21 : Adélaïde

Sa main s'approchait lentement de la sienne. Son rire raisonnait à ses oreilles comme un carillon. Il était tout près d'elle, son visage si proche, ses yeux lui semblaient flous, tout comme sa voix qu'elle n'arrivait pas à entendre distinctement. Il fredonnait une chanson sur laquelle elle ne pouvait mettre de nom, mais qu'elle connaissait par cœur comme s'il s'agissait d'une comptine de son enfance. Elle voulait le toucher, mais elle n'osait pas, il semblait pouvoir disparaître à chaque instant. Il était partout autour d'elle, l'enveloppant de son odeur, mais pourtant si loin, si insaisissable. Puis il la prit finalement dans ses bras, dans étreinte chaude et réconfortante. La lumière jaune des lampadaires l'assaillit. Ce réveil brusque, sans transition, fit d'abord sursauter Adélaïde, mais elle se laissa retomber lourdement sur son oreiller et se roula en boule dans sa couette. Dans sa poitrine, son cœur se comprima comme à chaque fois qu'il revenait hanter ses rêves. Lui et son maudit sourire. Ils n'étaient pourtant que des amis, alors pourquoi donc n'avait-elle pas réussi à se débarrasser de lui ? Pourquoi chacune de ses apparitions étaient-elles aussi douloureuses ? La jeune femme détailla la pièce seulement éclairée par la lumière qui filtrait des volets. Tout était flou et désordonné, un peu comme sa tête et son cœur à ce moment-là. Pour la première fois depuis longtemps, elle trouva cette pièce exiguë effrayante, tout était bien trop vide, trop silencieux, comme mort. Malgré son tempérament solitaire, la solitude commençait à lui peser, d'autant plus lorsqu'il revenait. Lui et son sal air parfait. Adélaïde se redressa et chercha à tâtons ses lunettes. Lorsqu'elle les posa sur son nez, les contours de la pièce cessèrent enfin de vaciller. La voix de sa grand-mère lui revint en tête "Lorsque tu es dans le trouble, enfiles les, tu y verras déjà plus clair" lui disait-elle lorsqu'elle était gamine. Elle quitta ses draps chauds pour le froid de la pièce. Elle frissonna lorsque ses pieds touchèrent le sol glacial, chaque hiver, son studio était aussi chaud que l'antarctique, son petit salaire de bibliothécaire n'étant pas suffisant pour payer le chauffage. La jeune femme ne serait pas étonnée si un jour en rentrant, elle trouvait les meubles recouverts de glace. Elle se dirigea vers la cuisine pour prendre son thé. Comme chaque matin, la bibliothèque lui manqué énormément.

Comme tous les jeudis, il n'y avait pas beaucoup de monde dans la bibliothèque, c'est pour ça qu'Adélaïde consacrait sa journée au rangement des livres. En cette fin d'après-midi Lise était absente pour cause de petit frère encombrant et la jeune femme se retrouvait donc seule en compagnie de Romain s'énervant contre son dessin. Le garçon n'arrêtait pas de gribouiller depuis que Lise lui avait dit que l'entraînement était le seul moyen de bien savoir dessiner. Malheureusement, il n'avait pu choisir son modèle, la petite chinoise lui ayant imposé. D'après les dires de son jeune ami, il s'agissait de l'une des plus populaires de son lycée, donc par conséquent une peste qu'il ne fallait pas trop embêter. Adélaïde avait pu voir quelques photos qu'utilisait Romain comme modèle, des cheveux blonds, des yeux marron et un visage ovale, certes un joli faciès, mais aucun charme à son goût. D'après Lise, cette jeune fille possédait un visage très facile à représenter, c'était donc pour ça qu'elle était devenue sans le vouloir le modèle du petit dessinateur.

-Dis Adélaïde, je suis si prévisible que ça ou Lise est juste tarée pour avoir trouvé mon mot de passe du premier coup ? Lui demanda le garçon alors qu'elle triait ses papiers.

-Un peu des deux à mon avis.

Il souffla d'un air exaspéré et retourna à son dessin. Depuis que leur amie avait réussi à pirater son compte facebook pour trouver des photos des élèves de son lycée, Romain n'arrêtait pas de se poser cette question. Une vieille femme s'approcha du bureau plusieurs livres entre les mains et lança à la bibliothécaire.

-C'est bien vide ici en ce moment. C'est bien dommage, vous avez tant de livres intéressants !

-Noël approchant, les personnes ne passent pas beaucoup de temps ici, justifia-t-elle, les cadeaux et les préparatifs sont plus important que la lecture.

-C'est vrai, tient, vous savez, je vais voir mes petits-enfants à noël et j'ai décidé de leurs offrir mes dernières lectures, certains de vos ouvrages sont si inspirants.

Adélaïde sourit à la femme et griffonna sur un papier la date de retour en continuant de discuter. Très souvent les personnes lui racontaient leur vie sans même qu'elle leur pose de question, d'après sa mère, c'était dû à son visage avenant. Lorsqu'elle eut fini, elle s'assit et continua de trier ses papiers avant que Romain l'interrompe à nouveau.

-Tu pars pour les fêtes de fin d'année ? Lui demanda-t-il sans lâcher sa feuille du regard.

-Oui, je vais passer Noël chez mes grands-parents en Auvergne. Et toi ?

-Comme d'hab, en famille, ici.

-Ça doit être sympathique.

Le garçon se recroquevilla un peu et ne répondit pas. Un long silence s'installa entre eux et la jeune femme continua de le fixer en attendant une réponse. Lorsqu'elle se dit qu'elle n'arriverait jamais et se remit au travail, la voix de Romain l'interpela à nouveau.

-J'aime plus Noël depuis longtemps, dit-il à mi-voix, en fait, j'aime plus être avec ma famille depuis... , il déglutit. C'est pas que je les aime pas, c'est juste que, que j'aime pas être avec ma soeur.

Voyant sa voix se briser à chaque mot, Adélaïde décida de ne pas insister. Elle réalisa finalement que malgré les longues semaines passées avec eux, elle ne connaissait pas vraiment ceux qui l'entouraient.


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