Son corps nu s'extirpa doucement des draps froissés et trempés de sueur, elle ne devait surtout pas réveiller Ivan. À pas de loup, elle se dirigea vers la fenêtre et l'ouvrit en grand pour respirer à plein poumon l'air frais des nuits d'automne. Elle frissonna et s'accouda au rebord avant de se retourner pour attraper son paquet de cigarettes et un briquet. Elle porta l'objet diabolique comme l'appelait Ivan, à sa bouche. Quand elle recracha la fumée, elle s'envola dans une danse presque poétique.

Lise regarda longuement le ciel étoilé au-dessus des lumières de la ville, fumant comme une pin-up des années 90. Elle réfléchissait à sa vie, à ses actions et elle voyait que tout était dénué de sens. Son existence n'avait aucun but, aucune finalité, mais cela ne l'inquiétait pas plus que ça. Elle porta quelques instants son regard sur Ivan, endormi au milieu des draps bleus. Elle ne savait pas vraiment si elle se jouait de lui ou non.

Il était fou d'elle, amoureux d'une façon maladive, mais elle savait qu'il ne serait jamais plus qu'un ami ou qu'un plan cul. Elle l'aimait, énormément, mais ça ne serait jamais de l'amour. Ivan le savait et pourtant, il n'avait pas abandonné, il était toujours prêt à partir jusqu'au bout du monde pour elle. Ce garçon était bon, bien trop bon pour une fille aussi instable que Lise.

La jeune femme se laissa glisser contre le mur, elle ne savait même plus comment elle avait fait pour rendre sa vie si inutile et comment elle avait pu entraîner Ivan dans sa décadence. Elle rejeta en arrière sa frange et ferma les yeux, s'en voulait-elle de ne pouvoir lui donner ce qu'il souhaitait ? Aucunement, elle avait été très claire avec lui, mais il s'était entêté à ne rien entendre, s'il souffrait, c'était entièrement de sa faute, pas de la sienne.

A vrai dire, elle ne le comprenait pas vraiment, Ivan était beau, grand, gentil, intelligent, collant certes, mais il avait tout pour plaire à plein de filles. Il était doux et attentionné, beaucoup de demoiselles le regardaient, leurs pupilles brûlant d'envie et criant presque "regarde moi, s'il te plaît.". Mais il n'avait d'yeux que pour Lise, elle qui ne faisait que rejeter ses avances, avec sa petite taille, son physique bien trop asiatique pour certaines personnes et son style extravagant. Pourquoi s'entichait-il d'une nana pareil alors qu'il avait toutes les autres à ses pieds ? Elle ne le comprenait pas, trop de choses n'étaient pas logiques et Lise, elle, avait besoin de logique.

Réalisant qu'il fallait qu'elle rentre chez elle si elle voulait être reposée et prête pour le lendemain, la jeune femme se leva et commença à s'habiller. Alors qu'elle allait sortir de la chambre, Ivan ouvrit les yeux et la regarda de ses pupilles grises.

-Tu t'en vas ? Demanda-t-il à mi-voix.

-Oui.

-À demain alors.

-À demain.

Elle referma la porte et sortit de l'appartement. Il devait bien être deux ou trois heures du matin et les rues étaient désertes, mis à part quelques jeunes ivres sortant de boîte de nuit ou clochards roulés en boule dans leurs sacs de couchage. Elle déambula dans les rues, comme un fantôme perdu, sous la lumière pâle des lampadaires. Dans sa tête, un rythme mélancolique sans nom tournait en boucle et sa démarche maladroite ressemblait à une danse. De loin, on aurait pu facilement la confondre avec les personnes ayant trop bu, mais elle n'était ivre que d'une chose : de liberté. Elle se sentait libre, seule au milieu des rues désertes, sous le ciel rempli d'étoiles qui ne semblait n'appartenir qu'à elle. Quand elle le regardait tous ses problèmes s'envolaient, Ivan, son existence, les autres, ils se brisaient tous en mille éclats et allaient rejoindre ces constellations lumineuses.

Le sourire aux lèvres , elle se mit à danser dans la rue , sautant et tournant sur elle-même au milieu de la chaussée. A ce moment-là , personne n'aurait pu se sentir plus libre qu'elle.

Telle était Lise.