40 : Lise

Les soirées n'avaient jamais été sa tasse de thé, alors comment parler des soirées mondaines où elle se trouvait dans l'obligation de porter une robe et d'avoir une apparence convenable. Elle avait accepté à contre cœur d'accompagner Adélaïde à la fête qu'organisaient les parents de Basile à chaque début de printemps. D'après ce qu'elle avait entendu l'homme acceptait seulement d'être présent à condition qu'il puisse amener avec lui ses amis. C'est pour ça qu'elle se retrouvait ce soir entouré d'Ivan toujours aussi à l'aise peu importe la situation, d'Yseult ressemblant à une reine de beauté malgré une tenue simplissime, de Romain aussi détendue qu'elle avec sa chemise trop grande, d'Adélaïde et sa robe vert foncé et de Raphaël suivant Basile à la trace. La soirée s'annonçait merveilleuse. 

Lise tira sur sa robe et s'avança vers un coin de la pièce, encore une fois elle faisait tache au milieu de ces gens. Elle ne se sentait pas dans son élément sans son négligé habituel. La jeune femme saisit une coupe en espérant pouvoir se donner un peu de prestance et souffla discrètement pour se détendre. Elle zyeuta les différents invités présents sous cette halle couverte. Avec leur grande taille et leur air sinistre, elle ne mit pas longtemps à trouver les parents de Basile, droit dans alors vêtements parfaitement repassés, même Yseult et ses allures de princesses faisaient pâle figure face à eux. Lise finit par apercevoir de grandes femmes discutant avec une autre dont la peau blanche tranchée avec toute cette assemblée, leurs visages ressemblaient bien trop à celui de Basile pour qu'il ne s'agisse pas de ses soeurs. Romain fendit la foule pour la rejoindre et se cacha derrière elle, bien qu'il la dépasse d'une bonne tête, marmonnant qu'il ne fallait plus jamais l'emmener dans ce genre de réceptions. La jeune femme sourit et regarda tous les gens statiques autour d'elle sans vraiment savoir quoi attendre.

C'était vraiment cela les soirées distinguées, papoter en petit comité entouré d'autres petits comités, en tenant une coupe de champagne dans la main . Elle se demanda si elle ne préférait pas les jeunes ivrognes se dandinant comme des asticots.

Soudain, tout le monde se tut et se tourna vers la minuscule estrade sur laquelle se trouvait Basile accompagné de Raphaël et d'Adélaïde, droits comme des piquets. Certains sourires se figèrent sur les visages et monsieur et madame Fauret se raidirent davantage.

-Bonsoir à tous et à toutes, commença Basile, serein. Comme chaque année, nous nous retrouvons tous ensemble, tous les Fauret rassemblés le temps d'une soirée. C'est donc avec un immense honneur que je remercie toutes les personnes présentes et que je déclare les dernières festivités auxquelles je participerai ouvertes.

Des murmures parcoururent l'assemblée et Lise fronça les sourcils, perplexe, que voulait-il dire par cela ? Elle ne fut pas la seule à ne pas comprendre ces mots, car derrière l'homme, Adélaïde et Raphaël eurent la même mimique. La jeune femme se prépara à applaudir, pensant que le discours était fini mais Basile continua.

-Je sais à quel point ma décision vous répugne, mais rien ne pourrait me rendre plus heureux que ça. C'est pourquoi ce soir, j'ai l'honneur de vous présenter les deux personnes qui m'accompagneront dans ce projet : Raphaël mon auxiliaire et Adélaïde mon amie de longue date.

Alors que Raphaël semblait encore plus perdu, le visage d'Adélaïde arbora une expression que Lise n'avait encore jamais vue, une colère noire. Tout le monde applaudit mais Lise n'osa pas faire le moindre geste face aux poings serrés d'Adélaïde, pendant le long de son corps. Les convives vaquèrent finalement à leurs occupations, se désintéressant totalement du trio présent quelques minutes auparavant sur la scène. D'une poigne de fer, Adélaïde entraina les deux hommes à l'écart des festivités.

-Je vais voir ce qui se passe, glissa-t-elle à Romain, va chercher Yseult et Ivan et viens me retrouver.


Sous Les Lumières des guirlandes installées dans les arbres, le trio avait pris place. Si Raphaël semblait toujours totalement déconcerté, Adélaïde n'avait jamais été aussi furieuse.

-Tu te moques de moi, s'écria-t-elle en pointant Basile d'un doigt accusateur. J'ai dit que je respectais ta décision mais... Mais me demander d'y participer ! Comment oses-tu me faire ça ! Ne te rends-tu pas compte à quel point tout ceci est dur pour moi ! Alors me demander de t'y emmener ! Que t'est-il passé par la tête pour que tu puisses imaginer une seconde que je pourrais accepter de faire ça !

Basile cligna simplement des yeux face à ces accusations, toute la prestance dont il avait fait preuve sur l'estrade avait volé en éclat.

-Que se passe-t-il ici ? Demanda la jeune femme en arrivant aux côtés de ses amis.

-Eh bien il se trouve que cet homme veut que je l'aide à se tuer !

Ce fut comme si une bombe venait d'exploser, le visage de Lise se liquéfia mais ce ne fut rien comparé à l'expression mortifiée qu'affichait Raphaël. Les mains de la femme se mirent à trembler comme prit de névralgie et face à leur réaction elle éclata en sanglots. Le temps s'était brisé, plus rien ne serait pareil après cette annonce, plus rien ne pourrait être pareil.

-Tu... Tu ne lui as même pas dit, réussit à articuler Adélaïde. Tu es la personne la plus ignoble que j'ai pu rencontrer de toute ma vie Basile.

Sur ces mots, elle se détourna et s'éloigna. Le regard qu'elle lui lança avant de partir fut le plus glaçant que Lise eut vu de toute sa vie. Alors que Romain arrivait accompagné d'Yseult et d'Ivan, Raphaël s'éclipsa à son tour dans la direction opposée. Les bras ballants, encore sous le choc, Lise regardait le monde s'écrouler autour d'elle impuissante. Son coeur se serra fortement et elle saisit les épaules de Romain.

-Va retrouver Adélaïde, lui ordonna-t-elle, sa voix s'enrouant à chacun de ses mots. Je m'occupe de Raphaël.

Il acquiesça totalement perdu et elle partit à la poursuite du jeune homme.

*

Lise avait fini par le retrouver, à l'écart de tous, au milieu des arbres, étendu sur l'herbe. Ses cheveux se mêlaient au gazon.Silencieusement, elle vint s'installer à côté de lui. Il se redressa et l'observa.

-Tu vas salir ta robe, dit-il en touchant l'herbe humide.

-Je ne crois pas que ce soit d'elle qu'il faille s'inquiéter.

Dans la peine ombre, elle ne pouvait pas parfaitement discerner son visage mais elle crut le voir esquisser un sourire, ce qui lui réchauffa le coeur. Sa gorge se serra et elle rejeta sa frange en arrière.

-Je suis désolée.

-Tu n'y es pour rien Lise.

Il ramena ses jambes contre sa poitrine et lova son menton entre ses genoux, restant silencieux. Lise leva les yeux vers le ciel noir d'encre où scintiller faiblement quelques étoiles. Elle n'avait jamais été douée pour consoler. Elle se sentait impuissante face à une telle situation. Le vent fit frémir les arbres et la jeune femme frissonna. Elle ne savait pas où poser son regard, ses yeux vagabondèrent alors sur le décor qui les entourait. Des arbres et des plantes à perte de vu, accompagnées de morceaux de ciel nocturne. D'ici, la musique des festivités n'était plus qu'un chuchotis et les bruits de la nature régnaient en maître.

-Parfois j'ai l'impression d'être maudit, lui avoua-t-il à mi-voix, il y a quelques mois j'avais la vie parfaite, j'étais entrain de réaliser mes rêves, j'étais heureux. Et puis d'un seul coup tout s'écroule, indépendement de ma volonté et je ne peux rien y faire. Je me dis que tout est écrit et que je suis l'un des martyrs de cette histoire.

Il renifla et d'un coup de manche sécha les larmes qui commençaient à perler aux bords de ses paupières.

-La vie est laide Raphaël.

Il se tourna vers elle, lui faisant face.

-Mais toi tu es beau, alors ça compense.

Et sous ce ciel brisé , portés par le vent , ils se sont regardés sans un mot. Elle semblait le découvrir comme au premier jour , cette même fascination pour cet homme semblant si différent , cette même chaleur qui emplissait son corps. Elle ne sut pas pourquoi soudainement dans la peur, la tristesse et l'incompréhension tous ses sentiements enfouis se révélaient au grand jour. Doucement, elle posa ses lèvres sur les sienne alors que dans sa poitrine son coeur éclatait.


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