26 : Raphaël

L'odeur des lasagnes aux aubergines qu'il avait préparées envahissait la maison accompagnée d'un air de jazz. Raphaël finissait de dresser la table alors que Basile attendait devant sa fenêtre l'arrivé des invités, un sourire empli d'excitation trônant sur son visage. L'homme semblait toujours heureux de recevoir des amis chez lui et sa bonne humeur, plus que communicative, envahissait constamment la maison et la rendait d'autant plus chaleureuse. Aujourd'hui, les deux jeunes hommes recevaient la visite d'Adélaïde et de ses deux nouveaux amis avec qui elle passait désormais ses soirées. Basile trépignait d'impatience de les rencontrait, car, d'après lui, tous les amis de la bibliothécaire étaient toujours des personnes passionnantes. Raphaël vérifia rapidement que son gâteau ne grillait pas dans le four et sortit une bouteille de Bordeaux. Il aime toujours faire de son mieux pour que ces repas se passent parfaitement bien, voir un sourire ravi illuminé le visage de son ami valait tous les efforts du monde. La voix de son ami dans le séjour et il se précipita dans la pièce alors que l'homme commençait déjà à se diriger vers la porte. Raphaël ouvrit cette dernière et les salua, suivit de Basile, à demi ébloui par la robe jaune tournesol que portait Adélaïde. Un jeune garçon, portant un blouson noir sur une chemise grise qui mettait en valeur ses yeux d'un vert éclatant, lui serra maladroitement la main en bafouillant quelque salutation puis se stoppa en apercevant Basile, un fin sourire se glissant sur ses lèvres rosées. Son ami sembla tout aussi surpris de le voir devant lui.

-Le jeune homme du musée ! Lança-t-il d'une voix pleine d'allégresse. Romain, c'est bien ça ?

Le dit jeune homme hocha la tête en plaçant ses mains dans son dos, comme le ferait un enfant fasse à une personne d'une grande prestance. Raphaël avait remarqué que Basile intimait souvent ce comportement aux personnes qu'il rencontrait.

-Enchanté, Basile Fauret, se présenta-t-il avant de froncer les sourcils et de se tourner vers Adélaïde qui accrochait sa veste au porte-manteau. Vous ne deviez pas être trois ?

-Lise n'a pas pu se libérer plus tôt, elle avait cours ce matin. Elle m'a demandé de te prier de l'excuser pour ce retard.

Il hocha la tête pour signifier que cela ne le dérangeait pas et Raphaël les pria de prendre place à table. Il servit à tous un verre de vin accompagné d'amuse-bouche et demanda au garçon prénommé Romain ce qu'il désirait boire. Ce dernier, ne demandant qu'un verre d'eau plate, fit sourire Adélaïde assise à côté de lui. Alors que Basile menait un interrogatoire digne de celui d'un policier afin de connaître l'ami de la bibliothécaire, Raphaël écoutait distraitement la conversation, jonglant entre le séjour et la cuisine en espérant que son repas ne roussisse pas. Lorsque l'apéritif fut fini, il se mit à dresser les assiettes pour le plat principal, quand quelqu'un frappa à la porte.

-Ne bouge pas Raphaël, je vais lui ouvrir, s'exclama Adélaïde dans la pièce d'à côté.

Une voix féminine salua tour à tour chaque personne présente et s'excusa une nouvelle fois de son retard, Basile se pressa de la rassurer d'une voix rieuse. Le jeune homme sortit de la cuisine, deux assiettes à la main, le sourire aux lèvres, mais se figea dans l'encadrement de la porte lorsqu'il aperçut la silhouette de leur dernière invitée. La fille qu'il croisait tous les matins était là, dans une salopette noire d'où débordait une chemise blanche. Ses yeux noirs s'écarquillèrent comme pour témoigner de son étonnement, et ils restèrent immobiles, dans un face-à-face silencieux, qui sembla duré une éternité. Raphaël finit par se ressaisir et déposa les deux assiettes sur la table avant de venir la saluer.

-Raphaël, dit-il doucement, d'une voix peu assurée.

-Enchantée, Lise.

D'un pas pressé, il se dirigea vers la cuisine pour récupérer les autres assiettes. Son ventre semblait soudainement pris d'une crise de contorsion et il avait l'impression que ses jambes pouvaient le lâcher à tout moment. Psychologiquement, il ne s'était pas préparé à ça, s'il avait su qu'il aurait dîné avec la jeune femme à qui il n'avait jamais osé dire bonjour, il aurait peut-être fait les choses autrement. À son plus grand malheur, il s'installa entre elle et Basile, qui commençait déjà à assaillir Lise de questions.

-Et donc Lise, à quelle université étudies-tu ? Tu es à l'université d'après ce que j'ai cru comprendre, non ?

-Oui, j'étudie ici, aux beaux-arts.

-Les beaux-arts ! Et bien, je vois qu'Adélaïde aime toujours autant s'entourer d'artistes !

Cette dernière sourit avant de replonger son regard dans son assiette et Basile continua son monologue. L'homme était toujours comme ça, peu importe le nombre de convives autour de la table, il parlait souvent seul attirant toute l'attention de son oditoire. Souvent, Raphaël l'enviait, lui et son charisme, il aurait aimé pouvoir parler des heures avec une foule de personnes attentives à la moindre de ses paroles, assises devant lui. Cela faisait déjà cinq bonnes minutes que tous avaient commencé à manger leur lasagne, mais le jeune homme n'avait toujours pas touché à son assiette, ne s'occupant que de nourrir son ami. Il finit par se résoudre à manger à son tour face au regard lourd de sous-entendus que lui lança Basile. À côté de lui, Lise, à qui il avait tourné le dos depuis tout à l'heure, mangeait lentement, ses doigts crispés autour de ses couverts. Raphaël se raidit lui aussi et fixa ses lasagnes, comme s'il s'agissait de la chose la plus passionnante du monde, en priant intérieurement pour qu'elle ne le regarde pas alors qu'une partie de son cerveau espérait de tout son cœur qu'elle pose ses yeux sur lui. Il était tellement nerveux, qu'il sursauta légèrement quand Adélaïde s'adressa à lui pour le féliciter de son plat. Le jeune homme la remercia du bout des lèvres et Basile en profita pour faire les éloges de sa cuisine ce qui n'eut d'autre effet que de le faire fortement rougir. À cet instant un fin sourire se dessina sur les lèvres de sa voisine et les papillons qui avaient envahi son estomac implosèrent. Le repas se termina comme d'habitude, Basile posait incessamment des questions, les invités lui répondaient et écoutaient ses diverses remarques, Adélaïde demanda à Raphaël la recette de son gâteau avant d'éclater de rire en racontant ses mésaventures en terme de pâtisserie et après rapide café qui s'éternisa jusqu'à quatre-heures de l'après-midi, ils se saluèrent lorsque Romain, Lise et Adélaïde rentrèrent chez eux. Pendant que Raphaël débarrassait la table et faisait la vaisselle, Basile partagea ses sentiments sur ce repas, très fier de ces nouvelles rencontres enrichissantes et intéressantes. Il épilogua plusieurs minutes sur Lise avant de s'approcher du jeune homme penché sur l'évier.


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