43 : Yseult

Pour la première fois depuis plusieurs mois, Ivan ne l'avait raccompagné après leur course dominicale habituelle. Yseult s'était rendue à l'appartement de Lise, lui ayant envoyé un message préalablement pour ne pas être totalement impolie, même si le fait d'être rustre avec cette fille ne l'importait que peu.

La porte devant laquelle elle se tenait depuis plusieurs minutes s'ouvrit, dévoilant une femme aux traits asiatiques, sans aucun doute la mère de Lise. Yseult se présenta et lui dit qu'elle venait voir sa fille. Après un sourcillement étonné, elle l'invita à rentrer et demanda à Théo, assis dans le salon, d'aller chercher sa soeur. Madame Yang lui posa quelques questions afin de tuer le temps, la jeune fille l'observa avec attention durant la conversation. Bien quel est un visage quasiment totalement similaire à sa fille, ses traits étant plus fins, il dégageait une forte joie de vive, comme celle qui éclairait souvent le visage d'Adélaïde. Elle semblait le contraire total de Lise avec son air morose et ses yeux sombres. La dit intéressée apparu alors au bout du minuscule couloir, les cheveux en bataille, en pyjama. Elle réprima un bayement et se frotta les yeux, l'air ensommeillé.

-Je n'ai pas l'habitude d'avoir des visites aussi matinale, dit-elle pour saluer la jeune fille devant elle. 

-Ce n'est plus vraiment la matiné.

Le sourire factice qu'elle offrait à tout le monde s'étala sur les lèvres d'Yseult à ses paroles. Lise ne releva pas la pique qu'elle venait de lui lancer et l'invita à venir discuter dans sa chambre.

*

La pièce se révéla bien plus sobre que ce qu'avait imaginé la jeune fille, à part un amas de dessin sur le bureau et des vêtements abandonnés sur une chaise, tout était ordonné et similaire à la chambre de n'importe quel jeune adulte. Lise remonta les volets afin d'éclairer totalement la pièce et se laissa tomber sur son lit encore défait, faisant tomber son carnet au pied de ce dernier. Un peu incommodée comme à chaque fois qu'elle se trouvait dans la maison d'une connaissance, Yseult resta statique à zyeuter la pièce. Voyant qu'elle ne parlait pas, la jeune femme avachit sur son lit se redressa vers elle.

-Je ne m'attendais pas à avoir une visite aussi matinale, avoua-t-elle en ayant un regard pour son reflet dans le miroir qui lui renvoyait une image pitoyable.

-Je t'avais pourtant envoyé un message pour te prévenir. Suite à ces paroles, elle saisit son téléphone et lu d'un air songeur.

-C'est bien vrai, mais je suis réveillée il n'y a même pas dix minutes, il n'a pas été très utile. Que me vaut cette visite ?

Yseult souffla et s'appuya contre le mur, en ayant assez de rester comme un piquet au milieu de la pièce. Elle resserra sa queue-de-cheval, se préparant à prendre un ton doux et calme pour dire les paroles longuement réfléchies depuis plusieurs heures

. -Je voudrais que tu arrêtes de côtoyer Ivan, tu dois absolument rester dans sa vie mais si vous pouviez être... Comment dire ? Moins proche, comme de simple connaissance, tu vois ?

Lise ne réagit pas immédiatement, elle resta à fixer le plafond sans bouger. Elle finit par rejeter sa frange en arrière, un sourire en coin se dessinant sur ses lèvres.

-Je suis désolée mais nous ne sommes pas de simple connaissance Ivan et moi, répliqua-t-elle, une pointe d'agressivité perçant dans sa voix. Contrairement à ce que tu peux t'imaginer, arriver ici et me demander, la bouche en coeur, d'arrêter de fréquenter mon meilleur ami depuis des années, ne va rien donner. Ce n'est pas parce que tu peux mener tout ton petit monde à la baguette au lycée que tu peux le faire avec moi.

Suite à ces paroles elle se redressa et dévisagea Yseult avec froideur, le visage de la blonde se renfrogna et toute la colère qu'elle avait accumulée contre la jeune femme commença à bouillir en elle.

-Désolée ma belle, continua-t-elle en la défiant du regard une certaine répulsion flottant dans ses yeux, peu importe ce que tu essaieras de faire pour nous séparer, on restera ami, comme on l'était déjà bien avant ton arrivée. Cesse ta crise de jalousie, ravale ton orgueil et calme ton ego de princesse car tu verras vite qu'on ne peut pas avoir le premier rôle dans toutes les histoires. Si c'était tout ce que tu avais à me dire tu peux y aller, tu connais le chemin ce n'est pas dur, pas besoin de te raccompagner. Je n'aime pas perdre mon temps, et surtout pas avec des filles comme toi.

Et comme si elle était déjà partie, Lise lui tourna le dos, alluma sa chaine hi-fi et chercha dans ses disques lequel mettre. Submergée par la rage, la jeune fille n'avait pas bougé, serrant les poings pour ne pas exploser. Elle l'aurait frappé, de toutes ses forces, frappé pour ces mots, frappé pour cette attitude, frappé pour ce qu'elle avait fait à Ivan. Elle souffla un grand coup, se forçant de se calmer. Lise se tourna vers elle d'un air dédaigneux.

-Toujours là ?

Yseult sut qu'elle n'obtiendrait rien de cette fille en s'énervant ou en criant, la jeune femme était difficilement intimidable. Il fallait qu'elle joue cartes sur table, même si cela lui coûtait de dévoiler à cette énergumène sa personnalité profonde, elle se trouvait obligée le faire si elle voulait aider Ivan à aller mieux, c'était son devoir d'ami.

-Je m'inquiète juste pour lui, souffla-t-elle finalement, assez fort pour recouvrir la musique. Le dernier coup de fil que tu lui as passé l'a détruit.

La petite chinoise fit volt-face vers elle, une expression fugace de surprise passant sur son visage avant de laisser place à un air contrit.

-Il va bien ? 

-Toujours morose, il a couru plus que d'habitude ce matin, il a voulu commencer plus tôt et il prévoyait encore vingt minutes d'endurance quand je suis partie. 

Lise souffla longuement en passant sa main sur son visage. Au plus grand étonnement de son interlocutrice, cette nouvelle sembla vraiment l'affecter.Elles restèrent quelques minutes silencieuses.

-Je pensais qu'il était passé à autre chose, avoua finalement la petite asiatique. L'on s'est toujours parlé de nos problèmes et de nos doutes et... Il semblait changé depuis notre dispute. Comme il t'avait toi j'ai cru que tout cela était de l'histoire ancienne.

Elle se laissa tomber sur son lit, le regard dans le vague. La fureur étant passée face à cette réaction, Yseult observa la jeune femme sous un nouvel angle. Elles étaient peut-être partie avec trop d'apories l'une envers l'autre, les empêchant de construire quelque chose. Silencieusement elle s'assit à côté d'elle. Lise soupira et se tourna vers elle, souriant légèrement.

-Je vais essayer de m'éloigner de lui, si cela peut lui être bénéfique. Même si c'est très dur pour moi.

La jeune fille acquiesça, fière d'avoir pu obtenir ce qu'elle voulait. Ivan allait enfin pouvoir se resaisir, vivre plus paisiblement. Vu qu'il n'arrivait pas à lutter contre ses démons, il fallait peut-être juste l'éloigner d'eux.

-Mais Yseult, rajouta Lise en la sortant de ses pensées. Je veux en contrepartie que tu fasses attention à toi et que tu me promettes que si jamais tout cela devient trop dur, tu te sépareras de lui .

La jeune fille ne répondit rien et n'eut qu'un sourcillement étonné, ne comprenant pas pourquoi elle lui adressait soudainement ces paroles.

-J'ai, il y a longtemps, mené le même combat que toi. J'avais tout donné pour le bonheur d'Ivan. Mais Ivan est faible et tel un naufragé en pleine mer qui s'accroche à sa bouée de sauvetage, il t'emmène lentement vers le fond. Tout n'est pas de sa faute, je n'ai jamais été un modèle de sainteté et de bon sens. Mais... sa faiblesse est comme un poison qui te ronge peu à peu et détruit ta force, ta confiance en toi et te remplit de doutes. Je ne l'ai pas tout de suite vu et mon comportement n'a fait que nous mener aux enfers. J'ai essayé de lui donner ce qu'il voulait, j'ai vraiment essayé et comme je n'ai pas pu j'ai tenté de compenser. Mais à un moment, tu le sais, tout est parti en vrille, tout à exploser d'un seul coup. Le seul problème c'est que je n'arrive pas à me séparer de lui, quoique nous soyons néfastes l'un pour l'autre. Alors s'il te plaît, soit égoïste, cesse de te soucier de lui et de le porter à bout de bras. Ne tombe pas au fond du gouffre avec lui, ne refont pas les mêmes erreurs que moi. Je m'en voudrais vraiment s'il te détruisait.

Sans vraiment prendre au sérieux cette confession, Yseult se leva et se dirigea vers la porte, refusant de rester plus longtemps alors que cette fille essayait de la faire douter de sa décision .

-D'accord. Je tacherai de m'en souvenir. Merci beaucoup pour cette... Conversation. À demain.

Alors qu'elle allait s'enfuir, septiques, Lise l'interpella.

-Moi aussi j'ai cru être assez robuste pour le porter. Mais personne ne peut l'aider appart lui-même. J'ai essayé et je m'y suis briser les os. Fait attention à toi.

Face au visage triste qu'elle lui affichait, elle se demanda qu'elles étaient vraiment les intentions de cette fille. En lui criant un "A demain", elle sortit de l'appartement, totalement perdue. Devait-elle prendre ses avertissements au sérieux ? Ivan pouvait-il être aussi néfaste ? Elle marcha longuement jusqu'à l'appartement familial au milieu des nombreux passants. Soudainement elle avait peur, elle avait des doutes, elle avait envie de se battre de toutes ses forces pour son ami et de s'enfuir à toutes jambes. Ses pensées s'entrechoquaient dans sa tête avec confusions et rapidités mais une seule question restait plus limpide et persistante que les autres : que devait-elle faire ?


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