Chapitre 42 : Gwendolyne
- Maman !
Je m'élance en courant vers elle, mes petites jambes ne semblent pas vouloir me porter aussi rapidement que je le souhaiterais. Elle se met sur ses genoux, vêtue de son jean taille haute et un pull à la mode des années 90, et m'ouvre ses bras pour que je puisse m'y loger. Elle sent bon ! Ses cheveux roux dégagent une odeur de shampoing fraîchement rincé, tandis que son parfum embaume la pièce. Je me cramponne à elle comme si elle allait partir et me cache dans son cou pour la retenir le plus longtemps possible.
- Gwendolyne, ma chérie...
Elle se détache légèrement de moi et plante ses yeux vert émeraude dans les miens, pour me rassurer :
- Je reviens dans quelques jours, ma Gwendolyne, ne t'inquiète pas. Tu vas rester avec papa. Tu sais, il m'a dit qu'il t'emmènerait au McDo.
Cette dernière phrase, faite sous le ton de la confidence, étire un sourire à mon visage d'enfant. Je vais avoir un hamburger !
- Marianne. Tu étais tout pour moi. De notre rencontre, il y a de cela vingt-quatre ans, à la naissance de notre fille qui aura bientôt sa majorité, à...
Mon père ne peut contenir son émotion plus longtemps et, debout face au cercueil, je mets ma main dans la sienne pour le pousser à continuer son éloge funèbre.
- A ce jour tragique qui t'a emportée...
Il ne parvient plus à parler, les larmes coulent tel un fleuve déchaîné et je prends sa place pour le remplacer.
- La vie est dure et t'a prise trop tôt. Un accident, stupide, qui t'a arraché à mes bras. Une journée qui commençait comme d'habitude et s'est achevée dans les pleurs. Je ne peux même pas en vouloir à la personne qui t'a ôté la vie. Tout le monde a toujours dit que ce virage stupide, mal indiqué, et cette priorité à droite ferait un jour un mort... Il a fallu que ce soit toi, ma Marianne, la lumière de ma vie...
Mon père renifle, se mouche et reprend ma place pour achever ce discours devenu bien trop long à mes yeux adolescents. Je ne pleure pas, j'ai versé toute mes larmes il y a quelques jours, quand on m'a annoncé que ma mère était à l'hôpital. Les perles d'eau salées se sont écoulées le soir même, lorsque ma mère est morte dans nos bras, à mon père et moi, suite à ses blessures. Je n'ai pas même de rage en moi. Je n'ai plus rien, je suis comme vide. Mais je sais que je dois continuer à avancer. Me relever et me battre parce que c'est ce qu'elle aurait voulu. Avoir mon BAC et aller à la Fac. Graver à tout jamais ces instants pour pouvoir les revivre et savoir ce pour quoi j'avance et je lutte tous les jours.
- Laisse-moi faire, papa...
- La vie est vraiment injuste ! Tu ne devrais pas vivre ça ! Tu as déjà subi la mort de ta mère il y a trois ans ! Pourquoi la vie s'acharne-t-elle ainsi ?
Ses cris ressemblent à de la rage et de la peine mêlée, là où je n'ai plus rien dans mon âme. Tant bien que mal, je réussis à l'aider à se raser le crâne, enlevant ainsi les quelques touffes de cheveux qu'il restait entre deux chimiothérapies. Deux années qu'il lutte et enchaîne les traitements. Au début, nous avons espéré. Nous nous sommes dit que la foudre ne pouvait pas tomber deux fois au même endroit. Et puis, au fil des métastases, nous avons compris que nous nous trompions. Que, si certaines personnes ont de la chance, il fallait bien que d'autres n'en aient aucune, histoire d'équilibrer la balance. Pour couronner le tout, je me suis séparée il y a trois mois de mon mec. Ironie du sort ou stupidité profonde de ma part de n'avoir pas vu qu'il était jaloux à un niveau incroyable. Après trois années ensemble, il me demande de choisir entre mon père et lui parce qu'il trouve que je passe trop de temps avec un malade ! Il n'a pas volé mon coup de poing dans sa tronche et ses affaires qui ont valsé de ma chambre d'étudiante !
- J'avais promis à ta mère que je serais là pour toi...
Après la haine et la rage, il explose en larme et s'en veut de devoir me quitter bientôt. Et moi, je lui sers de canne pour se relever parce qu'avec son cervelet touché par ce cancer qui le ronge, il n'a presque plus aucun équilibre.
- Merci, papa...
Fin de la scène. Envol des cendres. Quelques personnes autour... Plus aucune famille à part Gazouille. Le pauvre. Lui-aussi a vu passer deux parents décédés. Et en seulement cinq années de vie. A croire que son karma est encore plus mauvais que le mien...
- Maman ! Papa !
Je cours vers eux. Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils sont vivants. Ils respirent le bonheur et la joie. Les yeux marrons de mon père sont débordants d'énergie.
- Tu nous as tellement manqué, notre Gwendolyne...
Les prendre dans mes bras me fait un bien fou. Toujours ces mêmes parfums, leurs voix graves et agréables, les iris qui pétillent et les cheveux qui volent. Mon père avec ses cheveux gris à faire rougir bien des hommes. Ma mère et sa silhouette parfaite. Et moi, moi avec une joie de vivre que je me redécouvre, bien loin de celle que je feins tous les jours.
- Je suis tellement contente de vous voir !
Cette vision de bonheur me réveille, ou peut-être est-ce Hippo qui se déplace le long de mon corps.
- Hippo, retourne dormir... parviens-je à marmonner, encore à moitié endormie.
Je jette un œil au réveil et reste dans mon lit. Je ne veux pas les laisser une nouvelle fois. Il est presque dix heures du matin mais je m'en fiche. Samedi. Rester auprès d'eux entendre encore l'inflexion des voix chères qui se sont tues...
Hello !!!
Vous aviez eu les cauchemars de Raph, à présent les rêves de Gwen ! Vous ont-ils éclairés sur son passé ? Que pensez-vous qu'il s'est passé ? La comprenez-vous mieux à présent ?
Question bonus : Qui a trouvé ce qu'est la dernière phrase, d'où elle vient ?
Peut-être à demain, si j'ai le temps de vous écrire un petit chapitre :)
Sanguinement-vôtre,
Gothycka
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