Chapitre 48 : Raphaël
Nous sommes devant nos sushis depuis cinq bonnes minutes lorsque ma collègue lance les hostilités. Je n'ai pas le cœur à parler, mais je comprends que la dernière phrase que j'ai prononcée ait pu l'intriguer. Déjà ce week-end, après l'appel de Kristen, j'ai peu communiqué avec ma sœur. Elle voyait bien que quelque chose n'allait pas, mais je ne voulais pas lui pourrir un des derniers instants de préparatifs de son mariage. Elle n'a vraiment pas besoin de cela dans sa vie, tout comme Gwendolyne. J'ai hésité un instant à appeler Vic. Comme souvent, je me suis stoppé au dernier moment, ne souhaitant pas gâcher son temps. Avoir un proche comme moi ne dois pas être tous les jours simple. J'ai la sensation de ne jamais sembler bien dans ma peau, épanoui ou heureux. Pour mon meilleur ami, Louloue ou mes parents, je représente un raté. Alors, que pourrait donc penser cette jeune femme pleine de vie, de peps et de courage qui, pourtant, a perdu bien plus que moi ?
- Donc ?
Son insistance me fait relever le nez de mon repas pour détailler ses grands yeux bleus. Je voudrais lui parler, je n'y arrive pas. J'ai l'impression que tout ce que je dirais ne serait qu'une stupidité sans queue ni tête. Bien des gens se séparent, les divorces existent, un couple ne résiste pas forcément une vie entière. Et les personnes s'en remettent. Pourquoi n'y arriverais-je pas seul ?
- Qui a décidé de la fin ? Elle ou toi ?
- Moi... parvins-je à murmurer, presqu'inaudiblement.
Elle semble surprise, ses yeux s'écarquillent au moment où je me disais qu'ils ne pouvaient pas être plus ouverts qu'ils ne l'étaient déjà. Avais-je donc l'air aussi soumis que cela à Kristen, vu de l'extérieur ?
- Si tu veux en parler, je suis là. Je n'en ai peut-être pas l'air, mais je sais ce qu'est une rupture.
- Merci...
Cela me soulage qu'elle arrête de me questionner. Au moins ne suis-je pas contraint de répondre ou d'éviter ses demandes. Et puis, je réfléchis un instant. Je ne veux pas ennuyer Louloue à pas même deux semaines de son mariage, ni mes parents qui l'aident à la préparation. Je ne parviens pas à parler à Vic car je crains qu'il ne me dise qu'il m'avait prévenu, même si je sais que ce n'est que la vérité. En quelques sortes, le regard extérieur que m'offre Gwendolyne semble le plus propice aux confidences. Elle me connait que depuis peu de temps, n'a pas vraiment eu le temps de me conseiller sur mon couple, ne m'a pas connu avant Kristen. De plus, elle vient de m'avouer avoir vécu une situation semblable et je sais, à présent, qu'elle possède une très bonne capacité d'écoute. Autant me lancer et voir ce qu'elle pourrait me dire...
- Elle m'a appelé samedi soir, depuis le téléphone de quelqu'un d'autre. J'ai répondu. Au début, je pensais qu'elle avait compris, qu'elle ferait également des efforts. Et puis, elle est revenue à la charge avec son idée que je change de travail. J'ai refusé. Elle s'en est prise à ma sœur. Et là... là je n'ai pas supporté... Personne n'a le droit de toucher Louloue, personne. Elle a déjà assez souffert dans son passé. Alors, j'ai décidé de mettre un terme à notre relation. Et elle m'a raconté une histoire selon laquelle je n'avais été qu'un pari... J'ai l'impression que les huit années que j'ai passées avec elle n'ont été qu'un vaste mensonge. Je ne sais même plus si elle m'aimait réellement. J'ai compris qu'en réalité elle n'avait jamais accepté ma sœur. Non pas parce qu'elle n'apprécierait pas son caractère mais parce qu'elle la considère comme quelqu'un de différent. Au final, les idées fascistes et intolérantes de sa famille ont déteint sur elle... Et moi, moi pendant huit ans, j'ai tout fait pour l'aider. Je l'ai aimée, j'ai changé pour elle et son plaisir, j'ai été là quand elle n'allait pas bien, j'ai supporté sa jalousie en m'éloignant de tout le monde. Mais, ce n'était jamais assez. Je n'ai jamais voulu lâcher Vic ou ma famille. Je n'ai pas plié pour le boulot. Bien sûr, j'ai mes torts. Je n'aurais pas dû céder au départ, j'aurais dû mettre en place des compromis plutôt que de tout accepter, je n'aurais peut-être pas dû lui dire, il y a un an, que des spécialistes pourraient l'aider et la braquer. Je ne sais pas...
La tête dans mes mains, je me rends compte en me redressant que ma collègue a arrêté de manger pour m'écouter et qu'elle a subi mon monologue abominable, dont j'ignore même si je le lui destinais réellement. Dans son regard, je ne vois ni la pitié que je redoutais, ni le jugement que je craignais. Je ne constate qu'une personne qui semble en pleine réflexion.
- Je pense qu'elle t'aimait. Qu'elle t'aime encore, d'ailleurs. Et toi aussi. Mais que cet amour n'est pas sain. Que vous vous détruisez mutuellement. Elle en te changeant et toi en la protégeant de tout et d'elle-même. A vouloir bien faire, tu as fait trop et trop mal, Pingouin ninja. Mais tu n'es pas le seul fautif. Elle a une famille, des amis, elle a sa propre personne. On ne peut pas sauver les gens qui ne veulent pas l'être et, tôt ou tard, elle t'aurait bouffé, amour ou pas. Oui, tu as tes torts. Oui, elle a les siens. Maintenant, tu mets toutes ces informations dans un coin de ta tête pour fonctionner de manière empirique et ne pas recommencer la même chose une autre fois.
- Ça ne risque pas d'arriver, je ne me mettrai plus jamais en couple, rétorqué-je, amer.
- Il ne faut jamais dire jamais.
- C'est toi qui dis ça, Reine rouge ?
- Tout le monde peut se tromper, non ? C'est ainsi qu'on apprend !
Je tique sur cette dernière phrase. Serait-il possible que la personne la plus férue de liberté et la moins ouverte à un couple que je connaisse se soit trouvée un couple durant le week-end ? Moi qui pensais qu'elle serait bien allée avec Vic, cela me fait un pincement au cœur pour mon meilleur ami...
- Tu as rencontré quelqu'un ?
Elle me fixe avec des yeux de merlan frit, se demandant probablement d'où me vient l'idée de cette question. Ce que j'ignore, d'ailleurs. Un peu trop brute pour ce à quoi les gens qui me connaissent depuis l'époque Kristen ont été habitués. Un peu plus proche de qui j'étais avant Nathan...
- Oui et non. Non parce que ce n'est pas quelqu'un de nouveau. Oui parce que ce n'est pas quelqu'un que je connais depuis longtemps... Ni oui ni non car je ne souhaite pas vraiment être en couple...
- Et tu me dis que je pourrais me remettre en couple plus tard ? la piqué-je.
- Il y a des gens faits pour les couples et les autres ! Comme pour les enfants ou les animaux de compagnie !
- Bon alors, tu es en couple ou pas ?
Elle semble hésiter un instant, comme si elle-même ne savait pas vraiment ce qu'elle a décidé, puis me réponds en souriant légèrement :
- En « couple » libre !
- On dirait une des appellations de Vic, ton truc !
- C'est avec Vic, justement...
Hello !
Encore deux chapitres d'avance (oui, j'étais en forme hier soir ^^) !
Alors, que pensez-vous de l'analyse de Gwen ? De leur discussion ? Et du fait qu'elle ait parlé de Vic ? Et la suite ?
A demain pour un chapitre... qui risque d'être un nouveau rebondissement ;p
Sanguinement-vôtre,
Gothycka
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