15 : Adélaïde

Le ciel était devenu totalement noir, Adélaïde n'allait pas tarder à fermer la bibliothèque. Le bâtiment étant totalement vide, la jeune femme avait retiré ses chaussures et rangeait les livres en chantonnant. Ses cheveux relâchés sur ses épaules semblaient danser à chacun de ses mouvements. Elle saisit une pile de livres posée sur la table et se dirigea vers les étagères de l'entrée d'un pas guilleret. Arrivée dans le hall, elle se figea et observa la jeune femme ruisselante se tenant devant la porte. Ses cheveux noirs collaient à ses joues, ses jambes nues frissonnaient, ses yeux étaient rougis de larmes et ses baskets semblaient contenir autant d'eau qu'un aquarium. Elle resserrait fermement son manteau sur elle comme pour essayer d'arrêter les tremblements de son corps.

-Bonjour, dit-elle fébrilement. Je suis désolée, si.. Si vous devez fermer je vais sortir.

Sa lèvre supérieure tremblait comme si à chacun de ses mots, elle menaçait d'éclater en sanglots. Adélaïde resta quelques secondes sans bouger avant d'inviter la jeune fille à s'asseoir, elle hésita légèrement avant d'accepter. Elle se déchaussa et se débarrassa de son manteau trempé, gêné par sa tenue assez légère, elle sortit un jean de son sac et l'enfila maladroitement. Dès qu'elle fut assise, elle éclata en sanglots en prenant son visage dans ses mains. Elle semblait désespérée, elle avait du mal à respirer, ses larmes coulaient le long de ses bras comme la pluie sur les carreaux. Adélaïde n'osait pas lui parler, elle avait l'impression que si elle posait sa main sur son épaule, la jeune fille se briserait en mille morceaux. Délicatement, elle déposa la tasse fumante devant elle et alla s'asseoir de l'autre côté du bureau. La jeune femme finit par se calmer, elle se redressa en reniflant, les yeux rouges et brillants. Elle fouilla dans son sac à la recherche d'un mouchoir et souffla dedans en produisant un bruit semblable à celui d'une trompette. A mi-voix, elle remercia Adélaïde et prit la tasse brûlante entre ses doigts tremblotants. La bibliothécaire ne savait pas quoi dire, c'était déroutant de se retrouver face à la détresse d'une inconnue. Elle but une longue gorgée de thé et les deux jeunes femmes restèrent longtemps en silence. Aucune des deux n'osait vraiment regarder l'autre, l'une sans doute gênée et l'autre ayant peur d'être malpolie. Malgré les furtifs coups d'œil que lançait Adélaïde à l'inconnue, elle remarqua que la jeune fille n'agissait pas de manière constante. Quelquefois, elle bougeait frénétiquement son pied ou tapotait le bout de ses doigts sur la tasse, mais parfois, elle était tellement immobile que l'on aurait pu la confondre avec une statue. Finalement, elle planta son regard sombre dans les yeux d'Adélaïde.

-Auriez-vous l'heure, s'il vous plaît ? Demanda-t-elle d'une petite voix.

Adélaïde hocha la tête puis regarda sa montre, elle haussa les sourcils en se rendant compte de l'heure assez tardive.

-Dix-neuf heures quarante-quatre. Dit-elle sans décrocher son regard de la trotteuse.

La jeune fille se tordit les mains d'un air gêné et se leva en saisissant son manteau et son sac.

-Je vais vous laisser s'il est si tard. Je suis désolée de vous avoir importunée et je vous remercie de votre hospitalité.

Elle enfila ses baskets et se dirigea vers la porte. Adélaïde la regarda en réfléchissant, ses sourcils légèrement froncés.

-Vous ne voulez pas que je vous accompagne ?

-Ne vous en faites pas. Vous avez déjà fait énormément pour moi Madame. Je ne voudrais pas plus vous déranger.

Adélaïde se leva à son tour et commença à ranger ses affaires. La jeune femme eut une moue gênée, mais ne bougea pas sous le regard ferme que posait la bibliothécaire sur elle.

-Où allez-vous ? Demanda finalement la jeune femme qui avait enfin fini de débarrasser son bureau.

-Eh bien.( Elle se mordit la lèvre). Je ne sais pas encore, je pense aller voir si une de mes amies pour lui demander si elle peut m'héberger chez elle pour cette nuit.

-Venez chez moi, dit impulsivement Adélaïde.

Elle ne pouvait pas laisser cette jeune fille aussi fragile qu'une enfant errer à la recherche d'un lieu où passer la nuit. Son esprit beaucoup trop altruiste refusait de laisser les gens dans la difficulté et elle savait que cette gentillesse excessive la perdrait, mais elle ne pouvait s'empêcher d'offrir son aide. La femme parut hésiter quelques secondes avant d'accepter d'un simple hochement de tête, sûrement mal à l'aise. Alors sous la lumière faiblarde des lampadaires elles s'enfoncèrent sous la pluie en direction du petit appartement d'Adélaïde. Dans le ciel, un duo d'étoiles semblait s'être éteint ce soir.



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