Chapitre 46 : Raphaël
- Mon cœur ?
Cette voix. Cette voix douce, fluette, presqu'enfantine. Cette voix que je reconnaîtrais entre toutes. Celle de Kristen. Je ne sais pas à qui appartient le téléphone depuis lequel elle m'appelle, mais elle semble avoir réussi à me piéger. D'un autre côté, je suis soulagé que, pour la première fois, ce soit elle qui revienne vers moi et non l'inverse. Peut-être que cette période sans lui donner la moindre nouvelle lui a servi de leçon...
- Comment vas-tu ?
Je l'entends fondre en larmes de l'autre côté du combiné et je ne peux m'empêcher de me dire que je suis un salaud. Je la fais souffrir là où j'ai toujours promis de la rendre heureuse. Je ne sais pas quoi prononcer pour lui remonter le moral. Malgré le fait que j'ai l'impression d'être le pire des compagnons, mon esprit est entièrement tourné vers Louloue et je ne veux pas devenir également le pire des petits-frères. Mes pensées se raccrochent également vers les paroles de mes parents, celles de Vic et celles, emplies de sagesse, de ma collègue. Nathan... Je me sens déjà responsable pour lui, pourrais-je supporter de lâcher celle que j'aime ?
- Tu me manques, mon cœur... C'est trop long sans toi, c'est trop dur...
J'ai vraiment tout raté en essayant de l'aider. Tout ce que je suis parvenu à faire, c'est la rendre entièrement dépendante de moi, alors que je voulais qu'elle se sente bien. Si je ne suis pas là, elle est perdue, comme une petite fille. A force d'essayer de la tirer vers le haut, je l'ai infantilisée. Et ses parents ne l'ont jamais considérée comme une adulte... Je suis responsable de son mal-être et je ne sais plus quoi faire. Durant la première année de notre couple, elle était forte, inaccessible, trop bien pour moi et ce que j'étais devenu. Et ensuite, lorsque nous sommes entrés à la Fac, elle a commencé à devenir jalouse de tous ceux qui m'approchaient, hommes comme femmes. Plus je tentais de me relever, plus elle s'agrippait à moi. Au départ, je n'ai rien dit, prenant cela comme une forme de jalousie adolescente que j'avais déjà vue chez d'autres couples. Pendant plusieurs années, j'ai accepté, ne disant rien, excepté si elle touchait Vic ou ma famille. Et puis, il y a deux ans, nous avons commencé nos vies professionnelles et elle a dû accepter que nous n'étions plus tout le temps collés l'un à l'autre. Les crises sont devenues plus dures, plus compliquées, et j'ai ajouté mon travail à la liste des choses qu'elle ne pouvait pas toucher. Mes proches, mon boulot. C'est tout ce que je lui ai demandé. Et il y a un an, j'ai enfin eu le courage de lui proposer de voir quelqu'un pour l'aider. Parce que je n'y parvenais pas. Parce que je ne peux pas tout faire et qu'une personne extérieure serait la mieux placée. Et j'ai déclenché le cataclysme...
- Tu ne peux pas me faire ce genre d'ultimatum, Kristen... Tu sais que je t'aime, que j'ai fait beaucoup d'efforts pour toi, mais le travail, tu n'as pas le droit d'y toucher.
- Mais tu pourras en retrouver un autre... S'il-te-plaît...
Elle n'a pas tort, il est vrai que je pourrais chercher un autre boulot. Mais pas forcément aussi intéressant que celui-ci qui, en plus, n'est pas trop loin de notre logement. Et je repense aux conseils que m'ont donnés mes proches durant cette semaine. Si je cède là, cela devient la porte ouverte à tout, et je ne souhaite pas que Kristen puisse gouverner mon travail. La vie privée est une chose, la vie professionnelle une autre. Mes parents ont trop sacrifié pour moi. C'est de mon devoir de fils de les honorer à ce niveau-là, même si les pleurs de celle qui fait battre mon cœur me transpercent de part en part.
- Non, Kristen, je suis désolé. Je ne reviendrai pas sur ce job...
- Alors, c'est ainsi ? Tu préfères ton travail à celle avec laquelle tu partages ta vie depuis huit ans ? Tu me places si bas ? Je suis quoi pour toi ? Je ne suis rien, c'est ça ? Juste une personne bonne à faire la cuisine, le ménage, le repassage...
- Pardon ?
J'explose littéralement. Serait-elle en train de se moquer de moi ? Mais je n'ai pas le temps de parler davantage qu'elle continue sur sa lancée :
- J'ai tout accepté chez toi ! Je t'ai pris alors qu'aucune fille ne l'aurait fait ! Avec ton look de hippie, avec ta dépression et avec ta sœur bizar...
- Ne dis pas un mot de plus sur Louna.
Mon ton est sec, cassant, mais mon sang bouillonne dans mes veines. Attaquer Louloue, c'est m'attaquer moi. S'en prendre à elle, c'est interdit. Et par cette phrase, je réalise qu'elle n'a toujours pas accepté réellement ma sœur. Depuis huit ans, elle garde cela dans un coin de sa tête, elle trouve ma Louna « bizarre ». Et elle alors, elle est comment ? Je n'en peux plus et laisse déferler ma rage sur ma compagne.
- Bizarre ? Louna ? Tu te moques de moi, Kristen ? C'est réellement cela que tu penses de ma sœur ? Et tu devrais venir à son mariage ? Pour quoi faire ?
- Non, je t'en prie. Raphaël... Je me suis mal exprimée... C'est juste que... qu'elle...
- Ça fait huit ans que tu la connais ! Et huit ans que tu penses cela de Louna ! Tu te fiches de qui ? Tu ne m'as jamais rien dit !
- Mais tu l'aimes trop pour que je puisse te dire quelque chose ! Tu défends toujours les gens comme elle contre ma famille...
- Les gens comme elle ? Et ils sont comment les gens « comme elle » ? Ce sont des êtres humains, comme tout le monde ! Et comme ta famille, même si cela ne leur plait pas ! Merde !
- Ne sois pas grossier, Ra...
- Je t'emmerde !
Je m'arrête quelques secondes, conscient de ce que je viens de hurler au téléphone. J'ai osé dire ça à celle que j'aime. Sans aucune retenue, sans même y penser, juste parce qu'elle m'a poussé à bout sur ma sœur. Parce que je viens de me rendre compte que, si elle n'aimait pas Louna, ce n'était pas juste à cause du fait qu'elle me soutenait. Parce que je comprends d'un coup que les idées de ses parents, que je pensais qu'elle ne partageait pas, se sont immiscées en elle et qu'elle est en accord avec elle. Parce que cet échange vient de détruire la seule chose que je pensais être parvenu à construire depuis la mort de Nathan : mon couple.
- Ecoute, Kristen. Je t'aime. Je t'ai toujours aimé. Enfin... j'ai cru aimer quelqu'un qui n'existait pas. J'ai aimé un masque pendant ces dernières années. Je suis désolé mais... je ne peux plus continuer avec toi...
Un silence suit durant quelques instants, avant qu'elle ne crie :
- J'aurais dû m'en douter ! Je n'aurais jamais dû faire ce pari il y a huit ans ! Tu n'es qu'un salaud et un moins que rien ! C'est moi qui te quitte ! Et papa va faire les papiers pour que notre location soit rendue ! Je ne veux plus rien avoir à faire avec toi ! Je ne t'aimais même pas quand je me suis mise en couple avec toi !
Et elle raccroche, me laissant comme un con devant mon téléphone. Un pari ? Je n'étais que ça... Un pari...
Hello !!!!!!!!!!!!
De retour de vacances depuis mardi soir, encore un peu en jet lag, mais je ne voulais pas vous faire patienter davantage ! ^^
Alors, vous pensez quoi de cette rupture ? Comprenez-vous mieux la façon dont a évolué leur couple en huit ans ? Etes-vous d'accord avec la réaction de Raph ? Celle de Kristen (parce que je n'ai pas non plus envie que ce ne soit qu'une méchante ! Certes, elle a des torts, mais bon...) ? Que pensez-vous qu'il va se passer maintenant ? Des idées sur Louna ?
Je préviens, je vais essayer de faire en sorte que l'on reprenne un petit rythme de croisière ! Peut-être une publication tous les deux jours ou par jour ! Pour le moment, je suis encore en vacances (mais chez moi), donc je vais tenter d'écrire le plus possible ;)
Bonne journée à tous :)
Sanguinement-vôtre,
Gothycka
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