41 : Raphaël
Jamais le jeune homme n'aurait pu imaginer que sa vie deviendrait aussi chaotique. Il avait perdu ses repères, ses espoirs et d'un seul coup, ce qu'il attendait depuis des mois s'était produit subitement, alors que tout son monde s'écroulait. Mais tout ce qui s'était passé la veille lui paraissait irréel. Il n'avait eu confirmation de la véracité des évènements de la soirée d'hier que lorsque ce matin, Madame Fauret l'avait congédié afin qu'il dispose d'un temps de repos et de réflexions. Tout était bien réel, Basile souhaitait bien se donner la mort sous peu, il ne s'agissait pas d'une mauvaise blague ou d'un cauchemar. C'était la réalité : son ami allait se faire euthanasier.
Rentré à l'appartement, il se laissa tomber sur le canapé, le visage inexpressif. Il aurait voulu crier, pleurer, briser tout ce qui se trouvait autour de lui. Mais toutes ces émotions trop fortes n'arrivaient pas à sortir. Tout ceci était bien trop d'un seul coup. Bien trop fort pour un petit corps comme le sien. L'envie de parler se fit plus viscérale soudainement, les mots réussiraient peut-être à l'apaiser. Il fallait qu'il discute avec quelqu'un, quelqu'un qui le comprendrait.
Comme il s'en était douté, Adélaïde ne répondit pas à son appel, ni Lise.Il finit par se résoudre à envoyer un message à Romain, lui donnant rendez-vous dans un café après les cours.
*
Tenant sa tasse de chocolat chaud, Raphaël commença à douter de la venue du garçon. Peut-être était-il occupé ou peut-être ne voulait-il tout simplement pas venir. Ils avaient principalement trainé ensemble accompagnés de Lise ou d'Adélaïde, il était donc probable qu'il ne le considère pas comme un ami. Il regarda les rayons de lumière qui perlaient aux fenêtres et venait se percuter contre les tasses des clients. Si beaucoup de personnes se réjouissaient de la venue des beaux jours, lui regrettait de ne pas avoir pu rester plus longtemps en hiver, afin de profiter davantage du maigre bonheur dont il disposait.
Le jeune homme fut soulagé quand il vit la silhouette filiforme de Romain se découper dans l'encadrement de la porte d'entrée. Le garçon finit par le repérer parmi les clients, lui adressa un sourire un peu crispé et s'approcha de sa table en courbant l'échine. Il s'assit en face de lui après l'avoir salué à mi-voix et commanda un chocolat en bafouillant lorsque le serveur arriva vers lui. Ses yeux semblaient plus fuyants que d'habitude et il se tenait si vouté sur sa chaise que l'on aurait presque pu croire qu'ils faisaient tous deux la même taille. Raphaël s'en voulut de l'avoir plongé dans cette situation peu agréable par pur égoïsme. Il se contenta de touiller sa boisson n'osant pas lancer la conversation. Il finit par demander au garçon comme il se sentait.
-Je... Je vais bien. Evidement, je suis assez bouleversé mais je doute l'être autant qu'Adélaïde... Ou toi.
Il inspira bruyamment à la fin de sa phrase comme si le fait d'avoir prononcé autant de mots était un exploit. Raphaël hocha la tête et sirota son chocolat.
-Lise va bien ? Demanda-t-il finalement en détournant son regard vers l'extérieur.
-Euh, oui, enfin.. Je l'ai appelé ce matin, elle semblait un peu.. Contrarié et anxieuse mais, mais rien de très alarmant.
Raphaël acquiesça et ne rétorqua rien, l'air songeur. Pourquoi la jeune fille ne lui avait pas répondu ? Il se força à penser qu'elle ne l'avait pas entendu mais dans son for intérieur il en était certain, elle ne voulait pas lui parler. Peut-être que submergée par les évènements elle avait commis une erreur et désormais elle regrettait . La tête du jeune homme était un vrai sac de noeuds, de même que son ventre. Il y avait trop de questions d'un seul coup, trop de problèmes insolubles. Il trempa ses lèvres dans le liquide au goût de cacao et observa Romain, silencieux devant lui. Il vit ses mains pâles tirer sur ses manches, ses iris verts zyeuter nerveusement l'intérieur du café. Il ne savait pas s'il pouvait se confier à lui, lui dévoiler tout ce qu'il avait sur le coeur, partager avec lui les émotions qui le tiraillaient depuis la veille. Il avait peur, peur de se confier et qu'on le brise, mais il devait parler à quelqu'un, il fallait qu'on le rassure.
-Dis Romain, tu penses qu'un jour je pourrais être totalement heureux .
Le garçon se figea, puis son visage se tordit dans une expression soucieuse. Il pianota des doigts sur la table puis posa ses coudes et lova son menton entre ses mains.
-Oui, répondit-il finalement en plongeant son regard dans sa tasse, je crois que parfois il faut juste du temps, mais l'on finira tous par être heureux un jour.
Attendre, c'était la seule chose qu'il devait faire. Il avait déjà patienté pendant vingt longues années de sa vie pour pouvoir vivre complètement serein et il devait encore attendre, attendre quelque chose sans nom, sans forme et qui ne reviendrait peut-être jamais. Comme l'avait dit Prévert, il n'avait reconnu le bonheur au bruit qu'il avait fait en partant. Il voulait le retrouver mais pourrait-il seulement ?
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