22 : Basile

Les soirs de réveillon avaient perdu leurs saveurs depuis longtemps, depuis qu'il avait cessé de croire en ces êtres imaginaires, Père Noël, Jésus, Dieu. Le vent d'hiver s'engouffrait dans sa veste de costume, plaquant sa chemise contre son torse. La lune sur les branches faisait apparaître des ombres dansantes sur la pelouse. Tout semblait figé, comme si le froid avait été assez fort pour geler toute vie. Ce jardin n'avait pas changé, il était si identique à celui de ses souvenirs que l'homme avait l'impression qu'il pouvait à tous moment se lever, perdre une vingtaine de centimètres et se mettre à courir, une raquette à la main, après un volant de badminton. Les étoiles avaient, elles aussi, revêtu leur plus beau habits et décoraient le ciel, le sublimant un peu plus que d'habitude. Basile respira aussi fort qu'il le put, ses poumons se remplissant des effluves de l'air iodé et de pins. Le plancher grinça plaintivement derrière lui et une main pâle apparut à côté de lui suivit des longues jambes de sa cousine. La jeune femme ne parla pas et tira une chaise pour s'asseoir à côté de lui. Espérant combler le silence qui s'installait entre eux, l'homme complimenta brièvement la beauté du paysage. La jeune femme prit sa main dans la sienne et la serra fermement, il aurait aimé avoir toutes ses capacités pour ressentir la force de cette étreinte. 

-Tu es un idiot, lâcha-t-elle finalement sans daigner tourner son regard vers lui.

-J'ai fait ce qu'il fallait. Me blâmer ne sert à rien, il est trop tard, ma décision est prise.

-Pourquoi nous en avoir parlé ? Pourquoi ce soir ?

-Je voulais connaître votre avis sur la question, tout le monde était réuni, cela me semblait un moment parfaitement adéquat.

-Basile ! On n'annonce pas son désir de suicide la veille de Noël pendant un repas dans une famille chrétienne, s'indigna-t-elle en haussant légèrement le ton.

Comme pour calmer les émotions qui assaillaient son corps, elle passa sa main sur son visage et fixa plus intensément les balançoires qui tanguaient mollement dans le coin de jardin.

-Et depuis quand te soucies-tu de ce que nous pensons ? Continua-t-elle, amèrement. Nous voulions que tu deviennes un homme de sciences ou de droit, tu t'es lancé dans des études de lettres. Nous voulions que tu ais une relation stable avec quelqu'un, tu n'as cessé de batifoler pendant des années. Nous voulions que tu fréquentes des personnes respectables et réfléchies, tu as continué à trainer avec tes "amis".

-Je t'en supplie, ne me sors pas l'éternel "Vois où cela t'a mené.". Je n'ai que trop entendu cette ritournelle.

Sa cousine ne répondit rien et resta de marbre, mais l'expression fermée de son visage montrait qu'elle n'était pas moins d'accord avec tout ça. Sa famille n'avait jamais vu d'un très bon œil ses amis proches, mais Basile s'en fichait bien. La femme finit enfin par planter ses iris bruns dans les siens.

-Basile, réfléchis, s'il te plaît. Penses à nous, penses à tes amis, penses à ceux qui t'aiment. Pour une fois, cesses d'être égoïste.

Sa voix était trainante, chevrotante, comme si la décision qu'il avait pris était la plus horrible qu'il y avait en ce monde. Mais il ne changerait pas d'avis, il ne voulait plus de ce corps qui l'oppressait, l'étouffait. Il ne pouvait plus vivre alors il avait décidé de ne plus être en vie.

-Tu ne peux pas comprendre, tu es heureuse, tu as tous, tes mains, tes jambes.

Son regard s'obscurcit et ses sourcils se froncèrent, rendant son visage froid et dur. Elle posa ses mains sur ses genoux et dévisagea son cousin.

-Comme toujours. Cet phrase que vous, vous sortez à chaque fois, comme pour nous faire culpabiliser de notre réussite. Mais vous oubliez tous que pour avoir ce bonheur nous avons dû travailler, ne pas faire d'écart. Vous ne comprenez pas que certain sont malchanceux mais que personne n'est chanceux. Ce n'est pas que toi Basile, ce sont vous tous, les opprimés de la sociétés qui essayaient de nous faire culpabiliser. Biensûr moi je suis blanche, riche, en bonne santé et je vis convenablement, je n'ai donc pas le droit de me plaindre, pas le droit de vous faire la morale. Mais les gens oublient souvent que je me suis tuée pour avoir tout ce que j'ai maintenant. Alors ce n'est pas parce que vous avez foiré votre vie avec vos bétises que vous devez détruire le bonheur que je me suis constuit !

Sa cousine avait terminé son discour en criant, ses doigts serrant fermement ses genoux et des larmes commencèrent à perler au bord de ses yeux. Basile posa sur elle un regard interdit fasse au discour qu'elle venait de lui adresser. Devant son visage figée, la jeune femme se calma et reprit doucement, à mi-voix :

-Je veux juste que tu comprennes Basile que même si tu ne nous aimes pas, nous, nous t'aimons. Alors ne détruit pas nos vies, penses à nous.

-Je ne changerai pas d'avis, répondit-il d'un ton catégorique.

Sans un mot de plus, la femme se leva et se dirigea vers la porte. Avant de rentrer à l'intérieur, elle se retourna vers lui une dernière fois.

-Tes parents m'ont parlé de ton nouvel auxiliaire, est-il au courant de ton choix ?

-Raphaël ne le sera que le jour voulu, pas avant.

-Si tu as choisi de mourir, je te soutiendrai même si je n'accepte pas ta décision. Mais Basile, ne fait pas souffrir des innoncents inutilement, essayes de briser le moins de coeur possible. Meurs en homme bien.

Sur ces dernières paroles elle claqua la porte derrière elle, laissant l'obscurité et la solitude l'enveloppé de leur lourd manteau.


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