17: Basile
Assit entre Adélaïde et Raphaël, Basile buvait son café en chantonnant d'un air distrait l'air d'une valse de Dimitri Chostakovitch. Cela faisait longtemps qu'il n'était pas revenu dans ce café remplit de beaux esprits là où il aimait souvent passer ses samedis matins, en livre entre les mains. Le gérant d'ailleurs avait eu du mal à le reconnaître, c'était tout à fait normal vu qu'il ne l'avait jamais revu depuis son accident. Il avait redécouvert, non sans une certaine nostalgie, le décor atypique et l'odeur âpre du café noir qui caractérisait tant cet endroit. Adélaïde avait toujours la même expression étonnée que quand elle était arrivée. Il ne savait pas ce qui l'avait le plus surpris, le fait qu'il l'invite à boire quelque chose à l'extérieur, que ce soit dans ce café qu'il avait promis de ne plus jamais fréquenter ou qu'elle trouve attablé à côté de lui son nouvel assistant. Depuis l'arrivée de Raphaël, Basile se sentait revivre, le garçon n'était pas froid, grognon ou dénué d'intelligence comme certaines de ses assistantes. Il lui avait redonné l'envie de sortir, de visiter les musées, les galeries d'art, de fréquenter à nouveau les endroits qu'il avait délaissés depuis son accident. Avec une grande satisfaction, il lui faisait découvrir de nouveaux auteurs bien plus classiques que ce que le jeune homme avait l'habitude de lire. Basile lui avait même appris à jouer aux échecs, l'avait emmener au théâtre avec lui. Il aimait le regarder, alors que Raphaël était totalement fasciné par toutes ces choses qu'il n'avait jamais osé faire avant. Souvent dans la rue les gens dévisageaient leur drôle de duo et quand Basile croisait d'anciennes connaissances, il les saluait sans perdre confiance devant leurs sourcillements étonnés. Il posa sa tasse du mieux qu'il pût mais Raphaël lui prit doucement de la main pour la poser délicatement. Basile lui sourit gentiment et regarda Adélaïde qui n'avait toujours pas dit un mot depuis qu'ils étaient servis. Il savait déjà ce quel pensait de ce rapprochement rapide avec ce garçon, et qu'elle ne manquerait pas de gentiment le sermonner dès qu'ils seraient seuls. Mais elle avait tort, étrangement Basile appréciait vraiment Raphaël. Il tourna son regard vers son ami qui observait avec curiosité la décoration du café, ses yeux détaillaient les banquettes brunes de velours capitonné, remontaient pour voir le chêne qui lambrissait le plafond. Le jeune homme avait l'impression de se trouver devant un tableau auquel il était totalement étranger, ces couleurs, les attitudes de ces modèles, cette musique, tous sonnaient étonnamment bien et formaient une bien jolie toile. Mais un visage familier vint briser cette douce harmonie. Une expression entre l'étonnement et la gêne, Justin Vendrell s'avançait lentement vers leur table. Quand il fut à leur hauteur, un sourire à moitié factice se glissa sur son visage.
-Basile ! Adélaïde ! Quel hasard de vous revoir ici ! Oh bonjour monsieur, dit-il prestement lorsque ses iris pâles se posèrent sur Raphaël. J'ai eu du mal à te reconnaître, alors c'est bien vrai, je suis sincèrement désolé pour toi.
Même s'il admettait être attristé par le triste sort de Basile, son visage ne le laissait aucunement paraître. Le jeune homme hocha la tête avec son flegme habituel, tout le monde lui servait si souvent les mêmes discours comme de vieux automates rouillés qu'il avait finis par ne plus s'émouvoir de ce manque de sincérité. Adélaïde tapota légèrement la commissure de ses lèvres du coin de sa serviette et transperça Justin du regard comme pour lui intimer de se taire.
-Je suis aussi très étonnée de te revoir. Tu ne viens plus jamais à la bibliothèque.
Cette dernière phrase ne fut pas dite sur le ton du reproche, non, plutôt comme s'il s'agissait d'une simple constatation. Mais l'homme comprit sans mal que la jeune femme l'emmenait volontairement sur un sujet houleux pour lui dire de s'en aller rapidement.
-Je suis assez débordé en ce moment tu sais. Se justifia-t-il. Tu sais mon patron demande de plus en plus d'articles et il faut jouer des coudes pour réussir à dégoter une interview ces temps-ci. D'ailleurs, je dois me rendre au bureau d'un gérant d'une entreprise agroalimentaire. J'espère que j'aurais des réponses intéressantes. On se prendra un café un de ses jours tous les trois ?
-Bonne chance alors. Passe me voir quand tu veux, les horaires n'ont pas changé.
Après s'être salué, faux sourire aux lèvres et belles poignées de mains, l'homme sans alla en enfilant son manteau. C'est à ce moment que Basile trouva le seul point positif de cet accident : il avait eu le don de l'éloigner de personnes nocives et de renforcer ses liens d'amitié avec celles qui comptaient vraiment pour lui. Il voyait enfin le véritable visage de certaines personnes qu'il avait admiré et la vrai personnalité de celles qu'il avait pu mépriser. Etait-ce sa confiance en lui qui l'avait à ce point aveuglé ? Il n'en savait strictement rien mais il se promit que désormais il saurait s'entourer d'amis de confiances.
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