trainer le soir à la bibliothèque, feindre l'existence de la réalité, de sa réalité. Beaucoup disent que fuir est une technique de personne faible mais le jeune garçon ne s'est jamais décrit comme quelqu'un de courageux. Lorsque quelque chose de grave arrive, nous avons souvent deux types de réactions : soit nous préférons en parler, tenter de trouver du réconfort auprès de nos proches ou sinon nous nous enfermons dans notre bulle, mettant des œillères et faisant la technique de l'autruche, disant aux autres que tout va bien afin de nous convaincre nous-même. Il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises techniques, Romain le sait, les deux craignent autant. Les séances chez la psychologue n'ont jamais rien arrangé. Puis il n'a pas besoin d'en parler, il arrive très bien à le gérer tout seul, il éprouve juste de légères difficultés depuis plusieurs mois. Mais tout va bien, tout va toujours bien tant qu'il ne craque pas.

Tant qu'il ne craque pas.



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