42 : Ivan
Postés devant la télévision, ils regardaient tous les deux une série. Yseult piqua une chip dans le bol posé sur la table et souffla.
-C'est parce que je suis une blonde populaire que je trouve ça affreusement cliché ou je ne me rends juste pas compte que je suis une vraie garce imbue de sa personne ?
Ivan se contenta de rire en haussant les épaules, il savait très bien que la jeune fille qu'il côtoyait était totalement différente avec les autres, il n'avait donc pas d'avis sur la question. Il s'avachit contre le dossier du canapé et sourit. Suite à l'incident survenu lors de la soirée des Fauret, personne ne s'était donné rendez-vous à la bibliothèque ce soir. Yseult l'avait alors invité chez elle refusant que les querelles des autres les éloignent. Il n'avait pas vraiment compris ce qui s'était passé ce soir-là et son amie ne semblait pas plus renseignée que lui. Personne ne s'était donné la peine de leur donner des nouvelles ou des explications. Le jeune homme comprenait qu'en tant que duo le moins intégré du groupe l'on les tienne éloignés des petits secrets, mais il aurait tout de même que l'on les mette un minimum au courant. À côté de lui, Yseult pesta une nouvelle fois contre un des personnages et il rit. Au fond il était peut-être mieux qu'on ne les implique pas dans ce genre de petites guerres qui ne les concernaient pas. Il piqua une poignée de chips dans le bol et continua de profiter sereinement de sa soirée avec son amie.
Ce fut lorsque l'épisode se termina que son portable se mit à sonner. Il fut étonné qu'il s'agisse de Lise et décrocha en s'éloignant du canapé, faisant par la même occasion signe à Yseult qu'il n'en aurait pas pour longtemps. La voix éraillée de la jeune femme retentit à travers le combiné, s'il crut lors des premiers instants qu'il s'agissait d'un effet du téléphone, il finit par se rendre compte que son amie n'était pas dans son état habituel.
-Qu'est-ce qu'il ne va pas Lise ? Demanda-t-il à mi-voix, essayant de rendre cette conversation privée malgré la présence d'Yseult dans la pièce.
Lise hésita quelques instants puis se confia à lui. Le jeune homme ne réussit à entendre que les trois premiers mots, pétrifié par cette révélation. Lise avait embrassé Raphaël. Son corps sembla s'écrouler et sa poitrine se serra affreusement. Il s'accrocha de toutes ses forces à son téléphone pour ne pas flancher mais il ne pouvait supporter la douleur de ce nouveau coup de poignard. Il n'avait qu'une envie : partir courir. Courir loin, loin de tout, courir jusqu'à ce qu'il tombe de fatigue. Mais il ne put esquisser le moindre mouvement, détruit. Il resta juste immobile à écouter Lise parler sans qu'il ne puisse comprendre le moindre mot. Yseult ne tarda pas à remarquer que quelque chose n'allait pas. Furieuse, elle s'avança vers lui, lui arracha l'appareil des mains, dit sèchement qu'ils étaient occupés et raccrocha sans autre forme de procès. La voix de la petite asiatique ayant enfin cessé de résonner à ses oreilles, Ivan sembla sortir de sa torpeur et poussé par une envie viscérale, il se dirigea vers la porte. Il fallait qu'il coure, maintenant, sans jamais s'arrêter. Son amie anticipa son geste et lui saisit le poigner.
-Je ne te laisserai pas sortir dans cet état , annonça-t-elle, l'orage grondant dans le fond de sa voix. Tu vas t'asseoir, te calmer et me raconter ce qu'il se passe et non partir comme une furie courir en pleine nuit. Fuir tes problèmes en les refoulants ne sert à rien.
Elle le tira par le bras et le fit s'asseoir en face d'elle, plantant ses iris plus froids que la glace dans les siens.
-Alors que ce passe-t-il ?
-Lise a embrassé Raphaël.
Sa voix s'était brisée sur ses mots. Le fait de le dire à voix haute rendit soudainement la chose bien plus réelle et la gorge du jeune homme se noua. La jeune fille haussa les sourcils et joignit ses mains.
-Et c'est à cause de ça qu'ils sont tous fâchés ? Il l'a repoussé ? Railla-t-elle, un creux se formant entre ses sourcils froncés.
Ivan plongea son visage dans ses mains et haussa mollement, incapable d'articuler le moindre mot. Voyant que ses questions ne faisaient qu'empirer son état, la jeune fille se tue et posa sa main sur son épaule pour le réconforter.
-Je suis désolée Ivan, mais la voir te faire du mal de cette façon me met hors de moi. Et je ne comprends pas, rajouta-t-elle après avoir laissé passer un ange, pourquoi cette annonce t'afflige autant ? Tu m'avais pourtant dit qu'elle avait déjà eu plusieurs copains.
Il dodelina de la tête en soupirant puis se redressa pour regarder Yseult.
-Ce n'est pas pareil. Lise a déjà embrassé des garçons mais jamais encore elle n'en avait pris l'initiative. Elle essayait, elle papillonnait, elle n'avait jamais était prise d'une quelconque envie... Jusqu'à maintenant. J'ai longtemps cru qu'elle n'aimait peut-être pas les hommes.
La jeune fille sourcilla en face de lui et croisa ses bras sur sa poitrine, comprenant peu à peu.
-Mais voilà pourquoi ce baiser t'affecte tant, continua-t-elle, révélant ce qu'il n'osait pas dire de vive voix. Car il est la preuve irréfutable qu'elle n'est pas amoureuse de toi non pas parce qu'elle n'aime pas les hommes, mais parce qu'elle ne t'aime pas, toi, Ivan Sanchez.
Il acquiesça honteux et anéanti, ses espoirs subitement détruis par un baiser.
-Il faut vraiment que tu t'éloignes d'elle, cette fille est toxique.
-J'aimerai tant.
Et c'est lorsqu'il prononça ces paroles d'un ton suppliant qu'il comprit que jamais il ne connaîtrait de paix intérieure. Car Lise et lui étaient liés par une amitié étrange, aussi fusionnelle que destructrice, ils ne pouvaient vivre ensemble sans souffrir mais ne pouvaient se séparer l'un de l'autre. Elle était sa drogue, et il en était totalement accro, rongé jusqu'à la moelle.
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